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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 16 septembre 1999, n° 6056-97

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Orlauto (SARL), Alin

Défendeur :

Volvo Automobiles France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gallet

Conseillers :

MM. Lemonde, Raffejeaud

Avoués :

SCP Bommart-Minault, SCP Lissarrague-Dupuis & Associés

Avocats :

Mes Bourgeon, Gauclère.

T. com. Versailles, 2e ch., du 18 juin 1…

18 juin 1997

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par jugement rendu le 18 juin 1997, le tribunal de commerce de Versailles, statuant sur la demande de la société Orlauto à l'encontre de la société Volvo Automobiles France dont elle était concessionnaire, selon un contrat de concession, en date du 1er juin 1991, d'une durée de deux ans et renouvelé, a dit que la société concédante a résilié la concession en respectant les dispositions du contrat et du règlement européen R. 123-85, a dit que la société Volvo Automobiles France a agi avec une légèreté blâmable dans la période qui a précédé la résiliation, a condamné cette société à payer à la société Orlauto la somme de 500.000 F à titre de dommages et intérêts, et a pris acte de l'engagement de la société concédante de reprendre les stocks de véhicules neufs et de pièces de rechange existant en fin de contrat, aux conditions contractuelles pour les pièces, et au prix d'achat pour les véhicules, outre une condamnation sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société Orlauto puis la société Volvo Automobiles France ont interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions signifiées le 24 novembre 1997, la société Orlauto, appelante, critique le jugement d'avoir rejeté sa demande relative aux compléments de prime dont elle aurait dû bénéficier en 1994 si la société Volvo lui avait imparti des objectifs de vente conformes au potentiel de son territoire, et en ce qu'il a évalué forfaitairement son préjudice au titre des objectifs de l'exercice 1995 et au titre des investissements sans contrepartie réalisés dans le cadre de l'extension du territoire contractuel. Elle invoque l'aveu par la société Volvo que les objectifs fixés pour l'année 1994 étaient inéquitables et discriminatoires, de sorte qu'elle revendique le paiement d'un supplément de prime. Elle sollicite également, pour les mêmes raisons, le paiement de primes pour l'exercice 1995 et une indemnisation pour les investissements auxquels elle a été incitée dans la perspective d'une extension, non réalisée, de son territoire au département de l'Aude. Elle invoque l'abus par la société Volvo de son droit de résiliation, en soutenant que le préavis n'a pas été exécuté correctement, dans des conditions portant atteinte à sa crédibilité commerciale, et que la concédante a eu un comportement blâmable. Elle expose le préjudice qui découle de la résiliation abusive du contrat de concession. En définitive, elle demande à la Cour de :

Réformant partiellement le jugement entrepris,

- dire et juger que la société Volvo Automobiles France n'a pas exécuté loyalement le contrat de concession conclu à effet du 1er juin 1993 avec la société Orlauto en 1994 et 1995,

- condamner la société Volvo Automobiles France à lui payer, à titre de dommages et intérêts, les sommes de :

* 36.000 F et 156.000 F au titre de ses gains manqués du fait des objectifs de vente de véhicules neufs inéquitables et discriminatoires qui lui ont été fixés par la société Volvo Automobiles France en 1994 et 1995, majorées des intérêts au taux légal respectivement à compter du 31 décembre 1994 sur la somme principale de 36.000 F et du 31 décembre 1995 sur la somme principale de 156.000 F,

* 300.000 F au titre des investissements sans contrepartie, engagés dans le cadre de l'extension du territoire contractuel au département de l'Aude, convenue en 1995,

- dire et juger que la société Volvo Automobiles France a abusé de son droit de résilier le contrat de concession qu'elle avait conclu avec la société Orlauto le 1er juin 1993,

- condamner la société Volvo Automobiles France à lui payer la somme de 2.500.000 F de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé la résiliation abusive de ce contrat à effet du 6 juin 1997,

- condamner en outre la société Volvo Automobiles France à titre de complément de dommages et intérêts à reprendre à ses frais, après inventaire contradictoire dans les locaux de la société Orlauto, l'intégralité du stock de pièces de rechange d'origine Volvo que la société Orlauto détiendra à la date de l'arrêt à intervenir,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Volvo Automobiles France au paiement de la somme de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC,

- y ajoutant, condamner la société Volvo Automobiles France au paiement d'une somme supplémentaire de 30.000 F sur ce même fondement,

- condamner la société Volvo Automobiles France aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement pourra être assuré par Maître Bommart, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.

