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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 8 novembre 2001, n° 1999-15034

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

JBS (SARL)

Défendeur :

Laboratoire Mediligne (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Conseillers :

M. Faucher, Mme Briottet

Avoués :

SCP Varin-Petit, SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Me Lepeltier, SCP Gast.

T. Com. Paris, 20e ch., du 28 mai 1999

28 mai 1999

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société JBS contré le jugement rendu le 28 mai 1999 par le Tribunal de commerce de Paris qui l'a déboutée de ses demandes contre la société Laboratoire Mediligne (société Mediligne) et condamnée à restituer à celle-ci, dans le délai de 8 jours à compter de la signification du jugement, l'appareil Alphamins objet du contrat de location-vente du 4 avril 1997, en bon état de marche compte tenu d'une usure normale depuis sa mise en service, ce avec exécution provisoire, ainsi qu'a lui payer 15.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, outre les dépens, déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La société JBS a conclu avec la société Mediligne, le 4 avril 1997 pour une durée de 5 ans, un contrat de franchise " Physiomins " portant sur l'exploitation d'une méthode globale d'amincissement dénommée Physiomins.

Mécontente des résultats obtenus au cours de la première année, clôturée sur une perte, et de la qualité des produits fournis par Mediligne, dont l'emploi aurait entraîné des réactions allergiques chez certaines clientes, la société JBS a, le 7 janvier 1998, fait assigner sa cocontractante en annulation du contrat de franchise et en remboursement de toutes les sommes qu'elle lui avait versées en exécution du contrat. S'opposant à ces demandes, la société Médiligne a reconventionnellement demandé outre le paiement d'un chèque de 36.180 francs frappé d'opposition alors qu'il avait été remis par JBS en garantie de l'exécution de ses obligations au titre du contrat de location-vente relatif à l'appareil Alphamins, la restitution de cet appareil et le paiement de l'indemnité prévue par une clause pénale du contrat de franchise en cas de violation de l'obligation de non-concurrence du franchisé, ainsi que de dommages intérêts pour atteinte portée à l'image de la marque.

Appelante de la décision qui s'écarté ses prétentions et accueilli pour parties celles de la société Mediligne, la société JBS, aux termes de ses dernières conclusions, signifiées le 20 septembre 2001, maintient à titre principal sa demande d'annulation du contrat de franchise, dont elle sollicite subsidiairement la résolution aux torts exclusifs de Mediligne pour inexécution de ses engagements, réclamant le remboursement de la somme de 288.950 francs H.T., montant total des versements effectués au profit de Mediligne et le paiement d'une indemnité de 875.905,59 francs, correspondant à la perte constatée pour l'année 1997. Subsidiairement elle sollicite le remboursement des sommes trop perçues par Mediligne lors de la signature du contrat, s'élevant à 33.618 francs HT. Elle requiert acte de ce qu'elle s'engage à restituer tous les matériels et mobiliers remis par la société Mediligne contre le paiement par celle-ci du montant des condamnations qui seront prononcées contre elle, réclame en toute hypothèse les intérêts légaux à compter de l'assignation sur les sommes qui seront dues par la société Mediligne et sollicite 30.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Intimée et incidemment appelante, la société Mediligne, par ses dernières écritures signifiées le 31 août 2001 et à nouveau le 27 septembre 2001, conclut à la confirmation du jugement critiqué, sauf en ce qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses demandes. Elle prie la Cour de condamner la société JBS à lui payer la somme de 36.180 francs à titre de dommages intérêts pour procédure irrégulière d'opposition, la société JBS ayant, en le prétendant faussement perdu, fait opposition au paiement d'un chèque de 36.180 francs qu'elle avait remis à titre de dépôt garantissant l'exécution de ses obligations nées du contrat de location-vente de l'appareil d'amincissement Alphamins, conclu le même jour que le contrat de franchise alors que l'article 10 du contrat de location-vente prévoyait que les sommes versées au dépôt resteraient acquises au loueur en cas de manquement par le locataire à l'une quelconque de ses obligations et que JBS a, nonobstant l'assignation du 7 janvier 1998, conservé l'appareil en s'abstenant de payer tout loyer. Médiligne réclame encore 300.000 francs en exécution de la clause pénale insérée au contrat de franchise, à raison de la violation par JBS de l'obligation de non concurrence prévue en cas de rupture du contrat, 100.000 francs à titre de dommages intérêts en réparation, de l'atteinte portée à son image de marque et encore 50.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Cela étant exposé,

