Décisions

CJCE, 5 octobre 1999, n° C-420/97

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Leathertex Divisione Sintetici (SpA)

Défendeur :

Bodetex (BVBA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodríguez Iglesias

Présidents de chambre :

MM. Kapteyn, Puissochet, Hirsch, Jann

Rapporteur :

M. Moitinho de Almeida

Avocat général :

M. Léger

Juges :

MM. Gulmann, Murray, Edward, Ragnemalm, Sevón, Wathelet, Schintgen

Avocats :

Mes Beele, Busschaert, van Poucke, Demeulenaere.

CJCE n° C-420/97

5 octobre 1999

LA COUR,

1 Par arrêt du 4 décembre 1997, parvenu à la Cour le 11 décembre suivant, le Hof van Cassatie a, en vertu du protocole du 3 juin 1971 relatif à l'interprétation par la Cour de justice de la Convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après le "protocole"), posé une question préjudicielle sur l'interprétation des articles 2 et 5, point 1, de cette Convention (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par la Convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (JO L 304, p. 1, et - texte modifié - p. 77, ci-après la "Convention").

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Leathertex Divisione Sintetici SpA (ci-après "Leathertex"), société établie à Montemurlo (Italie), à Bodetex BVBA (ci-après "Bodetex"), société établie à Rekkem-Menen (Belgique), au sujet du paiement d'arriérés de commissions et d'une indemnité compensatoire de préavis, réclamé par Bodetex à Leathertex, dont elle était l'agent commercial sur les marchés belge et néerlandais.

La Convention

3 L'article 2, premier alinéa, de la Convention énonce:

"Sous réserve des dispositions de la présente Convention, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État contractant sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État."

4 L'article 3, premier alinéa, de la Convention prévoit:

"Les personnes domiciliées sur le territoire d'un État contractant ne peuvent être attraites devant les tribunaux d'un autre État contractant qu'en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 6 du présent titre."

5 Aux termes de l'article 5 de la Convention:

"Le défendeur domicilié sur le territoire d'un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant:

1) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée;

..."

6 L'article 6, point 1, de la Convention ajoute que ce même défendeur peut être attrait, s'il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l'un d'eux.

7 Enfin, l'article 22, premier alinéa, dispose:

"Lorsque des demandes connexes sont formées devant des juridictions d'États contractants différents et sont pendantes au premier degré, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer."

Le litige au principal

8 Pendant plusieurs années, Bodetex a été agent commercial pour Leathertex sur les marchés belge et néerlandais dans le cadre d'une relation durable. Bodetex recevait 5 % de commission à titre de rémunération.

9 Ayant réclamé en vain à Leathertex, au cours de l'année 1987, le versement de commissions qu'elle estimait lui être dues, Bodetex a considéré qu'il avait été mis fin à son contrat d'agence commerciale et, par lettre du 9 mars 1988, a pris acte de la rupture et demandé à Leathertex le paiement d'arriérés de commission ainsi qu'une indemnité compensatoire de préavis.

10 Cette lettre étant restée sans réponse, Bodetex a, le 2 novembre 1988, assigné Leathertex en paiement devant le Rechtbank van Koophandel te Kortrijk.

11 Par jugement du 1er octobre 1991, le Rechtbank van Koophandel a estimé que deux obligations distinctes servaient de base à la demande. Il a considéré que la première, à savoir l'obligation d'observer un délai de préavis raisonnable en cas de rupture d'un contrat d'agence commerciale et, en cas de non-respect de ce préavis, de payer une indemnité compensatoire de préavis, devait être exécutée en Belgique, alors que la seconde, à savoir l'obligation de payer les commissions, devait être exécutée en Italie en vertu du principe de la quérabilité des dettes. Dès lors, le Rechtbank van Koophandel a reconnu sa compétence en ce qui concerne l'obligation de verser l'indemnité compensatoire de préavis au titre de l'article 5, point 1, de la Convention, puis s'est déclaré compétent pour l'ensemble du litige, compte tenu de la connexité entre cette obligation et celle de payer les commissions. Il a condamné Leathertex à payer à Bodetex des arriérés de commissions et une indemnité compensatoire de préavis.

