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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 19 juin 1998, n° 96-10707

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Discoset (SARL)

Défendeur :

Théâtre de l'Olympia (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Conseillers :

M. Bouche, Mme Cabat

Avoués :

SCP Roblin-Chaix de Lavarenne, SCP Hardouin Le Bousse Herscovici

Avocats :

Mes Raut, Chouamier, Brault.

TGI Paris, du 17 janv. 1996

17 janvier 1996

Considérant que Me Daniel Baumgartner en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Discoset a fait appel d'un jugement contradictoire du 17 janvier 1996 du Tribunal de grande instance de Paris qui :

- a donné acte à la SA Théâtre de l'Olympia SATO de son intervention à la place de la Sté ARS qu'elle a absorbée,

- a débouté Me Baumgartner ès qualités de ses demandes et la Sté SATO de sa demande de dommages-intérêts et d'indemnité pour frais irrépétibles,

- a condamné Me Baumgartner ès qualités aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

Qu'il expose :

- que la Sté ARS, alors sous-locataire de la Sté SATO, a confié par contrat du 1er juillet 1988 à la Sté Discoset la location-gérance d'un fonds de dancing discothèque sis à Paris, 6 rue de Caumartin dans les sous-sols du Théâtre de l'Olympia, pour une durée de deux années moyennant paiement d'une redevance mensuelle de 131 112 F hors taxes indexée sur l'indice INSEE de la consommation des ménages urbains,

- que le fonds de commerce était exploité auparavant sous l'enseigne "New Coppa" par la Sté Tarmain spectacles qui avait cessé toute activité le 1er décembre 1987 du fait d'une liquidation judiciaire,

- que la clientèle du "New Coppa" composée de "jeunes noirs" avait émigré vers d'autres lieux tandis que la Sté Discoset qui avait embauché l'animateur et une partie du personnel du "Scorpio" fermé par Décision Administrative, avait su attirer à elle la clientèle "gay" de cet établissement,

- que Paul Fatien et Bruno Flandrak, les animateurs de la Sté Discoset, avaient exploité successivement des établissements parisiens bien connus, "Le Président", "Le Stadium" et "L'Elysée Matignon" et, sous leur direction, le nouvel établissement à l'enseigne "Boys" avait supplanté ses concurrents,

- que le "Boys" s'est vu refuser pendant de nombreux mois cependant l'Autorisation Administrative d'Exploitation Nocturne indispensable et a fait l'objet d'une Décision Administrative de fermeture notifiée le 28 février 1991,

- que la Sté Discoset a assigné les 19 février et 11 avril 1991 la Sté ARS en requalification en location de locaux commerciaux le contrat de location-gérance puis en suspension des effets de la clause résolutoire visée dans une mise en demeure que la Sté ARS lui avait notifiée le 19 mars 1991,

- que la Sté ARS a obtenu son expulsion par Ordonnance de référé du 29 mai 1991 et Me Baumgartner, nommé mandataire liquidateur le 22 avril 1992, a repris les procédures,

- que le Tribunal de commerce, par jugement avant dire droit du 19 mai 1993, a commis Jacques Vigie en tant qu'expert et lui a donné mission de déterminer les conditions dans lesquelles un fonds de commerce à usage de discothèque avait été créé dans les lieux.

Que Me Baumgartner reproche aux premiers juges d'avoir retenu que "La Taverne de l'Olympia" préexistait depuis des décennies dans les sous sols du prestigieux Théâtre de l'Olympia et que l'ancienneté de son existence et le caractère spécifique de son emplacement suffisaient à eux seuls à attirer une clientèle.

Qu'il soutient qu'il n'existait en réalité ni enseigne commerciale ni clientèle, éléments substantiels d'un fonds de commerce, dès lors que le Boys ne pouvait intéresser les clients du New Coppa, et en déduit que la location du 1er juillet 1988 ne concernait que des murs et était un bail commercial soumis à la protection de la propriété commerciale ;

Qu'il conteste, au terme d'un rappel des péripéties qu'a connues l'exploitation commerciale des lieux, que la Sté La Taverne de l'Olympia ait une activité de dancing, et prétend que les mesures de fermeture qui ont frappé les exploitants successifs ne permettent pas à la Sté SATO de revendiquer une quelconque clientèle ; qu'il en déduit que diverses sous-locations ont précédé celle dont la Sté Discoset a bénéficié ;

Qu'il demande à la Cour d'infirmer le jugement, de prononcer la nullité de la location-gérance par application de l'article 35 du décret du 30 septembre 1953, de reconnaître le droit à la propriété commerciale de la Sté Discoset à effet du 1er juillet 1988, d'ordonner sa réintégration dans les lieux, à défaut de condamner la Sté Sato à verser une indemnité égale à la valeur du fonds de commerce et d'y ajouter 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que la Sté Sato réplique :

- que la Sté Taverne de l'Olympia, devenue ARS puis Sato par fusion-absorption, a acquis en 1935 un fonds de commerce exploité depuis 1917 sous l'enseigne La Taverne de l'Olympia dans des locaux dont la Sté Sato était locataire,

- que divers locataires-gérants se sont succédés et l'exploitation a été fractionnée en une partie restauration et une partie discothèque-dancing faisant l'objet de conventions distinctes ;