Par conclusions déposées le 28 novembre 1997, la société Volvo Automobiles France, également appelante, après avoir fait état de la dégradation des résultats et de la démotivation de la société Orlauto, soutient avoir usé de la faculté qui lui était reconnue contractuellement de mettre fin au contrat de concession à durée indéterminée sous réserve d'un délai de préavis d'un an, et conteste tout comportement abusif. Elle souligne que M. Alin, gérant de la société Orlauto, n'a jamais contesté les objectifs qui lui ont été fixés, et dénie toute valeur probante à la note interne sur laquelle le tribunal s'est fondé pour retenir le caractère inéquitable du calcul des primes au titre de l'exercice 1995, ajoutant que les circonstances qui ont présidé à la fixation des objectifs de cet exercice ne sauraient rendre abusive la résiliation ni justifier une indemnisation et que la société Orlauto n'a été victime d'aucune discrimination. Elle approuve le jugement d'avoir considéré que les circonstances entourant l'extension envisagée du territoire contractuel de la société Orlauto ne pouvaient engager sa responsabilité. En revanche, elle fait valoir que l'attitude de la société concessionnaire pendant le délai de préavis contrariait les obligations contractuelles de celle-ci. Elle réfute tout abus dans la rupture du contrat, en précisant n'avoir pas eu connaissance des investissements financiers envisagés par la société Orlauto et en indiquant que le délai de préavis devait permettre à celle-ci de les amortir. Elle indique encore n'avoir nullement tenu rigueur à la société Orlauto d'avoir, au demeurant sans justifications objectives, envisagé la représentation de la marque Rover, et nie avoir influé sur la décision de sa concessionnaire de renoncer à contracter avec cette autre marque. Elle insiste sur le fait que la résiliation du contrat à durée indéterminée liant les parties est intervenue sans indication de motif, telle que prévue par les stipulations contractuelles. Elle conteste tout préjudice subi par la société Orlauto. En définitive, elle demande à la Cour de :

- dire et juger que la preuve d'un comportement abusif de la société Volvo dans l'exercice du contrat de concession l'ayant lié avec la SARL Orlauto, ou à l'occasion de la rupture dudit contrat, n'est pas apportée,

- infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la société Volvo avait agi avec une légèreté blâmable à l'égard de son concessionnaire,

- infirmer le jugement entrepris en toutes autres dispositions et débouter la SARL Orlauto de l'ensemble de ses demandes,

- allouer à la société Volvo Automobiles France une somme de 50.000 F en application de l'article 700 du NCPC,

- réserver à la SARL Orlauto les entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Lissarrague-Dupuis & Associés, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.

Par conclusions signifiées le 1er septembre 1998, la société Orlauto et M. Ernesto Alin, intervenant volontaire, indiquent qu'il incombe à la société concédante de prouver que les objectifs de l'exercice fixés au concessionnaire découlent de critères non discriminatoires, et maintient que lesdits objectifs étaient inéquitables. Ils rappellent que la société Orlauto a engagé des dépenses en fonction de l'extension de son territoire au département de l'Aude, sans avoir bénéficié des contreparties prévues. Ils réitèrent les griefs relatifs aux atteintes portées par la société Volvo à la bonne exécution du contrat pendant le préavis, contestant en revanche les critiques faites à l'endroit de la société Orlauto, et réaffirment la légèreté blâmable de la société Volvo qui a laissé sa cocontractante s'engager, en connaissance de cause, dans une restructuration lourde, nonobstant la menace qui pesait sur la pérennité de la relation contractuelle. Ils invoquent la loyauté à laquelle se trouve tenue la société Volvo lors de la résiliation du contrat, ajoutant que c'est le refus de celle-ci d'autoriser la représentation de la marque Rover qui l'a déterminée à remettre en cause les relations contractuelles des parties. Ils réclament l'indemnisation de l'intégralité du préjudice de la société Orlauto et la réparation du préjudice moral et psychologique de M. Alin. Ils demandent à la Cour de :

