Cass. soc., 15 janvier 2002, n° 99-45.694
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Monory et Fils (SA)
Défendeur :
Beaugrand
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Waquet (faisant fonctions)
Rapporteur :
Mme Maunand
Avocat général :
M. Bruntz
Avocats :
Mes Vuitton, Delvolvé.
LA COUR : - Attendu que M. Beaugrand a été engagé en qualité d'employé commercial, le 1er octobre 1978, par M. Monory ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 21 juillet 1995 et a adressé à son employeur, le 16 août 1995, un courrier dans lequel il a renoncé à l'indemnité de clientèle ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à voir dire qu'il bénéficie du statut de VRP et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et à obtenir le paiement d'indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de préavis, conventionnelle et spéciale de rupture, ainsi que de rappel de salaires et de commissions et une somme au titre de la clause de non-concurrence ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Monory fait grief à l'arrêt attaqué (Amiens, 16 septembre 1999) de dire que le salarié bénéficie du statut de VRP, de lui allouer des indemnités de ce chef et de la condamner à régulariser la situation du salarié au regard des caisses de retraite et de prévoyance des VRP, sous astreinte, alors, selon le moyen, que n'a pas le statut de VRP le salarié dont le contrat prévoit que les visites à faire sont imposées par l'employeur dans le cadre strict et suivant des formalités préétablies, le salarié ne pouvant être considéré comme se livrant à la prospection de clientèle ; qu'en l'espèce, il résultait du contrat de travail de M. Beaugrand qu'il visiterait les clients de son secteur qui lui seraient désignés ; qu'il recevrait les instructions pour la journée et devrait se conformer à l'organisation commerciale de l'entreprise ; que, dès lors, la cour d'appel, en retenant l'application du statut de VRP bien que la prospection et la recherche de clientèle, condition déterminante de l'application d'un tel statut, ne soit pas remplie au cas de M. Beaugrand, a violé l'article L. 751-1 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé que M. Beaugrand exerçait la fonction de représentant pour le compte de son employeur, qu'il prenait et transmettait les commandes, qu'il n'effectuait aucune opération pour son propre compte et qu'il disposait d'un secteur, a pu décider que le salarié bénéficiait du statut de VRP nonobstant le fait qu'il était soumis à un contrôle de son activité; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Monory fait encore grief à l'arrêt de la condamner à verser une indemnité spéciale de rupture à M Beaugrand, alors, selon le moyen : 1°) que l'indemnité spéciale de rupture ne peut bénéficier qu'au salarié pouvant prétendre à l'octroi d'une indemnité de clientèle et ayant opté pour celle-là ; qu'en l'espèce, le salarié n'ayant ni créé, ni apporté ou développé de clientèle, il ne pouvait lui être alloué une telle indemnité ou son substitut ; qu'en décidant toutefois de faire droit à la demande du salarié, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'Accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975, ensemble l'article L. 751-9 du Code du travail ; 2°) que constitue des motifs d'ordre général impropres à justifier sa décision le fait pour la cour d'appel de décider que l'indemnité spéciale de rupture calculée sur 8,88 mois était égale à 49 863,10 francs sans s'expliquer sur le salaire moyen des douze derniers mois pour parvenir à une telle somme ; qu'en se déterminant ainsi par un motif d'ordre général sans justifier en fait les éléments permettant de fixer à une telle somme l'indemnité, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 de l'Accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 ;
Mais attendu que le bénéfice de l'indemnité spéciale de rupture prévue par l'article 14 de l'Accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 n'est pas subordonné à la reconnaissance d'un droit à l'indemnité de clientèle;
Et attendu que la cour d'appel, ayant relevé que le représentant avait renoncé à l'indemnité de clientèle dans le délai de trente jours à compter de l'expiration du contrat de travail, a, sans encourir les griefs du moyen, exactement décidé qu'il devait bénéficier de l'indemnité spéciale de rupturedont elle a fourni les éléments nécessaires à son calcul ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Monory fait encore grief à l'arrêt de la condamner à payer à M Beaugrand une indemnité conventionnelle de rupture, alors, selon le moyen : 1°) que l'indemnité conventionnelle de rupture ne peut bénéficier qu'au salarié pouvant prétendre à l'octroi d'une indemnité de clientèle et ayant opté pour celle-là ; qu'en l'espèce, le salarié n'ayant ni créé, ni apporté ou développé de clientèle, il ne pouvait lui être alloué une telle indemnité ou son substitut ; qu'en décidant toutefois de faire droit à la demande du salarié, la cour d'appel a violé l'article 13 de l'Accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975, ensemble l'article L. 751-9 du Code du travail ; 2°) que l'indemnité conventionnelle est calculée en fonction de l'ancienneté acquise par le salarié qui, ayant 16 ans révolus d'ancienneté, a droit à une indemnité égale à 3,4 mois de salaire fixe ; qu'en allouant au salarié ayant 16 ans d'ancienneté une indemnité de 4,75 mois, la cour d'appel a violé l'article 13 de l'Accord national interprofessionnel ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, ayant constaté que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que le représentant, âgé de moins de soixante-cinq ans, disposait d'une ancienneté de plus de deux années dans l'entreprise, a exactement décidé que celui-ci pouvait prétendre à l'indemnité conventionnelle de rupture, les conditions de son allocation étant réunies;
Et attendu, d'autre part, que l'ancienneté devant s'apprécier à l'expiration du délai de préavis, la cour d'appel a, sans encourir le grief de la seconde branche du moyen, procédé au calcul de l'indemnité sur la base d'une ancienneté de dix-sept ans; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen : - Attendu que la société Monory fait enfin grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme à titre de la clause de non-concurrence, alors, selon le moyen, qu'une décision doit se suffire à elle-même et que les magistrats de la cour d'appel doivent permettre à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle ; que, pour allouer la somme de 163 592,47 francs au titre de l'indemnité de non-concurrence, la cour d'appel s'est contentée de rappeler les dispositions de l'article 17, alinéa 3, de l'Accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 sans en faire une application concrète au cas de M. Beaugrand ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé le principe susvisé et l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a, sans encourir les griefs du moyen, faisant une juste application de l'article 17 de l'Accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975, déterminé le montant de la clause de non-concurrence due au représentant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.