12 Leathertex a interjeté appel de ce jugement devant le Hof van Beroep te Gent qui, par arrêt du 29 octobre 1993, a confirmé la compétence du Rechtbank van Koophandel pour connaître de la demande formée par Bodetex. Le Hof van Beroep a considéré que deux obligations distinctes découlant du contrat d'agence servaient de base à la demande de Bodetex, que l'obligation de payer les commissions ne pouvait pas être considérée comme l'obligation principale et que les deux obligations devaient être considérées comme équivalentes, de sorte que rien ne s'opposait à ce que Bodetex intente son action devant le tribunal du lieu d'exécution de l'une de ces deux obligations. En conséquence, il a jugé que le Rechtbank van Koophandel était compétent pour connaître du litige au principal en tant que tribunal du lieu où l'obligation d'observer un délai de préavis raisonnable devait être exécutée.

13 Leathertex s'est pourvue en cassation devant le Hof van Cassatie. Elle a fait valoir, en premier lieu, que, en s'estimant compétent pour connaître du chef de demande concernant le paiement des arriérés de commissions, alors que l'obligation de payer lesdites commissions devait être exécutée en Italie, le Hof van Beroep a méconnu l'article 5, point 1, de la Convention. Selon Leathertex, si le juge ne parvient pas à distinguer, parmi les différentes obligations qui servent de base à la demande, les obligations principale et accessoires, il est seulement compétent pour se prononcer sur les obligations dont le lieu d'exécution est situé, selon ses propres règles de conflit, dans le ressort de sa juridiction. En second lieu, Leathertex a soutenu que le Hof van Beroep avait méconnu l'article 22 de la Convention, en se déclarant compétent pour connaître de l'ensemble du litige, alors que cette disposition ne peut s'appliquer que lorsque des demandes connexes ont été formées devant des juridictions de deux ou plusieurs États contractants.

14 Dans son arrêt de renvoi, le Hof van Cassatie relève, tout d'abord, que l'arrêt entrepris n'a pas appliqué l'article 22 de la Convention et rejette, pour ce motif, le moyen de Leathertex fondé sur la méconnaissance de cette disposition.

15 En ce qui concerne la violation alléguée de l'article 5, point 1, de la Convention, le Hof van Cassatie rappelle que, dans l'arrêt du 15 janvier 1987, Shenavai (266-85, Rec. p. 239, point 19), la Cour a estimé que, dans le cas particulier d'un litige portant sur plusieurs obligations qui découlent d'un seul et même contrat et qui servent de base à l'action d'un demandeur, le juge saisi devrait s'orienter, pour déterminer sa compétence, sur le principe selon lequel l'accessoire suit le principal, en sorte que ce serait l'obligation principale, entre plusieurs obligations en cause, qui établirait la compétence du juge saisi.

16 Le Hof van Cassatie constate que, en l'espèce, il n'est pas contesté que l'obligation de payer les commissions ne peut pas être considérée comme l'obligation principale dans le cadre de la demande formée par Bodetex, que le juge belge est compétent pour se prononcer sur l'obligation de payer une indemnité compensatoire de préavis, étant donné que cette obligation est de nature contractuelle et qu'elle doit être exécutée en Belgique, et que les deux obligations précitées sont équivalentes.

17 Aussi, le Hof van Cassatie se demande s'il est possible d'écarter la règle générale énoncée à l'article 2 de la Convention dans le cas d'un litige qui concerne différentes obligations découlant d'un même contrat d'agence, dont aucune n'est subordonnée aux autres et dont l'une seulement soutient la compétence du juge saisi, compte tenu de son lieu d'exécution.

18 Dans ces conditions, le Hof van Cassatie a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

"L'article 5, point 1, et l'article 2 de la Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dans la lecture applicable ici, doivent-ils être compris en ce sens qu'une requête composée reposant sur différentes obligations découlant d'un seul et même contrat peut être soumise à un seul tribunal même si, selon les règles de renvoi de l'État du juge saisi, les obligations contractuelles sur lesquelles s'appuie la requête doivent être exécutées l'une dans le pays du juge saisi et l'autre dans un autre État membre de l'Union européenne, compte tenu du fait que le juge saisi conclut, sur la base de la requête qui lui a été transmise, que les deux obligations qui se trouvent à la base de la requête ne sont pas subordonnées l'une par rapport à l'autre mais sont équivalentes?"

