Cass. com., 8 janvier 2002, n° 98-13.142
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Sebagh
Défendeur :
Galeries Lafayette (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
(faisant fonctions) : M. Tricot
Rapporteur :
M. de Monteynard
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, Me Choucroy.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 16 janvier 1998), que la société Les Galeries Lafayette (la société), qui avait concédé à M. Sebagh un emplacement dans un de ses magasins afin qu'y soient vendus des produits choisis par ce dernier mais commandés par la société à laquelle il laissait un pourcentage du prix de revient des ventes réalisées, a dénoncé la convention ; qu'ultérieurement M. Sebagh a assigné la société en indemnisation du préjudice qu'il prétend avoir subi du fait de la rupture ; que la cour d'appel a rejeté la demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches et sur le second moyen, réunis : - Attendu que M. Sebagh reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen : 1°) que la vente est parfaite dès que les parties se sont accordées sur la chose et sur le prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; qu'en retenant pour décider que les préposés de M. Sebagh n'auraient pas conclu de contrats au nom et pour le compte de la société que la vente des articles achetés au premier par la seconde sous condition de leur revente à la clientèle du magasin, ne se trouvait réalisée que par le passage des clients à la caisse sans pouvoir résulter de l'intervention préalable des préposés de M. Sebagh et que c'était à ce moment-là que la condition se trouvait accomplie, subordonnant ainsi la perfection de la convention au paiement du prix des articles achetés, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un critère inexact, a violé les articles 1134, 1181, 1583 et 1984 du Code civil ; 2°) que le mandat de vendre ne comportant pas de plein droit celui de percevoir le prix, la facturation directe par une société n'exclut nullement qu'elle ait eu recours à un mandataire pour vendre ses produits ; qu'en jugeant que la vente des marchandises aux clients aurait toujours été effectuée directement par la société parce qu'elle en avait encaissé le prix, établi les factures et conservé les obligations du vendeur, se déterminant ainsi par un motif inopérant, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1134, 1583 et 1984 du Code civil ; 3°) qu'en affirmant péremptoirement que les préposés de M. Sebagh auraient accompli de simples actes matériels de présentation des produits non susceptibles de s'analyser en une vente au nom et pour le compte de la société, sans donner aucun motif de nature à caractériser les actes en question et sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, s'il ne résultait pas des pièces versées aux débats (fiches de salaire du personnel et tickets portant les références de l'article vendu remis aux acheteurs pour se rendre à la caisse) que, dès avant le paiement, les préposés de M. Sebagh avaient, conformément à leur mission, négocié avec les clients un accord sur la chose et sur le prix des marchandises, ce qui suffisait pour en déduire qu'ils avaient d'ores et déjà conclu la vente, peu important qu'à ce moment-là la société n'en eût pas encore encaissé le prix, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1181, 1583 et 1984 du Code civil ; 4°) qu'en énonçant que le contrat conclu entre M. Sebagh et la société n'était pas d'intérêt commun parce que les parties auraient eu des objectifs distincts et spécifiques à l'une et à l'autre, après avoir pourtant constaté qu'il en résultait que la seconde avait mis à la disposition du premier un emplacement personnalisé dans son rayon chaussures qu'il devait aménager, qu'elle lui achetait les articles à condition de les revendre à la clientèle, qu'elle lui réglait le montant du chiffre d'affaires réalisé moyennant un profit pour elle-même et que l'exploitant détachait sur le site son propre personnel en vue d'aboutir à la vente des articles de sa spécialité, ce dont il s'inférait nécessairement que les cocontractants avaient un intérêt commun à l'essor de leurs entreprises par le développement d'une clientèle commune et contribuaient ensemble à cet essor par le jeu d'une collaboration réciproque, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, quel'intérêt commun à l'essor de deux entreprises non liées par un contrat de mandat est sans incidence sur les conditions de l'arrêt de leur collaboration ; que le moyen, pris en sa quatrième branche, est inopérant ;
Attendu, en second lieu, qu'en retenant, par une appréciation souveraine des éléments de fait que les clients n'ont manifesté leur volonté d'acquérir les objets qui leur ont été présentés que lors de leur passage aux caisses, l'arrêt, qui a ainsi fait ressortir que la rencontre des volontés entre les acheteurs et le vendeur ne s'est réalisée qu'à cet instant, a pu retenir que les préposés de M. Sebagh n'ont effectué que des actes matériels de présentation de produits à l'exclusion d'actes juridiques pour le compte de la société ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, ne peut être accueilli pour le surplus ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que M. Sebagh reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'indemnisation de son préjudice résultant de la résiliation du contrat alors, selon le moyen : 1°) qu'il soutenait qu'en réalité il avait disposé seulement d'un préavis d'un mois, ce qui l'avait mis dans l'impossibilité d'écouler le stock de chaussures qu'il avait été dans l'obligation de constituer pour la collection d'hiver, dès lors que sa cocontractante, qui connaissait les contraintes et la durée de commercialisation afférentes aux produits de cette spécialité, ne l'avait informé de sa décision de rompre leurs relations qu'au mois d'avril 1995, c'est-à-dire à un moment où il avait déjà passé commande de toute la collection d'hiver auprès des fournisseurs et où il était trop tard pour l'annuler, tout en lui imposant de fermer son stand le 30 septembre suivant quand les ventes en ce domaine ne devenaient effectives qu'à compter de ce mois-là, même si la commercialisation commençait le 15 juillet ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions l'invitant à constater qu'en ne lui laissant qu'un délai réel d'un mois pour écouler l'ensemble de son stock, la société avait résilié brutalement le contrat qui les liait, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que même en cas de respect du préavis, la résiliation d'un contrat à durée indéterminée peut revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture ; qu'en l'espèce, M. Sebagh objectait que, n'ayant rien d'autre à lui reprocher que son succès auprès de la clientèle, sa cocontractante avait fait preuve à son égard d'une légèreté blâmable en choisissant arbitrairement de l'évincer sous la pression de concurrents qui, titulaires d'autres stands au sein du magasin, l'avaient illégalement mis en cause pour obtenir son départ, puis avait manqué de loyauté en rompant le contrat après avoir attendu qu'il eût pris toutes dispositions auprès des fournisseurs en vue de préparer la collection d'hiver et en ruinant subitement, après une seule année de collaboration pourtant des plus fructueuse, tous les efforts d'investissements entrepris, cela, à une époque où la situation lui laissait présager des relations durables ; qu'en négligeant de répondre à ces conclusions déterminantes pour la solution du litige, la cour d'appel n'a pas davantage satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par une appréciation souveraine des éléments de fait, que M Sebagh avait disposé d'un délai de préavis de six mois pour un contrat à durée déterminée dont la durée d'exécution avait été, avant notification de sa résiliation, d'une année, la cour d'appel a pu retenir que ce délai avait été suffisant ; que par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.