Cass. com., 22 mai 2002, n° 00-12.172
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Services équipements industriels (SA)
Défendeur :
Wordsworth holding PLC (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
M. Viricelle
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Bachellier, Potier de La Varde.
LA COUR : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 3 décembre 1999) que la société Services équipements industriels (SEI) était, depuis 1982, distributeur exclusif sur le territoire français de sellettes "York big D", pièces de liaison fixées sur les tracteurs routiers pour l'attelage des semi-remorques, fabriquées par la société de droit anglais Wordsworth holdings PLC (société Wordsworth) ; qu'en automne 1996, la société Wordsworth a noué des contacts directs avec le principal client de son concessionnaire, la société Renault véhicules industriels (société RVI France), et lui a vendu des produits par l'intermédiaire de l'établissement anglais de cette dernière, la société RVI UK; que, le 17 janvier 1997, la société RVI France a informé la société SEI "qu'elle n'avait plus de besoin" ; que la société SEI a recherché la responsabilité de la société Wordsworth en lui reprochant des pratiques déloyales et la rupture fautive de leurs relations commerciales;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que pour décider que la société Wordsworth n'avait commis aucun acte déloyal à l'égard de son concessionnaire, l'arrêt retient que si, en 1995 et 1996, la société RVI UK a été démarchée par la société Wordsworth qui formulait à cette occasion des propositions tarifaires très inférieures aux prix pratiqués par la société SEI, le produit vendu sur le marché anglais au prix de 235 livres était différent de celui dit de "spécification française", facturé 276 livres à la SEI, et la société Wordsworth n'a proposé ni à RVI France ni à RVI UK la vente de modèles "spécification française";
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle relevait également qu'en 1996, la société Wordsworth avait vendu à RVI UK des sellettes conformes aux spécifications françaises, au prix de 235 livres, la cour d'appel s'est contredite;
Sur le même moyen, pris en sa dixième branche : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que pour retenir la faute de la société SEI dans la rupture des relations commerciales, l'arrêt retient que c'est cette dernière qui a refusé de façon brutale et intransigeante, le 31 décembre 1996, des commandes de la société RVI France à un prix correspondant à 235 livres, ce qui ne lui laissait certes aucune marge mais lui permettait de renouer les discussions à la fois avec son client et son fournisseur en attendant d'être en mesure de livrer, dès leur agrément en France et dans des conditions plus compétitives, les nouveaux articles proposés par la société Wordsworth ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société SEI qui faisait valoir qu'accepter de telles conditions l'aurait conduite à revendre à perte, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et sur le même moyen, pris en sa onzième branche : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour retenir la responsabilité de la société SEI dans la rupture des relations commerciales, l'arrêt retient que la société Wordsworth lui a offert, en cas de vente directe imposée par la société RVI France, de lui allouer une commission "de sorte que l'effet financier négatif soit nul", mais que le société SEI a refusé, faisant ainsi preuve d'intransigeance en refusant les solutions équilibrées que lui proposait la société Wordsworth pour maintenir les relations avec un client de grande importance;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que ne saurait être considéré comme fautif le refus par la société SEI de voir modifier substantiellement et définitivement le contrat de concession dont elle bénéficiait, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.