Sur la question préjudicielle

19 Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 2 et 5, point 1, de la Convention doivent être interprétés en ce sens que le même juge est compétent pour connaître de l'ensemble d'une demande fondée sur deux obligations équivalentes découlant d'un même contrat, même si, selon les règles de conflit de l'État de ce juge, ces obligations doivent être exécutées l'une dans cet État et l'autre dans un autre État contractant.

20 Le Gouvernement du Royaume-Uni fait valoir, à titre principal, que, parmi les deux obligations sur lesquelles est fondée la demande au principal, l'obligation de payer les commissions constitue l'obligation qui sert principalement de base à l'action judiciaire. En effet, selon l'arrêt de renvoi, le non-paiement des commissions litigieuses serait l'unique motif pour lequel Bodetex aurait considéré que le contrat avait été résilié sans préavis. L'indemnité compensatoire de préavis ne devrait donc être versée que s'il était établi que les commissions litigieuses étaient effectivement dues. Le Gouvernement du Royaume-Uni propose donc de reformuler la question préjudicielle afin de répondre que, dans une hypothèse telle que l'affaire au principal, l'obligation contractuelle qui sert principalement de base à l'action judiciaire et en vertu de laquelle la compétence peut être déterminée en application de l'article 5, point 1, de la Convention est l'obligation de payer les commissions.

21 A cet égard, il convient de relever que, compte tenu de la répartition des compétences dans le cadre de la procédure préjudicielle prévue par le protocole, il appartient au juge national d'apprécier l'importance relative des obligations contractuelles en cause au principal et à la Cour d'interpréter la Convention à la lumière des constatations faites par le juge national.

22 En outre, une modification de la substance de la question préjudicielle serait incompatible avec le rôle dévolu à la Cour par le protocole ainsi qu'avec son obligation d'assurer la possibilité aux gouvernements des États membres et aux parties intéressées de présenter des observations conformément aux articles 5 du protocole et 20 du statut CE de la Cour de justice, compte tenu du fait que, en vertu de cette dernière disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées [voir, concernant la procédure visée à l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), arrêts du 20 mars 1997, Phytheron International, C-352- 95, Rec. p. I-1729, point 14, et du 16 juillet 1998, Dumon et Froment, C-235-95, Rec. p. I-4531, point 26].

23 Dans ces circonstances, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle en considérant, ainsi qu'il ressort de l'arrêt de renvoi, que les deux obligations contractuelles sur lesquelles la demande est fondée sont équivalentes.

24 Leathertex, le Gouvernement allemand et, à titre subsidiaire, le Gouvernement du Royaume-Uni font valoir qu'une juridiction d'un État contractant n'est pas compétente en vertu de l'article 5, point 1, de la Convention pour connaître de l'ensemble d'une action fondée sur plusieurs obligations équivalentes résultant d'un même contrat, lorsque le lieu d'exécution de l'une de ces obligations ou de certaines d'entre elles se situe dans un autre État contractant.

25 L'article 5, point 1, de la Convention devrait être interprété de manière stricte. Dès lors que les deux obligations qui servent de base à la demande sont considérées comme équivalentes par la juridiction saisie, il conviendrait de retenir, pour connaître de chacune de ces obligations, la compétence du juge du lieu où chacune d'elles doit être exécutée et d'accepter le morcellement des compétences qui pourrait en résulter. Une telle interprétation de l'article 5, point 1, de la Convention serait conforme à la raison d'être de cette disposition qui est de donner à chaque partie, en matière contractuelle, la garantie que la demande sera examinée par le juge du lieu où l'obligation litigieuse doit être exécutée.

26 Bodetex fait valoir, en premier lieu, que le contrat dont découlent les deux obligations en cause au principal est analogue à un contrat de travail de représentant de commerce. Dès lors, pour l'application de l'article 5, point 1, de la Convention en cas de demande fondée sur des obligations différentes résultant d'un même contrat d'agence, il y aurait lieu, à l'instar des contrats de travail, de prendre en considération l'obligation qui caractérise ce contrat, à savoir, en l'espèce, celle de trouver des nouveaux clients et de distribuer les produits de Leathertex, notamment, en Belgique. Dans plusieurs États contractants, la jurisprudence et la doctrine auraient étendu cette solution au contrat de concession, avec lequel le contrat d'agence commerciale entretiendrait également des analogies.