Sur la nullité prétendue du contrat de franchise

Considérant que, selon l'appelante, le contrat de franchise " Physiomins ", qu'elle a conclu le 4 avril 1997 avec la Société Mediligne, serait nul tout à la fois pour dol, en ce qu'elle n'aurait jamais contracté si elle avait su que les éléments contenus dans le concept Physiomins étaient de notoriété publique et dépourvus de tout caractère original et secret, pour défaut de cause en l'absence de preuve de la réalité d'un savoir-faire identifiable, substantiel, secret et original et d'une quelconque notoriété et pour manquement à l'obligation d'information pré-contractuelle, Mediligne n'ayant pas réalisé l'étude de marché pour Nîmes qu'elle était tenue de fournir ;

Mais considérant qu'il résulte de l'examen des pièces produites par les parties que c'est à juste raison que le Tribunal a rejeté la demande de JBS tendant à l'annulation du contrat en retenant que le concept et le savoir-faire communiqué au franchisé, à travers notamment le manuel opératoire, avaient un contenu réel, identifié, substantiel et secret résultant de l'expérience du franchiseur et testées depuis plusieurs années déjà dans un certain nombre de centres lorsque le contrat a été signé, peu important que la création d'un réseau de franchise ne fit alors que commencer, et d'autre part, que la preuve n'était pas rapportée de ce que le consentement de-la société JBS aurait été vicié, du fait notamment d'une information pré-contractuelle insuffisante ;qu'il convient d'ajouter à cet égard que la société Mediligne n'était pas tenue de réaliser ou faire réaliser une étude de marché pour Nîmes mais seulement de fournir à la société JBS les éléments nécessaires à une étude du marché local, ce quelle a fait dans le dossier d'information pré-contractuel remis à JBS ; qu'il appartenait à celle-ci de faire procéder à ses frais, si elle le jugeait utile, à une étude approfondie par un professionnel ;que la circonstance que les résultats de la société JBS n'ont pas été conformes à ce que laissait espérer le compte d'exploitation prévisionnel élaboré par Mediligne n'implique nullement que celui-ci ait été établi avec légèreté ou intention de tromper, sur la base d'éléments inexacts, la rentabilité même de l'activité objet de la franchise étant douteuse, alors qu'il n'est pas démontré que les précisions présentées à JBS aient été grossièrement erronées et qu'il doit être constaté que le réseau de franchisés Physiomins a connu un important développement depuis lors, lié au succès de la formule, de nombreux franchisés ayant contracté avec Mediligne au cours de la même année que la société 135 étant toujours en activité dans le réseau, ce qui infirme le grief d'un défaut de rentabilité qui serait inhérent à l'activité même faisant l'objet de la franchise ;

Sur la demande subsidiaire en résolution du contrat

Considérant que, pour conclure subsidiairement à la résolution du contrat encore qu'il s'agisse d'un contrat à exécution successive - l'appelante se borne à énoncer qu' " il est clairement démontré que la société Laboratoire Mediligne n'a pas rempli ses obligations ", se référant implicitement à l'argumentation présentée au soutien de la demande d'annulation ;

Mais considérant que la société JBS ne démontre d'aucune manière l'inexécution fautive des obligations mises à la charge de Mediligne par le contrat, la seule circonstance que l'exploitation de commerce franchisé a été gravement déficitaire en 1997, jointe à l'existence de courriers de JBS se plaignant des réactions allergiques de certaines clientes à l'utilisation d'un produit fourni, sans même que la réalité de ce fait soit corroborée par d'autres éléments, ne constituant pas une preuve suffisante ; que la société Mediligne justifie avoir rempli ses obligations en matière de publicité ;

Qu'ainsi doit être également écartée la demande de résolution du contrat de franchise ; lequel a été résilié par la lettre de Mediligne du 23 avril 199e dont le Tribunal a fait une exacte analyse ;

Qu'il s'ensuit que les demandes de remboursement et paiement de dommages-intérêts formées par JBS ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant que JBS ne prouve pas, par ailleurs, le trop versé qu'elle allègue pour un montant de 33.618 francs HT, alors que c'est librement et en possession de tous les éléments nécessaires qu'elle a versé à Mediligne la somme de 198.000 francs hors taxes, représentant des matériels, produits, mobiliers et prestations ;

