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Décisions

CA Colmar, 1re et 2e ch. civ. réunies, 22 juin 1998, n° 1905-94

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Erbsmann Meubles (SA), Bayle (ès qual.), SCP Chambrion-Bruart (ès qual.)

Défendeur :

Daltroff

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

MM. Vittaz, Samson

Conseillers :

Mmes Bertrand, Beau, Lowenstein

Avocats :

Mes Cahn, Bueb, Sombrin.

TI Metz, du 12 juill. 1984

12 juillet 1984

Par acte sous seing privé du 20 décembre 1972, Madame Claire Daltroff a consenti un contrat de location-gérance à la Société anonyme des Meubles Erbsmann.

Ce contrat portait sur la gérance libre d'un fonds de commerce de meubles, tapisseries et objets mobiliers pour l'habitat, sis 20 rue de la Tête d'Or à Metz, connu sous l'enseigne " Meubles Michel ", avec tous les éléments corporels et incorporels que comportait ce fonds.

Après contredit à un commandement de payer délivré sur sa requête à la SA Meubles Erbsmann, Madame Claire Daltroff a assigné cette Société devant le Tribunal d'instance de Metz, lui réclamant paiement de la somme de 11.397,73 francs dont elle se prétendait créancière, pour la période du 1er janvier au 30 septembre 1981 au titre du contrat de location-gérance.

La Société Meubles Erbsmann a soutenu d'une part, que le contrat signé le 20 décembre 1972 n'était pas un contrat de location-gérance, mais un contrat de bail commercial et d'autre part, que la clause d'indexation du coût de la redevance sur l'indice du coût de la construction, contenue dans le contrat, était nulle.

Par jugement du 12 juillet 1984, le Tribunal saisi a dit que la convention intervenue entre les parties constituait bien un contrat de location-gérance et a condamné la SA Erbsmann à payer à Madame Daltroff la somme de 11.397,73 francs avec les intérêts au taux légal à compter du commandement de payer qui avait été délivré par Madame Daltroff, le 21 août 1981. Il a en outre invité Madame Daltroff à justifier un calcul de l'augmentation de la redevance pour les années 1982, 1983 et 1984 et les montants réclamés au titre des charges.

La SA Meubles Erbsmann a interjeté appel.

Par arrêt du 6 décembre 1990, la Cour d'appel de Metz a confirmé la qualification donnée au contrat par le premier juge considérant que la clause d'indexation était régulière en vertu de la loi du 9 juillet 1970, qui répute en relation directe avec l'objet d'une convention relative à un immeuble bâti, toute clause prévoyant une indexation sur la variation de l'indice national de la construction ; elle a renvoyé la procédure devant les premiers juges " sur les points non encore résolus ".

Le jugement a donc été confirmé et l'appelante a été condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 2.500 francs.

La Société Meubles Erbsmann a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Statuant par un arrêt du 16 février 1993, la Cour de Cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Metz, mais " seulement en ce qu'il avait condamné la Société Meubles Erbsmann à payer à Madame Daltroff la somme de 11.397,73 francs, après avoir déclaré régulière la clause d'indexation insérée au contrat conclu entre les parties ", au motif que le contrat de location-gérance d'un fonds de commerce est relatif à un bien meuble incorporel et non à un immeuble bâti, ce qui exclut la possibilité d'insérer dans le contrat une clause prévoyant une indexation sur la variation de l'indice INSEE du coût de la construction.

Elle a renvoyé les parties et la cause devant cette Cour.

Par arrêt du 15 janvier 1996, cette Cour a :

- constaté que les dispositions du jugement ayant dit n'y avoir lieu à requalification de la convention de location-gérance intervenue le 20 décembre 1972 étaient définitives,

- infirmé le jugement entrepris pour le surplus, et statuant à nouveau, annulé la clause d'indexation de la redevance de location-gérance, en ce qu'elle portait sur l'indice national du coût de la construction publié par l'INSEE, déclaré recevable la demande de substitution d'indice formée par Madame Daltroff, et constaté que les parties étaient en désaccord sur le choix de l'indice de substitution.

Elle a en conséquence invité les parties à mettre en œuvre la procédure prévue au contrat pour le choix de l'indice de remplacement et dit que la redevance serait fixée en fonction de cet indice sursoyant à statuer sur le montant des redevances dues jusqu'à ce que les parties aient choisi un indice de substitution.

Cet arrêt fit l'objet, de la part de la SA Meubles Erbsmann, d'un pourvoi rejeté par arrêt de la troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation du 04 février 1998.

Entre temps et conformément à cette décision, Madame Daltroff faisant application du contrat, a, à défaut d'accord, saisi Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de Metz, à l'effet d'obtenir la désignation de deux experts, ayant pour mission de choisir l'indice de remplacement.

Messieurs Hirtz et Divoux, désignés par ordonnance n° I.95/96 en date du 26 mars 1996, ont déposé leur rapport le 22 août 1996 et Madame Daltroff a déposé des conclusions devant la Cour d'appel de Colmar le 18 avril 1997, à l'effet de demander que soit substitué à l'indice annulé, l'indice des produits manufacturés, meubles et tapis France, retenu par les deux experts susvisés.

