Cass. com., 24 mars 1998, n° 96-10.690
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Roth (Consorts)
Défendeur :
Lambert (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Defrenois, Levis, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.
LA COUR : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Metz, 20 septembre 1995) que le 31 juillet 1988, un incendie a ravagé les locaux du fonds de commerce de café-brasserie-restaurant-pizzeria que les époux Lambert exploitaient en location-gérance, suivant contrat du 24 mars 1987 que leur avaient consenti MM. Hubert et Michel Roth ; qu'ayant mis à la disposition des locataires-gérants un local voisin à partir du mois de décembre 1988, MM. Roth les ont assignés en paiement des redevances à compter de cette période, ainsi que de diverses factures, à quoi les époux Lambert ont répliqué par une demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 305 707 F, représentant la perte d'exploitation qu'ils avaient subie du fait du refus des propriétaires de reconstruire les locaux ; que MM. Roth leur ont, à leur tour, réclamé une indemnité de 332 025 F, en leur reprochant de ne pas avoir, en violation des dispositions contractuelles, maintenu les assurances souscrites à leur montant antérieur à leur entrée dans les lieux ;
Sur le premier moyen : - Attendu que MM. Roth font grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette dernière demande alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article 10 du contrat de location-gérance, les époux Lambert devaient continuer et faire leur affaire personnelle "de toutes les polices d'assurances contractées par le bailleur à toutes compagnies, et notamment aux risques d'incendie" ; - qu'il résulte de ces stipulations claires et précises qu'ils avaient l'obligation contractuelle de continuer les polices d'assurances souscrites par les consorts Roth et ce, aux conditions antérieures ; que l'assurance ne couvrait pas seulement la valeur du mobilier commercial et du matériel d'exploitation estimé à 211 022 francs mais la valeur de l'ensemble des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce assuré par les consorts Roth à hauteur de 800 0000 francs ; qu'en diminuant le montant de cette assurance à 500 000 F, les époux Lambert n'ont pas respecté leur obligation contractuelle ; qu'en déclarant, pour rejeter la demande des consorts Roth, que ces derniers n'établissaient pas "une faute contractuelle à la charge des époux Lambert, leur ayant occasionné un préjudice", la cour d'appel a refusé d'appliquer l'article 10 du contrat de location-gérance et violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'en l'état des pièces produites, il n'est pas possible de déterminer si la somme de 800 000 francs à laquelle les consorts Roth avaient assuré le fonds incluait les murs, et qu'en outre, aux termes du contrat de location-gérance, les parties avaient d'un commun accord évalué le mobilier commercial et le matériel à 211 022 francs ; qu'à partir de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu retenir qu'il n'était pas établi que les époux Lambert aient commis une faute contractuelle en souscrivant une assurance pour un montant moindre ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que MM. Roth font aussi grief à l'arrêt de les avoir condamnés au paiement d'une somme de 305 707 francs aux époux Lambert, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le contrat de location-gérance avait été éteint par la disparition du fonds de commerce consécutive à l'incendie ; qu'en conséquence, les consorts Roth ne pouvaient être tenus d'indemniser les époux Lambert de la perte d'exploitation subie du 1er avril 1989, date du dernier versement de la compagnie, au 31 mars 1990, date de résiliation du contrat ; qu'en déclarant que "l'incendie du 31 juillet 1988 n'avait pas mis fin au contrat liant les parties, lequel s'était poursuivi jusqu'au 31 mars 1990", la cour d'appel a violé l'article 1234 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, le contrat n'édictait aucune obligation de reconstruction ou de remise à disposition du fonds à la charge des consorts Roth en cas de sinistre ; qu'en déclarant, pour condamner les consorts Roth, que ces derniers n'avaient "pas respecté leur obligation contractuelle d'assurer, en dépit de l'incendie, la pérennité du fonds de commerce donné en location-gérance", la cour d'appel a ajouté au contrat une disposition qu'il ne contenait pas et a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que les consorts Roth ne justifiaient pas de la destruction totale de l'immeuble et que l'exploitation pourrait être reprise après un délai de huit mois, nécessaire à l'accomplissement des travaux de remise en état des lieux, la cour d'appel a pu retenir que le fonds de commerce, objet du contrat, n'avait pas disparu ;
Attendu, d'autre part, que dès lors qu'ils constataient que le contrat de location-gérance subsistait, c'est sans méconnaître la loi du contrat que les juges du second degré ont retenu qu'il appartenait aux consorts Roth d'assurer la pérennité du fonds en dépit de l'incendie et qu'ils avaient engagé leur responsabilité en ne remettant pas les locaux à la disposition des locataires-gérants à l'expiration du délai précité ; Que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.