Sur les demandes reconventionnelles de la société Mediligne

Considérant que c'est par de justes motifs que le Tribunal a condamné la société JBS à restituer l'appareil Alphamins qui lui avait été livré par Mediligne en exécution du contrat de location-vente conclu le même jour que le contrat de franchise ;

Considérant que la remise d'un chèque de 36.180 francs par la société JBS lors de la signature du contrat de location-vente avait pour objet de garantir l'exécution par le locataire de son obligation de restituer le matériel loué en bon état, les frais de remise en état éventuels devant s'imputer sur le dépôt de garantie, restituable au locataire sous cette réserve ; que le chèque étant un moyen de paiement, la société JBS ne pouvait s'opposer à son paiement par le tiré, en invoquant de surcroît faussement sa perte ; que, toutefois, la société JBS, qui sollicite le paiement, à titre de dommages intérêts, d'un montant équivalent à celui du chèque irrégulièrement frappé d'opposition, ne s'explique pas sur la nature et l'étendue du préjudice qu'elle entend ainsi voir réparer, alors que la Cour qui n'est pas saisie des conséquences financières de la résiliation du contrat de location-vente, n'est pas en mesure d'apprécier si la société JBS demeure débitrice envers Mediligne au titre de ce contrat, cependant que la restitution du matériel loué a été ordonnée, sous astreinte et avec exécution provisoire, par le jugement déféré, confirmé de ce chef, sans qu'il soit prétendu que l'exécution provisoire ainsi ordonnée n'a pas eu lieu ou que le matériel a été restitué en mauvais état ; que le rejet de la demande de Mediligne en paiement d'une indemnité de 36.180 francs sera donc confirmé ;

Considérant que c'est encore à juste raison que le Tribunal a écarté les demandes de Mediligne en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à son image de marque ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13-2 du contrat de franchise, " en cas de rupture du contrat pour quelque cause que ce soit ... à l'exception d'une résiliation anticipée aux torts exclusifs du franchiseur, le franchisé... s'interdit d'exploiter un centre d'amincissement concurrent du réseau Physiomins ", ce sur le territoire concédé et pendant une durée d'un an ; qu'en continuant nonobstant la rupture des relations contractuelles qu'elle situe en février 1998 et qui est intervenue au plus tard le 23 avril 1998, par la lettre de Mediligne ci-dessus évoquée, d'exploiter à Nîmes, dans les mêmes locaux et jusqu'en octobre 1998 selon ses propres écritures, un centre d'amincissement, encore qu'elle ait remplacé l'enseigne " Physiomins " par l'enseigne " Jupiter " et utilisé une nouvelle méthode - " Phytobioderm " - et de nouveaux produits, la société JBS a contrevenu à l'obligation qu'elle avait librement et valablement souscrite ; que l'article 13-2 précité contient une clause pénale prévoyant qu'en pareil cas une indemnité de 300.000 francs sera due au franchiseur ; que cette peine apparaît manifestement excessive, alors qu'aucun élément précis n'est fourni sur l'étendue du préjudice dont Mediligne aurait eu à souffrir du fait de cette concurrence, l'existence de ce préjudice, dans soit principe, étant incontestable ; qu'il convient au vu des éléments de la cause, de ramener à 25.000 francs, en application de l'article 1152 du Code civil, la peine convenue ;

Considérant que le jugement mérite d'être confirmé quant aux dépens et à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civil ;

Que l'appelante, qui succombe, devra supporter les dépens d'appel, ce qui entraîne le rejet de sa demandé fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il est équitable, en application de ce texte, de la condamner à payer à l'intimée, au titre des frais irrépétibles d'appel, la somme de 12.000 francs ;

Par ces motifs, Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Laboratoire Mediligne fondée sur la clause pénale du contrat de franchise relative à la violation de l'obligation de non-concurrence du franchisé, Réformant et statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant, Condamne la société JBS à payer à la société Laboratoire Mediligne une indemnité de 25.000 francs ou 3.811,23 Euros en exécution de la clause pénale susvisée, La condamne en outre à payer à la société Laboratoire Mediligne 12.000 francs ou 1829,39 Euros au titre des frais irrépétibles d'appel, Déboute les parties de toutes autres demandes, Condamne la société JBS aux dépens d'appel et admet la SCP Fisselier Chiloux Boulay au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.