Entre temps et selon jugement prononcé le 8 avril 1997, le Tribunal de commerce de Nancy a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SA Meubles Erbsmann désignant la SCP Chambrion et Bruart en qualité de représentant des créanciers et Maître Pierre Bayle en qualité d'administrateur judiciaire de la Société.

Madame Claire Daltroff a d'une part déclaré sa créance entre les mains du représentant des créanciers le 5 juin 1997 et d'autre part repris la procédure qui avait été déclarée suspendue, mettant en cause les organes de la procédure soit le représentant des créanciers et l'administrateur judiciaire qu'elle a assignés respectivement les 4 et 5 décembre 1997.

Par mémoire du 17 novembre 1997, elle conclut à voir dire qu'il y a lieu de substituer à l'indice annulé celui des " produits manufacturés, meubles et tapis France " retenus par les experts désignés,

de constater sa créance et d'en fixer le montant compte tenu de ladite indexation.

Dans son mémoire du 18 avril 1997, elle précise que l'évolution de l'indice est reproduite dans les annexes du rapport d'expertise et qu'elle est " en mesure de chiffrer le montant de sa créance suivant annexes détaillées ", s'abstenant cependant de chiffrer concrètement le solde de loyer calculé selon l'indice de substitution. Elle sollicite paiement d'une indemnité de procédure de 12.000 francs.

La SA Meubles Erbsmann et son mandataire judiciaire ont pour leur part simplement conclu au rejet des conclusions adverses.

Sur ce :

Attendu qu'aux termes du contrat de location-gérance conclu le 20 décembre 1972, la redevance mensuelle due par la preneuse s'élevait à " 3.600,00 francs HT indexés sur l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE " ;

Attendu que la demande de 11.397,73 francs formée par Madame Daltroff née Caren à la suite du contredit au commandement de payer délivré sur sa demande le 21 août 1981 à la SA Meubles Erbsmann, portait sur un solde de " redevances et charges " relatif à la période allant du 1er janvier au 30 septembre 1981, calculé sur la base d'une redevance trimestrielle de 24 197,00 francs HT en tenant compte des acomptes versés ainsi que d'avances sur charges et régularisation sur charges de l'année précédente ;

Attendu que l'indice du coût de la construction est inapplicable en l'espèce et celui des " produits manufacturés, meubles et tapis de France " doit lui être substitué ;

Attendu que ceci impliquait un calcul sur des bases nouvelles, auquel n'a cependant pas procédé Madame Erbsmann, laquelle conclut seulement à voir "constater sa créance et à en fixer le montant " s'abstenant de tout chiffrage ;

Attendu que par conclusions antérieures (19.06.1995) auxquelles elle s'est néanmoins référée, Madame Erbsmann demandait cependant à la Cour de " dire et juger que l'indexation de la redevance fixée par le contrat de location-gérance sera calculé sur l'indice substitué et de renvoyer les parties devant le Tribunal de Grande Instance de Metz pour que soit fixée la créance d'indexation et de condamner la société Erbsmann aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure de 10.000,00 francs " ;

Qu'au vu des conclusions de Madame Daltroff, dont la demande est fondée en son principe, la Cour faisant suite à son arrêt du 15 janvier 1996 ne peut qu'infirmer le jugement déféré en tant qu'il a condamné la SA Meubles Erbsmann au paiement d'une somme de 11.397,73 francs pour, statuant à nouveau, constater une créance de Madame Daltroff à l'égard du redressement judiciaire de la SA Meubles Erbsmann et dire que son montant devra être fixé selon les bases de l'indice substitué à savoir celui des " produits manufacturés, meubles et tapis de France " ;

Qu'il appartient cependant à la partie demanderesse qui n'a pas chiffré sa demande sollicitant un renvoi devant le Tribunal de grande instance de Metz, de saisir celui-ci, car il ne s'agit pas des premiers juges, la Cour étant en l'espèce saisie de l'appel d'un jugement du Tribunal d'instance de Metz du 12 juillet 1983 ;

Attendu qu'il convient de dire que les frais et dépens de cette procédure seront prélevés en frais privilégiés du redressement judiciaire de la SA Meubles Erbsmann, de constater une créance de Madame Daltroff au titre de ses frais irrépétibles à l'égard de la partie précitée et de fixer à 10.000,00 francs le montant de cette créance ;

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement, pour faire suite à l'arrêt du 15 janvier 1996, Constate une créance de Madame Claire Daltroff à l'égard de la SA Meubles Erbsmann, celle-ci portant sur un solde de redevances et charges au titre de la période allant du 1er janvier au 30 septembre 1981, calculé en appliquant l'indice substitué à savoir celui des " produits manufacturés, meubles et tapis de France ", Dit que son montant doit être fixé selon les bases dudit indice substitué, Dit que les frais et dépens de cette procédure seront prélevés en frais privilégiés du redressement judiciaire de la SA Meubles Erbsmann, Constate une créance de Madame Daltroff à l'égard du redressement judiciaire de la SA Meubles Erbsmann au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et en fixe le montant à 10.000,00 francs (dix mille francs), Déboute les parties de toutes leurs autres conclusions plus amples ou contraires.