- allouer à la société Orlauto l'entier bénéfice de ses précédentes écritures, sauf à lui donner acte de ce qu'elle réduit à 2.000.000 F le montant des dommages et intérêts qu'elle sollicite en réparation du préjudice que lui a causé la résiliation abusive du contrat de concession exclusive qui la liait à la société Volvo Automobiles France imposée par cette dernière à effet du 6 juin 1997,

- dire M. Alin recevable et fondé en son intervention,

- condamner la société Volvo Automobiles France à payer à M. Alin la somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral,

- statuer ainsi que précédemment requis sur l'article 700 et les dépens.

Par conclusions signifiées le 3 novembre 1998, la société Volvo Automobiles France confirme que les objectifs des exercices 1994 et 1995 ont été fixés de façon équitable et non discriminatoire, sur la base d'éléments objectifs dont elle fournit la preuve, et réfute avoir donné des assurances à la société Orlauto pour la désignation d'agents sur le département de l'Aude. Elle conteste que sa décision de rupture du contrat ait été prise dès l'année 1995, et soutient qu'il appartient à la société Orlauto de prouver que ses investissements étaient liés à la poursuite de l'activité de concessionnaire Volvo. Elle réfute toute argumentation sur ses motivations de la rupture qui n'ont pas lieu d'être en l'occurrence.

Par conclusions signifiées le 16 novembre 1998, la société Orlauto et M. Alin maintiennent leur argumentation et critiquent les dernières écritures de la société Volvo.

Par conclusions signifiées le 4 janvier 1999, la société Volvo Automobiles France réplique à la dernière argumentation de la société Orlauto.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 26 janvier 1999, et l'affaire a été évoquée à l'audience du 27 mai 1999.

Sur ce, LA COUR

Considérant qu'il est constant qu'après un premier contrat de concession à durée déterminée, qui a pris fin le 31 mai 1993, la société Volvo Automobiles France, concédante, et la société Orlauto, concessionnaire, ont conclu, le 1er juin 1993, un contrat de concession à durée indéterminée, pour la représentation de la marque Volvo dans le département des Pyrénées Orientales; qu'il a été stipulé, dans l'article 1.2 du contrat, que "les parties pourront mettre fin en respectant un préavis d'un an à compter de la date de réception de la lettre recommandée avec accusé de réception qui sera envoyée par l'une ou l'autre des parties" qu'en application de cette stipulation, la société Volvo Automobiles France a, par courrier recommandé du 6 juin 1996, notifié à la société Orlauto qu'elle dénonçait le contrat avec effet à compter du 7 juin 1997.

1) Sur les objectifs de vente et le territoire concédé :

