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Décisions

Cass. soc., 1 février 2001, n° 99-11.653

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Avena

Défendeur :

Coop Provence, de Saint-Rapt (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carmet (conseiller le plus ancien faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Chagny

Avocat général :

M. de Caigny

Avocats :

Me Balat, SCP Delaporte, Briard.

T. com. Avignon, du 22 janv. 1988

22 janvier 1988

LA COUR : - Attendu qu'en vertu d'un acte sous seing privé en date du 13 juillet 1982, la gestion d'une succursale d'épicerie et de produits divers appartenant à la société Union des coopérateurs de Provence "La Ruche" (Coop Provence) a été confiée à Mme Avena ; que la société a saisi en 1984 le tribunal de commerce pour avoir remboursement par l'intéressée d'un déficit d'inventaire ;

Sur les premier et deuxième moyens réunis : - Attendu que Mme Avena fait grief à l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 décembre 1998) d'avoir rejeté les fins de non-recevoir qu'elle avait proposées, alors, selon les moyens :

1 / que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que la cour d'appel ne pouvait, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée par le conseil de prud'hommes, retenir que Mme Avena avait saisi cette juridiction après avoir été condamnée par le tribunal de commerce dont elle n'avait pas contesté la compétence, et que Mme Avena ne prouvait pas l'identité d'objet et de cause des demandes, tout en constatant que le conseil de prud'hommes s'était déclaré compétent pour statuer sur une demande tendant à l'allocation d'indemnités à la suite de la rupture, qualifiée d'abusive, d'un contrat de gérant salarié d'une succursale de maison d'alimentation de détail et que les parties s'opposaient devant elle sur la qualification du contrat de gérance salariée invoqué par Mme Avena ; qu'en statuant comme elle l'a fait, elle a violé les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ; que la cour d'appel ne pouvait donc, pour écarter le moyen tiré de la prescription invoqué par Mme Avena, se borner à retenir que cette dernière ne fondait nullement en droit son allégation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, elle a violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que, selon l'article L. 782-5 du Code du travail, les différends survenus entre les entreprises mentionnées à l'article L. 782-1 et leurs gérants non salariés relèvent, lorsqu'ils concernent les modalités commerciales d'exploitation des succursales, de la compétence des tribunaux de commerce et de celle des tribunaux habilités à connaître des litiges survenus à l'occasion de louage de services lorsqu'ils concernent les conditions de travail des gérants non salariés telles qu'elles résultent du titre VIII du livre VII du Code du travail ; que la cour d'appel, qui a retenu que le litige concernait les modalités de l'exploitation commerciale de la succursale exploitée par l'intéressée, a exactement décidé que la juridiction commerciale était habilitée à en connaître, peu important que le conseil de prud'hommes se soit par ailleurs déclaré compétent pour statuer sur les demandes relatives à la rupture des relations de travail présentées par la gérante ; qu'en conséquence, les demandes n'étant pas les mêmes dans l'une et l'autre instances, l'article 1351 du Code civil ne trouve pas à s'appliquer ;

Attendu, d'autre part, qu'il résulte des conclusions d'appel de Mme Avena que celle-ci s'était bornée à demander aux juges du second degré de constater "la prescription de toute demande devant les juridictions prud'homales relatives, notamment, à l'existence d'une faute lourde" et non pas la prescription de l'action commerciale dont ils étaient saisis ; - d'où il suit que le premier moyen n'est pas fondé et que le deuxième moyen, tel qu'il est formulé, est nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable ;

Sur les troisième et quatrième moyens : - Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir condamné Mme Avena à payer à la société Coop Provence la somme de 188 374,23 francs avec intérêts de droit à compter de la demande en justice, alors, selon les moyens :

1 / qu'est un contrat de travail un contrat de gérance mettant le gérant dans un lien de subordination avec la société propriétaire du fonds de commerce ; que la cour d'appel ne pouvait, pour considérer que les parties étaient liées par un contrat de gérance non salariée, retenir qu'il résultait de la combinaison de ses articles 2, 3 et 15 que ce contrat entrait dans les prévisions des articles L. 782-1 et suivants du Code du travail, sans s'expliquer sur l'état de subordination dans lequel se trouvait Mme Avena et bien que l'article 13 du contrat litigieux se réfère expressément à la qualification de contrat de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 782-1 et L. 782-2 du Code du travail ;

2 / que Mme Avena avait fait valoir dans ses conclusions que l'expert n'avait pris en compte aucune freinte, dont la société Coop Provence avait pourtant admis la prise en considération à l'égard d'un autre gérant et que le prix des biens vendus à crédit, qu'elle n'avait pas perçu, ne pouvait être porté à son débit ; qu'en l'état de ces conclusions, la cour d'appel ne pouvait entériner le rapport évaluant un déficit d'inventaire mis à la charge de Mme Avena, sans s'expliquer sur ces moyens déterminants, sauf à violer l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, analysant les dispositions du contrat qui liait les parties, dont l'article 2 laissait à la gérante la liberté de fixer ses conditions de travail ainsi que toute latitude d'embaucher du personnel sous son entière responsabilité, a pu en déduire que l'intéressée n'était pas fondée, en l'absence de tout lien de subordination, à invoquer l'existence d'un contrat de travail de droit commun ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui, répondant ainsi aux conclusions dont elle était saisie, a retenu que les documents versés par l'intéressée et qui, pour la plupart, avaient déjà été soumis à l'expert, n'étaient pas suffisamment déterminants et ne permettaient pas d'écarter les conclusions comptables du rapport d'expertise ou d'ordonner une nouvelle expertise, a fixé le montant de la somme due à l'entreprise par la gérante au titre du déficit d'inventaire ; - d'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.