Cass. com., 29 avril 1997, n° 94-19.825
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Saint-Marceaux (SARL)
Défendeur :
Esso (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M Bézard
Rapporteur :
M. Vigneron
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Boré, Xavier, SCP Célice, Blancpain.
LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 1994), qu'en 1984 la société Esso SAF (la société Esso), propriétaire d'un fonds de commerce de station-service, a donné à la société Saint-Marceaux l'exploitation de ce fonds sous forme de location-gérance ; que le contrat, plusieurs fois renouvelé, a été remplacé en 1991 par un nouveau contrat de trois ans, à expiration du 30 avril 1994 ; que la société Saint-Marceaux a refusé de quitter les lieux au motif qu'elle était en droit de bénéficier de la propriété commerciale sur le fonds ; que le juge des référés saisi s'est déclaré incompétent et que la cour d'appel a infirmé l'ordonnance puis, statuant sur le fond, a ordonné sous astreinte l'expulsion des locaux commerciaux ;
Attendu que la société Saint-Marceaux reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le contrat de location-gérance de station-service par lequel une société pétrolière met à la disposition de l'exploitant sa marque et son enseigne, en exigeant de celui-ci un engagement d'exclusivité, doit être conclu dans l'intérêt commun des parties et, à ce titre, avoir une durée permettant à celles-ci de recueillir le profit de ses investissements ; que le refus de renouvellement du contrat pour une durée conforme aux exigences d'une coopération loyale ouvre droit au paiement d'une indemnité réparatrice et que, dans l'attente de son paiement, l'exploitant est fondé à exercer un droit de rétention sur le fonds de commerce ; que dès lors, en énonçant que, en se maintenant dans les lieux, elle causait à la société Esso un trouble illicite au regard du contrat et au sens de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile, sans rechercher si le refus de renouveler le contrat de location-gérance opposé par la société Esso était conforme aux exigences d'une coopération loyale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er de la loi du 31 décembre 1989, 1134 du Code civil et 873 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que le contrat de location-gérance de station-service, par lequel une société pétrolière met à la disposition de l'exploitant sa marque et son enseigne, en exigeant de lui un engagement d'exclusivité pour l'activité personnelle qu'il déploie en vue du développement de la clientèle, constitue un contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, dont la durée doit permettre à chacune d'elles de percevoir les fruits légitimes de son investissement ; que le refus de renouvellement du contrat pour une durée conforme aux exigences d'une coopération loyale ouvre droit au paiement d'une indemnité réparatrice et que, dans l'attente de son paiement, l'exploitant est en droit d'exercer un droit de rétention sur le fonds de commerce ; que dès lors, en énonçant que, en se maintenant dans les lieux, elle causait à la société Esso un trouble illicite au regard du contrat et de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile, sans rechercher si le refus de renouveler le contrat de location-gérance opposé par Esso était conforme aux exigences d'une coopération loyale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'en décidant de ne pas renouveler le contrat au-delà du terme convenu, et en informant la société Saint-Marceaux de sa décision en temps utile, la société Esso n'avait fait qu'user de la faculté qui se trouvait stipulée au contrat ; qu'en ayant déduit, sans avoir à procéder à la recherche inopérante invoquée, que la société Esso n'avait pas commis de faute génératrice d'un droit dont le locataire-gérant pourrait se prévaloir pour prétendre se maintenir dans les lieux afin de garantir ce droit, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Saint-Marceaux reproche aussi à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, que le preneur qui bénéficie du statut des baux commerciaux est fondé à se maintenir dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction ; que sont, par ailleurs, nulles et de nul effet les clauses qui auraient pour effet de faire échec au droit au renouvellement et, par conséquent, au paiement d'une telle indemnité en cas de refus de renouvellement ; que dès lors, en énonçant que la clause d'indivisibilité du contrat de mandat et location-gérance lui aurait interdit de se maintenir dans les lieux, nonobstant tout droit à la propriété commerciale, la cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles 20, 35 du décret du 30 septembre 1953 et 873 du nouveau Code de procédure civile ; et, alors, d'autre part, que le locataire-gérant peut prétendre au bénéfice de la propriété commerciale à raison de la création d'une clientèle propre, drainée par une activité spécifique autorisée par le loueur ; qu'en l'espèce la cour d'appel a admis que la prétention au bénéfice de la propriété commerciale qu'elle formulait pourrait porter sur l'activité de la boutique ; qu'elle soutenait, par ailleurs, que la clientèle fréquentant la boutique et s'approvisionnant en produits pétroliers était avant tout attirée par son industrie personnelle ; que, dès lors, la cour d'appel qui n'a pas recherché quel était le pôle d'attrait prédominant de la clientèle fréquentant et la boutique et la station-service, a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ;
Mais attendu qu'ayant constaté que, si la société avait développé une activité de "boutique", celle-ci n'était qu'accessoire à celle de station-service et que, pour cette dernière, le contrat liant les parties avait exclu toute possibilité de divisibilité entre les activités de locataire-gérant et de mandataire et avait interdit au locataire- gérant de se maintenir dans les lieux après expiration du contrat, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les exigences du décret du 30 septembre 1953 et qui n'était pas tenue de procéder aux recherches de la seconde branche du moyen, a pu décider, avec ses conséquences de droit, que le maintien du locataire-gérant dans les lieux malgré son engagement de les quitter après l'expiration du contrat constituait un trouble illicite au sens de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.