Considérant qu'il ressort des données fournies par la société Volvo Automobiles France qu'elle a défini, pour les exercices 1994 et 1995, des objectifs nationaux exagérément optimistes puisqu'elle a fixé un volume de ventes de 11.034 véhicules en 1994 et de 8.159 véhicules en 1995 et n'a vendu que 9.002 véhicules (ou 9.546 selon les chiffres de la société Orlauto) en 1994, soit - 18,41 % (ou - 13,50 %), et 6.276 véhicules en 1995 (ou 6.821 selon les chiffres de la société Orlauto), soit - 23,1 % (ou - 16,40 %) ; que les objectifs prévus dans les plans opérationnels concernant la société Orlauto et signés par les parties étaient de 88 véhicules en 1994 et de 78 véhicules, ramenés à 65, en 1995, étant noté que ces derniers chiffres portent sur les deux départements des Pyrénées-Orientales et de l'Aude, alors que les ventes réalisées par la concessionnaire ont été de 72 véhicules en 1994, soit - 18 %, et de 48 véhicules en 1995, soit - 26,1 % ; qu'ainsi, les ordres de grandeur des différences enregistrées entre objectifs et résultats sont assez voisins, quoique plus importants au détriment de la société Orlauto en 1995, étant cependant relevé que l'écart a concerné l'ensemble de la région de rattachement de cette société et non celle-ci en particulier, ce qui tend à démontrer que "l'optimisme" excessif de la société Volvo Automobiles France n'a pas davantage pénalisé la société Orlauto; que les diminutions des objectifs d'une année sur l'autre s'établissent respectivement à - 26 % à l'échelon national et à -26,14 % pour le secteur de la société Orlauto; qu'ainsi, la réduction est très légèrement favorable à cette dernière; que, pour la région à laquelle est rattachée la société Orlauto, la réduction des objectifs de 1995 par rapport à 1994 a été de 20 %, donc moindre que celle appliquée à cette société, ce qui exclut une discrimination défavorable à celle-ci; qu'au sein de cette même région, les tableaux de comparaison établis pour les années 1994 et 1995 placent la société Orlauto au quatrième rang pour les objectifs à atteindre pour la première année et au troisième rang pour la deuxième année, cette évolution pouvant être justifiée par l'extension du territoire; que la répartition des objectifs par concessions, telle que ressortant du tableau établi par la direction régionale et produit en fax, ne peut être invoquée pour étayer une prétendue discrimination par rapport au concessionnaire de Montpellier, dans la mesure où il n'apparaît pas que le chiffre censé représenter le marché de la société Orlauto englobe le département de l'Aude, et où il n'est pas tenu compte de la rectification des objectifs décidée en cours d'année 1995:

Que, eu égard aux éléments d'appréciation versés aux débats par la société Volvo Automobiles France et non sérieusement contestés, il n'est pas établi que les objectifs de vente fixés à la société Orlauto et acceptés par celle-ci aient été inéquitables ou discriminatoires ou aient méconnu les contraintes nées de l'extension territoriale de la concession; qu'il doit être précisé que l'irréalisme de ces objectifs, manifestement inatteignables dans le contexte de l'évolution du marché automobile à l'époque, ne caractérise pas la discrimination alléguée par la société concessionnaire dès lors qu'il affecte l'ensemble des prévisions de la société concédante et que celle-ci a eu les mêmes pratiques et appliqué les mêmes corrections pour l'ensemble de ses concessionnaires, ainsi que l'illustrent les données ci-dessus exposées; qu'il faut encore observer qu'en admettant que la société Orlauto n'ait pas eu la possibilité de ne pas souscrire aux objectifs qui lui ont été fixés par la société Volvo Automobiles France, elle ne justifie d'aucune protestation qui témoignerait de sa conviction d'un traitement défavorable ou discriminatoire à son égard ; que la note interne de M. Chauvel, directeur régional de la société V.A. France, qui mentionne "Laissons de côté 1994 qui aurait dû lui être une année favorable, si ses objectifs avaient été calculés avec mesure et équité", ne saurait infirmer, à elle seule, les observations précédentes, d'une part, parce que ne sont pas précisés les critères pris en compte pour asseoir l'affirmation de "manque de mesure" ou d"iniquité" des objectifs de la société Orlauto, et, d'autre part, parce que cette affirmation concernant cette société n'exclut pas une analogie ou une référence aux objectifs généraux de la société concédante qui souffraient des mêmes lacunes ;

Considérant que, comme l'a retenu le tribunal, l'extension concertée du territoire concédé au département de l'Aude à compter du 1er janvier 1995, a correspondu à l'intérêt commun des parties, celui de la société Volvo Automobiles France qui maintenait une représentation dans ce département, et celui de la société Orlauto qui augmentait sa rentabilité;