27 Bodetex soutient, en second lieu, que l'obligation de payer les commissions présente un lien de connexité avec celle de payer une indemnité compensatoire de préavis. Toutes deux résulteraient du contrat d'agence. De plus, l'inexécution de l'obligation de payer les commissions constituerait la raison pour laquelle il a été mis un terme au contrat, faisant ainsi naître l'obligation de payer une indemnité compensatoire de préavis. Cette connexité justifierait que le juge compétent pour statuer sur l'obligation de payer l'indemnité compensatoire de préavis le soit également pour statuer sur l'obligation de payer les commissions.

28 Selon Bodetex, une telle interprétation de l'article 5, point 1, de la Convention permettrait de préserver une organisation utile du procès en évitant une fragmentation des compétences.

29 Enfin, la Commission fait valoir que, dans le cas où un demandeur introduit deux demandes basées sur deux obligations équivalentes, le juge qui est compétent pour connaître de l'une des demandes conformément à l'article 5, point 1, de la Convention est aussi compétent pour connaître de l'autre s'il y a, entre ces demandes, un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

30 Selon la Commission, une telle solution correspond le mieux au système de la Convention. D'une part, elle serait comparable, mutatis mutandis, à la solution que l'article 6, point 1, de la Convention énonce en cas de pluralité de défendeurs. D'autre part, elle s'imposerait à la lumière de l'article 22 de la Convention. En effet, dans un litige tel que celui en cause au principal, si le demandeur décidait, en vertu de l'article 5, point 1, de la Convention, d'introduire la demande en paiement de l'indemnité compensatoire dans un État contractant et celle en paiement des arriérés de commissions dans un autre État contractant, l'article 22 de la Convention s'appliquerait en raison de la connexité entre ces deux demandes. Il conviendrait, dès lors, d'interpréter l'article 5, point 1, de la Convention de manière à éviter à l'avance des situations auxquelles l'article 22 de la Convention serait applicable.

31 Il convient de rappeler tout d'abord que, aux points 8 à 10 de l'arrêt du 6 octobre 1976, De Bloos (14-76, Rec. p. 1497), la Cour, après avoir rappelé que la Convention vise à déterminer la compétence des juridictions des États contractants dans l'ordre international, à faciliter la reconnaissance des décisions judiciaires respectives et à instaurer une procédure rapide afin d'assurer l'exécution de ces décisions, a considéré que ces objectifs impliquent la nécessité d'éviter, dans la mesure du possible, la multiplication des chefs de compétence judiciaire par rapport à un même contrat et que l'article 5, point 1, de la Convention ne saurait donc être interprété comme se référant à n'importe quelle obligation découlant du contrat en cause. La Cour en a déduit, aux points 11 et 13 du même arrêt, que, aux fins de la détermination du lieu d'exécution au sens de l'article 5, point 1, de la Convention, l'obligation à prendre en considération est celle correspondant au droit contractuel sur lequel est fondée l'action du demandeur. Elle a précisé, au point 14 de cet arrêt, que, dans les cas où le demandeur fait valoir son droit au paiement de dommages-intérêts ou invoque la résolution du contrat aux torts et aux griefs de l'autre partie, cette obligation est toujours celle découlant du contrat et dont l'inexécution est invoquée pour justifier de telles demandes.

32 Une telle interprétation a été confortée lors de la conclusion de la Convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, laquelle a modifié, dans certaines versions linguistiques, l'article 5, point 1, de la Convention afin de préciser que l'obligation dont le lieu d'exécution détermine le tribunal compétent en matière contractuelle est "l'obligation qui sert de base à la demande".

33 Il convient de rappeler ensuite que la Cour a jugé, à plusieurs reprises, que le lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée doit être déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie (arrêts du 6 octobre 1976, Tessili, 12-76, Rec. p. 1473, point 13; du 29 juin 1994, Custom Made Commercial, C-288-92, Rec. p. I-2913, point 26, et du 28 septembre 1999, Groupe Concorde e.a., C-440-97, non encore publié au Recueil, point 32).

