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Décisions

Cass. soc., 23 novembre 1999, n° 97-42.979

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Garcia

Défendeur :

Giacomini (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gélineau-Larrivet

Rapporteur :

M. Merlin

Avocat général :

M. Martin

Avocats :

SCP Gatineau, SCP Célice, Blancpain, Soltner.

Cons. prud'h. Avignon, du 22 nov. 1994

22 novembre 1994

LA COUR : - Attendu que M. Garcia, engagé le 6 janvier 1978 en qualité de VRP multicartes par la société Giacomini, a été licencié le 4 février 1993, au motif qu'il avait refusé la modification de son contrat de travail consistant à lui proposer le statut de VRP exclusif sur un secteur moins important ou celui de technico-commercial, salarié dans le cadre d'une réorganisation de la force de vente de la société ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en réclamant le paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité de clientèle et d'une somme au titre d'un accord de participation à l'intéressement ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande en paiement d'une indemnité de clientèle, alors, selon le moyen, que l'exercice par le VRP d'une activité concurrente de celle de son ancien employeur ne le prive d'une indemnité de clientèle que dans le cas où il a conservé l'intégralité de la clientèle qu'il visitait antérieurement ; qu'en énonçant que la simple possibilité laissée au salarié d'exercer une activité concurrente de celle de son ancien employeur la dispensait d'évaluer le préjudice subi du fait de la rupture de son contrat avec la société Giacomini, la cour d'appel a violé l'article L. 751-9 du Code du travail ; alors, encore, que le représentant multicartes peut prétendre au bénéfice d'une indemnité de clientèle, même s'il conserve la possibilité de visiter la clientèle de son ancien secteur pour le compte d'autres maisons ; qu'en énonçant que l'exercice par le salarié d'une activité concurrente de celle de son employeur le privait du droit de demander réparation du préjudice qu'il avait subi à la suite de la rupture de son contrat, tout en constatant que l'intéressé était un représentant multicartes, la cour d'appel a violé l'article L. 751-9 du Code du travail ; alors, enfin, qu'un ancien représentant multicartes peut prétendre à une indemnité de clientèle dans le cas où il prospecte la clientèle de son employeur, sous une autre qualité que celle de VRP ; que le salarié soulignait dans ses conclusions qu'il était en droit de recevoir une indemnité de clientèle de son ancien employeur, dès lors que la clientèle de son ancien employeur " était exploitée non par lui-même mais par une société dénommée Case, laquelle avait acheté la clientèle Eurob à un précédent agent ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que l'indemnité de clientèle prévue par l'article L. 751-9 du Code du travail est destinée à réparer le préjudice que cause au représentant la perte de la clientèle qu'il a apportée, créée ou développée au profit de son employeur, la cour d'appel a constaté que le salarié, depuis son licenciement, continuait à démarcher la même clientèle et représentait, pour le compte d'une autre société, une gamme de produits concurrents de ceux de son ancien employeur; qu'au vu de ses constatations, d'où il résultait qu'il n'avait subi aucun préjudice, elle en a déduit, à bon droit, sans encourir les griefs du moyen, qu'il ne pouvait prétendre à une indemnité de clientèle; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen : - Vu les articles L. 321-1 et L. 122-14-3 du Code du travail ; - Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel énonce qu'à condition d'être décidée dans l'intérêt de l'entreprise, une réorganisation de celle-ci peut constituer une cause économique d'une modification substantielle du contrat de travail, et qu'il n'apparaît pas que cette modification, qui ne relève ni d'un abus de droit et qui n'entraînait aucune discrimination, ait été inspirée par un autre souci que celui de l'intérêt de l'entreprise ; qu'elle ajoute que cette modification n'a pas été décidée avec l'intention de nuire ou conduite avec une légèreté blâmable, qu'elle procède d'une politique commerciale visant, dans un souci de meilleure rentabilité et d'efficacité économique, à remplacer les VRP multicartes par des représentants exclusifs ou des techniciens salariés ordinaires devant se consacrer exclusivement au service de l'entreprise, à découper les secteurs et à procéder à d'autres regroupements correspondant à un motif économique d'ordre structurel ;

Attendu, cependant, qu'une réorganisation, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, ne peut constituer une cause économique de licenciement que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si la réorganisation de l'entreprise avait été effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Et sur le troisième moyen : - Vu l'article 2, alinéa 3, de l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986, modifiée par la loi n° 90-1002 du 7 novembre 1990 ; - Attendu que, selon ce texte, sous réserve d'une durée minimum d'ancienneté dans l'entreprise, qui peut être exigée et ne peut excéder six mois au cours de l'exercice, tous les salariés de l'entreprise où a été conclu un accord d'intéressement doivent bénéficier des produits de l'intéressement; qu'il en résulte qu'un tel accord ne peut valablement écarter du bénéfice de l'intéressement une catégorie de salariés;

Attendu que, pour rejeter la demande du salarié en paiement d'une somme au titre de sa participation à l'intéressement, la cour d'appel énonce que l'accord d'intéressement signé le 26 juin 1991, ayant exclu les VRP multicartes, le salarié, eu égard à son statut de représentant multicartes, ne peut prétendre à un intéressement; qu'en statuant ainsi, alors que la clause litigieuse excluant le salarié en raison de son appartenance à une catégorie professionnelle était illicite et ne pouvait être opposée au salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ses dispositions rejetant les demandes du salarié en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'une somme au titre de sa participation à un intéressement, l'arrêt rendu le 28 avril 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.