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Décisions

Cass. com., 6 mai 2002, n° 00-11.569

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

AAST (SA)

Défendeur :

JB Sémaphot (Sté), Penet-Weiller (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Feuillard

Avocats :

SCP Parmentier, Didier

Paris, du 31 mars 1999

31 mars 1999

LA COUR : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 1999) que, par acte du 23 mars 1995, la Société AAST a donné en location-gérance à la Société JB Sémaphot trois fonds de commerce dont elle était propriétaire ; que l'un des baux commerciaux ayant été résilié, la Société JB Sémaphot a poursuivi l'annulation du contrat ; que la Société AAST a demandé reconventionnellement le paiement du stock ; que, par jugement du 28 mai 1996, le Tribunal de Commerce a prononcé la résolution du contrat de location-gérance ; que la Société JB Sémaphot ayant été mise en liquidation judiciaire, son mandataire-liquidateur a repris l'instance ; que, reprochant à la Société JB Sémaphot d'avoir provoqué la "destruction" du fonds de commerce, la Société MST a demandé, à titre additionnel, sa condamnation au paiement du prix du fonds ; que, par arrêt du 20 mai 1998, la Cour d'appel a infirmé le jugement et refusé d'annuler le contrat, a fixé la créance de la Société AAST au titre du paiement du stock et ordonné la réouverture des débats pour permettre au mandataire-liquidateur de conclure sur la demande de la Société AAST au titre de la disparition du fonds ; que, par l'arrêt attaqué, elle a rejeté la demande de la Société AAST.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Vu les articles 1er et 10 de la loi du 20 mars 1956, devenus les articles L. 144-1 et L. 144-9 du Code de Commerce, ensemble l'article 1134 du Code Civil ; - Attendu que, pour rejeter la demande de la Société AAST, l'arrêt énonce qu'elle ne saurait éluder les conséquences de l'article 1er de la loi du 20 mars 1956 selon lequel le locataire-gérant exploite le fonds à ses risques et périls.

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le locataire-gérant, tenu, à l'expiration du contrat, de restituer le fonds en tous ses éléments, doit répondre de la perte de valeur de celui-ci lorsqu'elle est survenue par sa faute, la Cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le même moyen pris en sa cinquième branche : - Vu l'article 1134 du Code Civil, ensemble l'article 10 de la loi du 20 mars 1956, devenu l'article L. 144-9 du Code de Commerce. - Attendu que, pour rejeter la demande de la Société AAST qui reprochait à la Société JB Sémaphot d'avoir cessé l'exploitation du fonds, le fermant du 5 au 26 août 1996, en période de forte activité pour les commerces de photographie en gros, puis s'interdisant tout acte de développement avant de déposer le bilan le 13 décembre 1996, l'arrêt relève que, par jugement du 28 mai 1996, le Tribunal avait prononcé la résolution judiciaire du contrat de location-gérance, ordonné la restitution des locaux et matériels loués, condamné la Société AAST à rembourser les sommes perçues au titre des loyers et ordonné l'exécution provisoire avec constitution d'une garantie bancaire à concurrence du montant des condamnations prononcées, qu'il s'en est suivi une période d'incertitude quant au caractère exécutoire ou non de cette décision qui justifie que la Société JB Sémaphot n'ait pas restitué le fonds et qu'elle se soit bornée à expédier les affaires courantes avant de mettre fin à son activité commerciale, pour éviter de prendre des commandes dont elle avait tout lieu de penser qu'elle ne serait pas en mesure de les honorer ; que la Cour d'appel en déduit que la Société JB Sémaphot, qui n'a commis qu'une "erreur fort ténue" au regard de l'ambiguïté du jugement, a pu croire de bonne foi qu'il était de saine gestion d'arrêter son activité commerciale à partir du prononcé du jugement du 28 mai 1996 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la résolution judiciaire du contrat n'était pas assortie de l'exécution provisoire, la Cour d'appel, qui n'a relevé aucune autre circonstance de nature à justifier le défaut d'exploitation du fonds par le locataire-gérant, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

Et sur le même moyen, pris en sa huitième branche : - Vu l'article 1134 du Code Civil, ensemble l'article 10 de la loi du 20 mars 1956, devenu l'article L. 144-9 du Code de Commerce, - Attendu que pour rejeter la demande de la Société AAST, l'arrêt retient aussi que la faute de la Société JB Sémaphot n'a pas eu de conséquence sur la valeur du fonds, les actes de gestion courante auxquels elle a procédé ayant sauvegardé l'essentiel du fonds, dès lors que le chiffre d'affaires à prendre en considération pour une cession de fonds ou une indemnité d'éviction est celui de l'exercice précédent, l'interruption exceptionnelle d'activité pendant six mois consécutifs étant sans influence sur l'estimation de la valeur du fonds, les experts comme les tribunaux procédant alors à un calcul par extrapolation ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par un motif inopérant, alors qu'elle avait constaté un défaut d'exploitation pendant plus de six mois, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

Par ces motifs, casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 1999, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.