34A cet égard, il y a lieu de relever que, en l'espèce, les juridictions belges ont considéré, en application de la jurisprudence précitée, que l'obligation de payer une indemnité compensatoire de préavis devait être exécutée en Belgique, alors que l'obligation de payer les commissions, devait être exécutée en Italie.

35 Par ailleurs, il résulte de l'arrêt de renvoi ainsi que du dossier transmis par la juridiction nationale que le contrat en cause au principal, en vertu duquel les demandes en paiement des commissions et d'une indemnité compensatoire de préavis ont été introduites, ne constitue pas un contrat de travail.

36 Or, lorsque les particularités spécifiques des contrats de travail font défaut, il n'est ni nécessaire ni indiqué d'identifier l'obligation qui caractérise le contrat et de centraliser à son lieu d'exécution la compétence judiciaire, au titre du lieu d'exécution, pour les litiges relatifs à toutes les obligations contractuelles (arrêt Shenavai, précité, point 17).

37 Dès lors, il n'y a pas lieu, dans le litige au principal, de prendre en considération l'obligation qui caractérise le contrat d'agence pour déterminer la compétence judiciaire, au titre du lieu d'exécution.

38 Le juge compétent pour connaître de la demande en paiement d'une indemnité compensatoire de préavis ne saurait non plus fonder sa compétence concernant la demande en paiement de commissions sur une éventuelle connexité entre ces deux demandes. En effet, ainsi que la Cour l'a précisé, l'article 22 de la Convention a pour objet de régler le sort de demandes connexes dont les juridictions de différents États contractants sont saisies. Il n'est pas attributif de compétences; en particulier, il n'établit pas la compétence d'un juge d'un État contractant pour statuer sur une demande qui est connexe à une autre demande dont ce juge est saisi en application des règles de la Convention (voir arrêts du 24 juin 1981, Elefanten Schuh, 150-80, Rec. p. 1671, point 19, et du 27 octobre 1998, Réunion européenne e.a., C-51-97, Rec. p. I-6511, point 39).

39 Enfin, lorsque le litige porte sur plusieurs obligations équivalentes découlant d'un même contrat, le juge saisi ne saurait s'orienter, pour déterminer sa compétence, sur le principe dégagé par la Cour au point 19 de l'arrêt Shenavai, précité, selon lequel l'accessoire suit le principal.

40 Dans ces conditions, le même juge n'est pas compétent pour connaître de l'ensemble d'une demande fondée sur deux obligations équivalentes découlant d'un même contrat, lorsque, selon les règles de conflit de l'État de ce juge, ces obligations doivent être exécutées l'une dans cet État et l'autre dans un autre État contractant.

41 Il convient de rappeler que, s'il est vrai qu'il existe des inconvénients à ce que les divers aspects d'un même litige soient jugés par des tribunaux différents, le demandeur a toujours, conformément à l'article 2 de la Convention, la faculté de porter l'ensemble de sa demande devant le tribunal du domicile du défendeur.

42 Il y a dès lors lieu de répondre à la question préjudicielle que l'article 5, point 1, de la Convention doit être interprété en ce sens que le même juge n'est pas compétent pour connaître de l'ensemble d'une demande fondée sur deux obligations équivalentes découlant d'un même contrat, lorsque, selon les règles de conflit de l'État de ce juge, ces obligations doivent être exécutées l'une dans cet État et l'autre dans un autre État contractant.

Sur les dépens

43 Les frais exposés par les gouvernements allemand, italien et du Royaume-Uni et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par le Hof van Cassatie, par arrêt du 4 décembre 1997, dit pour droit:

L'article 5, point 1, de la Convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la Convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, doit être interprété en ce sens que le même juge n'est pas compétent pour connaître de l'ensemble d'une demande fondée sur deux obligations équivalentes découlant d'un même contrat, lorsque, selon les règles de conflit de l'État de ce juge, ces obligations doivent être exécutées l'une dans cet État et l'autre dans un autre État contractant.