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Décisions

Cass. soc., 15 janvier 2002, n° 99-45.335

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Boutigny

Défendeur :

Resistex (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Waquet (faisant fonctions)

Rapporteur :

Mme Maunand

Avocat général :

M. Bruntz

Avocat :

SCP Gatineau.

Cons. prud'h. Nice, du 22 juin 1995

22 juin 1995

LA COUR : - Attendu que M. Boutigny a été engagé en qualité de VRP à titre exclusif par la société Resistex, le 26 février 1971 ; que son secteur de prospection était constitué en une clientèle attribuée par l'employeur dont la liste nominative lui avait été donnée et qu'il percevait une commission sur toutes les commandes directes et indirectes de son secteur ; que l'employeur a vendu des produits à un prix inférieur à celui qu'il pratiquait à un distributeur situé dans son secteur ; que M. Boutigny a saisi la juridiction prud'homale en avril 1994, de demandes tendant à obtenir la résolution judiciaire de son contrat de travail, des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de clientèle, des rappels de commissions et des dommages-intérêts pour préjudice moral du fait de la vente de produits à un prix inférieur au sien à un distributeur situé dans son secteur par l'employeur qui correspondait, selon lui, à la mise en place d'un réseau de vente concurrent ; que M. Boutigny a fait valoir ses droits à la retraite le 31 mai 1996 et modifié ses demandes abandonnant celle relative à la résolution judiciaire du contrat de travail ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que M. Boutigny fait grief à l'arrêt attaqué de le débouter de sa demande d'indemnité de clientèle alors, selon le moyen : 1°) que le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail après que son employeur lui a proposé de le mettre à la retraite constitue une mise à la retraite dont l'initiative revient à l'employeur; qu'en l'espèce, M. Boutigny soutenait, dans ses conclusions d'appel, que l'employeur l'avait informé, par lettre du 1er février 1996 qu'il envisageait de le mettre à la retraite et que ce n'est qu'à la suite de cette lettre de son employeur qu'il avait pris acte de sa mise à la retraite ; qu'en retenant que l'initiative du départ à la retraite appartenait au salarié, sans rechercher si le départ à la retraite ne résultait pas de la proposition faite par l'employeur de le mettre à la retraite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-13 et L. 751-9 du Code du travail ; 2°) qu'en tout état de cause, la contrat de travail est considéré comme rompu du fait de l'employeur lorsque la rupture n'est que le résultat de manquements de ce dernier à ses obligations contractuelles; qu'en l'espèce, M. Boutigny énonçait dans ses conclusions d'appel que son départ à la retraite résultait de l'attitude ingrate de son employeur qui, par l'intégration dans son secteur de vente d'un réseau de vente parallèle, l'avait privé systématiquement d'une partie de ses commissions ; qu'en retenant que le salarié avait pris l'initiative de son départ en retraite, quand il ressortait, par ailleurs, de ses propres constatations que ce départ ne provenait que du comportement de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-13 et L. 751-9 du Code du travail ; 3°) que si le salarié ne peut cumuler l'indemnité de clientèle et l'indemnité de départ à la retraite, il a droit à l'indemnité la plus élevée entre les deux ; que ce droit ne lui est pas retiré du seul fait que l'employeur lui a versé l'indemnité la plus faible ; qu'en se bornant à retenir que le salarié avait perçu une indemnité de départ à la retraite, sans rechercher si l'indemnité de clientèle à laquelle il pouvait prétendre, n'était pas plus élevée que celle que lui avait versée l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 751-9 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, ayant constaté que le salarié avait pris l'initiative de son départ à la retraite, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen : - Attendu que M. Boutigny fait grief à l'arrêt de limiter son rappel de commissions, alors, selon le moyen : 1°) que l'employeur ne peut fixer unilatéralement le taux réduit que le contrat de travail prévoit d'appliquer aux commissions sur les affaires traitées à des conditions inférieures au tarif imposé au VRP ; qu'en retenant que les demandes du salarié en paiement de commissions sur les affaires pour lesquelles il avait été commissionné à taux réduit n'étaient pas justifiées dès lors que le contrat permettait une réduction du taux de commissionnement en cas de ventes conclues au dessous du tarif, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 751-1 du Code du travail ; 2°) que le défaut de livraison ou de paiement imputable à l'employeur ne prive pas le salarié de son droit à commission, même lorsque le contrat contient une clause de ventes menées à bonne fin ; qu'en retenant que les demandes en paiement du salarié sur les commandes qui n'ont pas donné lieu à une livraison complète ou à un paiement intégral n'étaient pas justifiées dès lors que le contrat stipulait que les commissions n'étaient dues que sur celles menées à bonne fin sans constater que le défaut de livraison ou de paiement intégral n'était pas imputable à l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 751-1 du Code du travail ; 3°) qu'en tout état de cause, M. Boutigny soutenait dans ses conclusions que toute clause ayant pour conséquence de rendre le salarié garant du recouvrement des créances de son employeur est réputée non écrite et que l'employeur n'est en droit de priver le VRP de ses commissions sur les commandes impayées que si le non-paiement est imputable au VRP ; qu'en ne répondant à ce moyen des conclusions d'appel de M. Boutigny, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel quin'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée et qui a répondu aux conclusions, a constaté que le contrat de travail prévoyait de réduire le taux de commissionnement lorsque les ventes étaient conclues au-dessous du tarif et que les commissions n'étaient dues que sur celles qui étaient menées à bonne fin, a, légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen : - Vu les articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ; - Attendu que, pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier du fait des manquements contractuels de l'employeur, la cour d'appel a dit que le salarié, en dépit de ses réticences initiales, avait accepté d'intégrer la société Balitrand dans son secteur de clientèle dont il avait pris les commandes, en assurant leur suivi et en étant commissionné sur les ordres directs et indirects passés par cette société auprès de son employeur; qu'en statuant ainsi alors que le VRP n'avait pas accepté expressément la modification de son contrat de travail résultant de l'intégration dans la liste de clients constituant son secteur, d'un distributeur bénéficiant d'un tarif inférieur à celui pratiqué habituellement par l'entreprise, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés;

Et sur le troisième moyen : - Vu l'article 17 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 ; - Attendu que pour accorder la moitié de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence à M. Boutigny, la cour d'appel a considéré que le départ à la retraite à l'initiative du salarié était assimilable à la démission ;

Attendu, cependant, que le départ à la retraite constitue une cause autonome de résiliation du contrat de travail distincte de la démission; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le texte susvisé ne prévoit la réduction de moitié de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence que dans le cas d'une démission, la cour d'appel a violé ledit texte;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ses dispositions relatives aux dommages-intérêts pour préjudice moral et financier demandés par M. Boutigny en réparation des manquements contractuels de l'employeur et à la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 29 juin 1999, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.