Que, cependant, rien ne démontre un comportement fautif de la part de la société V.A. France qui, par courrier du 5 mai 1995, a notifié à la société Orlauto son accord pour la nomination officielle d'un agent à Narbonne mais lui a demandé "en ce qui concerne Carcassonne et Lesignan, de surseoir à projet conformément à la stratégie que société V.A. France [souhaitait] mettre en place en France", en l'invitant à "renforcer le développement de ventes sur les Pyrénées Orientales"; qu'aucun document antérieur n'établit que la société concédante avait pris l'engagement ou même laissé entendre qu'elle autoriserait la désignation de plusieurs agents dans le département de l'Aude, étant ajouté que n'est pas contestée la définition d'une nouvelle stratégie de la marque en ce qui concerne le développement de son réseau de concessionnaires au détriment de son réseau d'agents ; qu'il n'est pas davantage établi qu'elle s'est obligée à une quelconque aide financière, l'attribution d'une aide de 300.000 F évoquée dans la note interne de M. Chauvel n'étant qu'une proposition faite à la direction générale dont rien n'indique qu'elle a été acceptée; qu'au demeurant, il est significatif que le document émanant, en fax daté du 22/12/94, de la direction régionale de Volvo, à la signature de MM. Alin, Chauvel et Fichan, ne reprenne pas la perspective d'une telle aide financière ni n'évoque la désignation d'agents; que les objectifs ont été fixés, puis corrigés, pour l'ensemble des deux départements, dans les conditions non critiquables précédemment examinées; que s'il est exact que les résultats globaux de la société Orlauto ont été affaiblis par des ventes insuffisantes dans le département de l'Aude avec les conséquences pénalisantes sur l'obtention de primes liées à la satisfaction des objectifs, cette situation ne trouve pas une explication dans l'invitation faite par la société V.A. France de surseoir à la désignation d'agents sur Carcassonne et Lésignan dans la mesure où les performances du vendeur recruté par la société Orlauto ne sont pas connues et où les termes de la lettre de résiliation, de février 1996, de l'agent de Narbonne, selon lequel "la marque Volvo est une très bonne marque mais pas viable financièrement sur le secteur de Narbonne en tant qu'agent", laissent entendre que l'implantation d'agents n'est pas appropriée, de sorte que l'attitude de la société V.A. France, qui ne constitue pas une remise en cause de l'extension de la concession, ne peut être incriminée et n'apparaît pas en lien de causalité avec les vicissitudes de la société Orlauto ;

Que, dans ces conditions, la responsabilité de la société Volvo Automobiles France ne peut être retenue, et la société Orlauto n'est pas fondée à lui réclamer une indemnisation au titre de la fixation des objectifs de vente et de l'extension du territoire concédé ;

2) Sur les circonstances de résiliation du contrat de concession

Considérant que, s'agissant d'une convention conclue sans limitation de durée, chacune des parties a le droit de la rompre unilatéralement, sans avoir à motiver sa décision, pourvu que l'exercice de ce droit ne soit pas fautif ou abusif ni de mauvaise foi ;

Qu'il est constant que la société Volvo Automobiles France a respecté le délai de préavis convenu ;

Que, compte tenu de la faculté de résiliation unilatérale reconnue à chacune des parties, la société Orlauto instaure inutilement une discussion sur la réalité de griefs énoncés dans certains courriers postérieurs de la société V.A. France quant à ses résultats du début de l'année 1996, étant souligné que la société concédante n'a pas invoqué, dans sa lettre de résiliation, une quelconque inexécution par la société concessionnaire de ses obligations contractuelles ou du plan opérationnel intégré au contrat, tel que cela est prévu dans l'article 6 dudit contrat;