- que le contrat de location-gérance de la partie discothèque-dancing du 8 août 1984 de la Sté Tarmain Spectacles a été résilié pour défaillance du locataire gérant en 1988 et une nouvelle convention a été conclue le 22 juin à effet du 1er Juillet 1988 avec Paul et Bruno Flandrak et Philippe Fatien au nom de la Sté en formation Discoset,

- le 27 février 1991 la Fermeture Administrative du "Boys" a été ordonnée pour persistance d'un trafic de stupéfiants malgré de multiples avertissements,

- la Sté ARS a mis en demeure le 19 mars 1991 la Sté Discoset d'avoir à procéder à la réouverture du fonds et la Sté Discoset a engagé des procédures en requalification du contrat et en suspension des effets de la clause résolutoire,

- la Sté Discoset a été assignée en expulsion, a obtenu un délai de grâce mais a fait l'objet le 11 février 1992 d'un nouvel arrêté de fermeture d'une durée de six mois et a été expulsée le 7 mars1992 ;

- que l'Expert Judiciaire Jacques Vigie a confirmé l'existence d'un fonds de commerce dans les locaux exploité directement depuis 1917 et confié à partir de 1970 par huit conventions successives en location-gérance ;

Que la Sté Sato observe que la clause résolutoire est définitivement acquise, soutient que l'action en nullité relèverait d'une application de l'article 11 de la loi du 20 mars 1956 et non de l'article 35 du décret du 30 septembre 1953, qu'elle justifie d'une exploitation directe de plus de cinquante ans du fonds, qu'il n'est pas nécessaire que celle-ci précède immédiatement la location-gérance concernée et que les modifications apportées par la Sté Discoset à l'enseigne et à la clientèle ne créent nullement un nouveau fonds de commerce ;

Qu'elle demande à la cour de confirmer la décision entreprise, de rejeter les prétentions de l'appelant et de condamner Me Baumgartner es qualités à lui verser 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que Me Baumgartner demande à la Cour de "prononcer la nullité de la location-gérance sur le fondement de l'article 35 du décret du 30 septembre 1953 et de reconnaître le droit à la propriété commerciale de la Sté Discoset à compter du 1er juillet 1988, date d'effet du contrat de location-gérance";

Qu'une convention de location-gérance de fonds de commerce ne peut être annulée par application des dispositions d'un décret "réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal";

Que la nullité d'un contrat ne peut aboutir à lui faire produire des effets ; que l'annulation sollicitée de la convention de location-gérance du 1er juillet 1988 ne peut pas avoir pour effet de créer un droit à une propriété commerciale quelconque sur un local auquel le contrat annulé a donné accès, et plus encore à la date de prise d'effet de la location-gérance à laquelle le locataire-gérant ne peut prétendre avoir créé et fixé une clientèle personnelle ;

Considérant que Me Baumgartner exerce en réalité une action en nullité de la Convention de location-gérance du 1er juillet 1988 pour absence de fonds de commerce par application de l'article 11 de la loi du 20 mars 1956 et en reconnaisance d'une occupation des lieux et d'une constitution de clientèle personnelle de l'occupant aboutissant à conférer un droit à la propriété commerciale ;

Que ses demandes de réintégration dans les lieux ou de paiement d'une indemnité d'éviction se heurtent cependant à l'acquisition de la clause résolutoire déjà prononcée pour inexploitation ou exploitation illicite des locaux occupés, de telle sorte que l'action est en réalité dépourvue d'objet ;

Considérant au surplus que par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont constaté que la Sté La Taverne de l'Olympia devenue ARS avait personnellement rempli les conditions d'exploitation l'autorisant à confier son fonds de commerce de dancing-discothèque en location-gérance, que la loi du 20 mars 1956 n'interdisait nullement une succession de locations gérances, que "l'ancienneté de l'existence de la Taverne de l'Olympia et le caractère spécifique de son emplacement suffisaient à eux seuls à attirer des clients", que la Convention du 1er juillet 1988 ne concernait pas seulement des locaux au surplus spécialement aménagés et qu'aucun des précédents locataires-gérants n'avait contesté la qualification donnée à la convention qu'ils avaient conclue ;

Qu'il importe peu que la Sté ARS ait changé l'enseigne et attiré dans les lieux une clientèle différente ; qu'elle ait pu réussir à faire de la discothèque New Coppa, adepte des musiques afro-latino américaines, une discothèque Boys de style "gay" prouve seulement en effet la volatilité des clients dont les siens et confirme au contraire l'importance que présentait pour tout locataire-gérant la proximité immédiate particulièrement attractive du Théâtre de l'Olympia accueillant en permanence des chanteurs et musiciens en vogue dans toutes les discothèques quelles qu'en soient les spécificités, et par là même l'existence constante d'une clientèle de noctambules amateurs de musique moderne qui survivait, en dépit de la mouvance de sa composition, à la succession de ses exploitants ;

Considérant qu'il convient de confirmer le jugement déféré et d'indemniser la Sté Sato de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs, confirme la décision déférée en ce qu'elle a rejeté toutes les demandes de Me Baumgartner es qualités et a mis les dépens à sa charge en ce compris les frais d'expertise, condamne Me Baumgartner, es qualités à verser à la Sté Sato 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le condamne en tous les dépens d'appel, admet la SCP Hardouin Le Bousse Herscovici, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.