Cass. soc., 15 décembre 1993, n° 91-18.573
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Casino France (SNC)
Défendeur :
Blanchard (époux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kunhmunch
Rapporteur :
Mme Béraudo
Avocat général :
M. Kessous
Avocats :
SCP Le Prado, SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin.
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Vu l'article L. 782-1, alinéa 1er, du Code du travail ; - Attendu qu'aux termes de ce texte, les personnes qui exploitent, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales de maisons d'alimentation de détail ou de coopératives de consommation, sont qualifiées de "gérants non salariés" lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de leur travail et leur laisse toute latitude d'embaucher du personnel ou de se substituer des remplaçants à leurs frais et sous leur entière responsabilité, la clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposé étant une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 26 juin 1991), rendu sur contredit, que les époux Blanchard ont exploité à Muret une succursale d'alimentation de la société L'Epargne ; que la société Casino, venue aux droits de cette dernière, a mis fin au contrat le 27 janvier 1989 en invoquant des manquants en marchandises dont elle a réclamé le remboursement aux époux Blanchard devant la juridiction commerciale ;
Attendu que, pour confirmer la décision d'incompétence du tribunal de commerce et déclarer compétente la juridiction prud'homale, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés des premiers juges, en se fondant sur les termes du contrat conclu entre les parties, en premier lieu, que les marchandises reçues étaient exclusivement celles fournies par la société, laquelle fournissait également le local et le logement, et imposait les prix de vente et la présentation des marchandises, et, en second lieu, que le contrat imposait l'ouverture du magasin conformément aux coutumes locales des commerçants-détaillants d'alimentation générale, et qu'ainsi les conditions de travail étaient fixées par la société ;
Attendu, cependant, que, d'une part, la clause imposant aux gérants d'ouvrir le magasin aux heures usuelles n'était pas une clause fixant les conditions de travail des gérants au sens du texte susvisé ; que, d'autre part, les autres éléments relevés par les juges du fond constituent des modalités commerciales qui ne caractérisent pas un lien de subordination juridique entre les parties ; - d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher quelles étaient, en fait, les conditions de travail des gérants, s'ils recevaient des ordres et des directives et dans quelle mesure ils étaient soumis, dans l'exécution de leur travail, au contrôle de la société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.