Considérant que, dans sa lettre du 30 août 1996, la société Volvo a écrit au gérant de la société Orlauto : "... lorsque nous nous sommes rencontrés le 31 octobre 1995 au siège le but de cette réunion était de nous entretenir sur des sujets d'ordre financier, à savoir que vous soyez dans les normes financières demandées à l'ensemble de notre réseau (caution, capitaux propres....). Lors de cette réunion, vous nous avez fait part d'un projet d'investissement dans un hall VO qui était à l'étude, pour lequel nous avons souhaité avoir, avant notre accord et sa réalisation, tous les éléments d'analyse" ; qu'il en ressort clairement que l'objet de la réunion du 31 octobre 1995 a porté sur l'adaptation de la société Orlauto aux normes financières imposées par la société V.A. France, en même temps que sur des investissements envisagés par la concessionnaire; qu'il n'est pas sérieusement contestable que le contrat de financement souscrit, en décembre 1995, auprès du Crédit Général Industriel et le contrat de fournitures de lubrifiants assorti d'un contrat de prêt portant sur un montant de 500.000 F, d'une durée de cinq ans, souscrit avec la société Agip, le 9 janvier 1996, se situent dans le prolongement et constituent la conséquence tirée par la société Orlauto de cette réunion et manifestent son intention de répondre aux exigences de la société concédante;

Qu'il ressort de la plaquette Volvo d'avril 1996, intitulée "Volvo change", qui précise que "le nouveau programme stratégique en huit points de Volvo a été présenté en avril 1994", qu'une nouvelle stratégie a été lancée, "basée sur une augmentation du potentiel commercial par concession. Les principaux axes de développement sont : ... une structure financière solide ..."; qu'il n'est pas contestable que cette nouvelle stratégie a été appliquée, dès le début de 1995, par la nouvelle direction de la société V.A. France, puisque la lettre du 5 mai 1995, précédemment évoquée, s'en fait l'écho auprès de la société Orlauto ; que, d'ailleurs, comme le relève, à juste titre, cette dernière société, la société concédante a admis dans ses conclusions de première instance : "... En 1995, la nouvelle direction générale de la société Volvo Automobiles France allait s'attacher à mettre en place les conditions optimales d'une représentation de la marque sur le territoire français ... C'est dans ce contexte que les services financiers, commerciaux et après-vente de la société Volvo allaient analyser la situation de la concession Orlauto de Perpignan et constater que tant les structures financières que le positionnement de la concession en matière d'après-vente ne pouvaient permettre à Orlauto de demeurer un distributeur compétitif dans la perspective des évolutions précitées ... il est exact que dans le courant de l'année 1995, la société Volvo a engagé une réflexion destinée à la meilleure adaptation de son réseau aux évolutions attendues ; il est tout aussi exact qu'il en est découlé une réorganisation du réseau dans le cadre de laquelle la société Orlauto n'est pas apparue comme étant en mesure de se conformer aux souhaits de la société Volvo afférents à sa représentation à venir...";

Que ces développements démontrent que dès avant la fin de l'année 1995, la société V.A. France a envisagé de cesser ses relations contractuelles avec la société Orlauto; que cette observation est confirmée par les termes de la lettre du 30 août 1996, déjà mentionnée, où, immédiatement après l'évocation de la réunion du 31 octobre 1995, il est indiqué "... Par la suite et après concertation de l'ensemble des départements concernés, Volvo Automobiles France a décidé de dénoncer le contrat de concession..."; qu'au demeurant, comme l'a retenu le tribunal, il n'est pas crédible qu'en octobre 1995, les dirigeants de la société V.A. France n'aient pas su que le maintien de la société Orlauto dans le réseau était sinon définitivement exclu, du moins fortement compromis, dès lors que, dans l'hypothèse inverse, les perspectives de restructuration financière et de rénovation immobilière, dont la teneur de la réunion du 31 octobre prouve qu'elles ont été discutées par les parties, puis la réalisation de mesures destinées à procurer un financement important sur une durée de cinq ans, étaient de nature à donner à la société concédante toutes assurances quant à la volonté et à la capacité d'adaptation de la concessionnaire à la nouvelle stratégie, et donc à l'orienter vers une attitude positive; qu'en admettant même que la société V.A. France n'ait pas eu connaissance des contrats de financement et de prêt souscrits par la société Orlauto à la fin de l'année 1995, ce qui serait pour le moins paradoxal de la part de cette dernière qui avait intérêt à faire état de ses efforts, son inaction pour connaître les suites réservées à la réunion souligne que sa position de rupture était, en réalité, indépendante des initiatives de sa concessionnaire; qu'il ne résulte d'aucune pièce soumise à la Cour que la société V.A. France a, entre la réunion du 31 octobre 1995 destinée à étudier les capacités de restructuration de la société Orlauto et de laquelle elle pouvait déduire des démarches ou des mesures appropriées de la part de cette dernière, et la lettre de résiliation du 6 juin 1996, attiré l'attention de sa cocontractante sur la probabilité d'une rupture des relations contractuelles ;

Que, dans ces conditions, la société Volvo Automobiles France, en laissant la société Orlauto s'engager dans une restructuration financière pour satisfaire aux normes du réseau alors que la pérennité du contrat de concession liant les parties était d'ores et déjà remise en question, a manqué à la loyauté dans l'exécution du contrat de concession et, ainsi, commis une faute contractuelle; qu'elle est donc tenue à la réparation du préjudice qui en est résulté;

Considérant, en revanche, qu'il n'est pas établi que la société V.A. France ait accompagné la rupture des relations contractuelles d'agissements préjudiciables à l'égard de la clientèle de la société Orlauto, les informations données à certains clients, postérieurement à la résiliation du contrat de concession, de s'adresser désormais à d'autres concessionnaires ne dépassant pas la nécessité d'assurer le service après-vente de sa marque et ne revêtant aucun caractère fautif ; que, pareillement, le comportement prétendument fautif de la société V.A. France à l'égard de la société Orlauto lors de sa démarche en vue d'obtenir une représentation de la marque Rover n'est pas caractérisé, aucune preuve des obstacles mis à cette opportunité n'étant rapportée et aucune indication sur les circonstances pour lesquelles elle ne s'est pas concrétisée n'étant fournie ;

3) Sur la réparation des préjudices de la société Orlauto et de M. Alin :

Considérant que la société Orlauto ne peut pas prétendre à l'indemnisation des conséquences de la résiliation, laquelle est contractuellement prévue entre les parties, mais seulement à la réparation du préjudice découlant de la faute contractuelle ci-dessus caractérisée ;

Que, eu égard, aux éléments d'appréciation qui lui sont fournis, notamment en ce qui concerne l'incidence financière des engagements souscrits par la société Orlauto auprès de la société Agip et du Crédit Général Industriel, la Cour est en mesure de fixer à 200.000 F ;

Considérant que M. Alin ne rapporte pas la preuve d'un préjudice personnel en lien direct de causalité avec la faute imputée à la société V.A. France, les certificats médicaux produits attestant d'un état dépressif réactionnel ne présentant aucune certitude quant à l'origine du trouble ;

Considérant que la société Volvo Automobiles France ne revient pas sur son engagement de reprise des stocks dont le tribunal lui a donné acte;

Considérant que l'équité commande que la société Orlauto n'ait pas à assumer l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer dans la présente procédure d'appel ; que la Cour est en mesure de fixer à 20.000 F la somme que la société Volvo Automobiles France devra lui payer à ce titre ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Donne acte à la SCP Bommart & Minault, titulaire d'un office d'avoué près la Cour d'appel de Versailles, de sa constitution aux lieu et place de Maître Laurent Bommart, précédemment constitué pour la société Orlauto, Déclare recevables les appels interjetés respectivement par la société Orlauto et par la société Volvo Automobiles France à l'encontre du jugement rendu le 18 juin 1997 par le tribunal de commerce de Versailles, Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Volvo Automobiles France à payer à la société Orlauto la somme de 500 000 F (cinq cent mille francs) à titre de dommages et intérêts, Condamne la société Volvo Automobiles France à payer à la société Orlauto la somme de 200.000 F (deux cent mille francs) à titre de dommages et intérêts, Confirme les autres dispositions du jugement entrepris, Y ajoutant, Condamne la société Volvo Automobiles France à payer à la société Orlauto la somme de 20.000 F (vingt mille francs) en application de l'article 700 du NCPC. La condamne également aux dépens qui pourront être recouvrés directement par la SCP Bommart & Minault, conformément à l'article 699 du NCPC.