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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 20 octobre 1999, n° 1998-12096

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Fiat Auto France (SA)

Défendeur :

Paty Automobiles (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

Mme Jaubert, Percheron

Avoués :

SCP Bernabe-Ricard-Chardin-Cheviller, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Henry, Guillin.

T. com. Paris, 1re ch., du 6 avr. 1998

6 avril 1998

La SA Fiat Auto (France) a, par déclaration remise au secrétariat-greffe le 4 mai 1998, interjeté appel du jugement tendu le 6 avril 1998 par le Tribunal de Commerce de Paris qui a statué en ces termes :

"Condamne la société Fiat Auto (France) SA à payer à la société Paty Automobiles une somme de 201.199 F HT majorés des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1994,

Condamne la société Fiat Auto (France) SA à payer à la société Paty Automobiles une somme de 73.689,34 F HT majorés des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1995,

Condamne la société Fiat Auto (France) SA à payer à la société Paty Automobiles une somme de 1.250.000 F au titre du préjudice subi du fait de la résiliation abusive, déboutant la société Paty Automobiles du surplus de sa demande de ce chef,

Condamne la société Fiat Auto (France) SA à reprendre le stock et à en rembourser le prix à sa valeur d'achat à la société Paty Automobiles soit une somme de 558.106,90 F,

Déboute la société Paty Automobiles du surplus de ses demandes,

Déboute la société Fiat Auto (France) SA de l'intégralité de ses demandes,

Ordonne l'exécution provisoire à hauteur de la somme de 274.888,34 F sans constitution de garantie,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus des condamnations prononcées à l'encontre de la société Fiat Auto (France) SA,

Condamne la société Fiat Auto (France) SA à payer à la société Paty Automobiles une somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, déboutant pour le surplus, ainsi qu'aux dépens."

La SA Fiat Auto (France) - ci-après Fiat - prie la Cour, réformant cette décision en ce qu'elle a prononcé des condamnations à son encontre, de dire qu'elle n'est redevable d'aucune somme envers la société Paty Automobiles au titre des primes MOS 1994, 1995 et 1996 et qu'elle n'a commis aucun abus dans la résiliation du contrat de concession liant les parties, et de débouter en conséquence la société Paty de toutes ses demandes.

A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour estimerait que la résiliation était abusive, elle soutient que la société Paty n'est pas en droit de prétendre à l'obtention d'une indemnisation équivalant à deux ans de marge, à la reprise de son stock de pièces détachées et au remboursement des indemnités de licenciement.

Elle poursuit enfin la condamnation de la société Paty à lui payer la somme de 50.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les entiers dépens.

La SA Paty Automobiles (ci-après Paty) conclut à la confirmation du jugement entrepris des chefs critiqués par Fiat mais en forme appel incident en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes et poursuit la condamnation de Fiat à lui payer les sommes de 2.350.000 F au titre de complément de marge brute, 248.225,12 F représentant le coût des licenciements auxquels elle a dû procéder et 76.360 F HT soit 92.090, 16 F TTC au titre de la prime MOS 1996. Elle sollicite enfin la somme de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur ce, LA COUR

Considérant qu'en vertu de l'annexe signée le 11 juillet 1991 au contrat de concession exclusive à durée indéterminée en date du 2 janvier 1989, la société Paty Automobiles était le concessionnaire exclusif de la société Fiat Auto France pour le secteur de Nogent-Le-Rotrou;

Que par courrier du 10 août 1996 la société Fiat a notifié au concessionnaire la résiliation dudit contrat avec un préavis d'un an ; qu'elle lui a adressé le même jour par courrier séparé une proposition de nouveau contrat de concession tenant compte du nouveau règlement européen d'exemption applicable au 1er octobre 1996, que la société Paty n'a pas signé;

Qu'enfin, après avoir adressé à la société Paty trois mises en demeure pour impayés en octobre 1996, novembre 1996 et janvier 1997 la société Fiat a, par courrier recommandé du 3 février 1997, résilié le contrat de concession avec effet immédiat en application de l'article 7-2 b) du contrat au motif que sa mise en demeure de régler sous huit jours un impayé de 108.720,03 F n'avait pas été suivie d'effet;

Que c'est dans ces conditions que la société Paty a saisi le Tribunal de Commerce de Paris, qui a statué par le jugement dont appel;

Considérant que la société Paty fait grief à Fiat d'avoir lourdement engagé sa responsabilité envers elle tant au cours de l'exécution du contrat de concession qu'à l'occasion de sa rupture;

Que s'agissant de l'exécution du contrat, elle fait valoir que la société Fiat, qui a introduit un nouveau système de rémunération à partir de 1994 par le biais d'une prime dite MOS (Minimun Operating Standard) dont l'octroi est subordonné au respect par le concessionnaire de divers critères notamment qualitatifs, ne l'a pas remplie de ses droits en ne lui payant aucune prime pour l'année 1994, en ne tenant pas compte de nouvelles contraintes pour l'année 1995, et en ne lui versant pas la totalité des sommes dues pour l'année 1996;

Considérant, en ce qui concerne la prime MOS 1994, qu'aux termes de la circulaire du 10 février 1994 le concessionnaire devait, afin de permettre l'attribution des points qui déterminaient le taux applicable à sa facturation pour le calcul de la prime, mettre à la disposition de Fiat les documents de gestion dits CRA; qu'il résulte des échanges de correspondances qui ont eu lieu tant entre les parties qu'entre chacune d'elles et le Groupement Amical des Concessionnaires Fiat entre mai et octobre 1995 qu'après examen des CRA transmis par la société Paty la société Fiat lui a demandé des explications qui n'ont pas été satisfaisantes puisque, les tenant pour "faux et nuls" selon les propres termes de Paty (courrier du 26 juin 1995), elle lui a immédiatement indiqué qu'elle n'obtiendrait pas la prime, ce qui a été confirmé après attribution des notes et que le recours fait par le concessionnaire sur ce point a été rejeté en juillet 1995 ; que la société Paty ne peut donc prétendre de bonne foi qu'elle aurait rempli les conditions fixées pour l'obtention de la prime MOS 1994 et que Fiat aurait commis une faute en ne la lui accordant pas, étant observé que la société Paty n'a plus fait état de cette réclamation postérieurement à août 1995, si ce n'est dans son assignation après la résiliation du contrat;

Considérant, en ce qui concerne la prime MOS 1995, que la société Paty qui a reçu paiement de la somme de 91.886,10 F à ce titre, demande la condamnation de la société Fiat au paiement, à titre de dommages et intérêts, de la somme de 73.689,34 F HT équivalant à la différence entre le maximum théorique de la prime annoncée (2,5 % du chiffre d'achat de référence) et la prime payée; qu'elle fait valoir qu'une nouvelle circulaire du 26 juin 1995 a introduit des critères supplémentaires (parmi lesquels la réalisation d'un chiffre d'affaires minimum en véhicules d'occasion et crédits) et qu'elle a dû orienter en conséquence sa politique commerciale avant que, sous la pression de l'Amicale des Concessionnaires, Fiat ne renonce - mais tardivement - à les appliquer;

Considérant toutefois que la société Paty peut difficilement prétendre que cette modification aurait entravé sa liberté commerciale alors que cette circulaire du 26 juin 1995 a été contestée par le Groupement des Concessionnaires dès le 12 juillet 1995 et que la société Fiat y a officiellement renoncé lors de la réunion du 13 septembre 1995 dont le procès-verbal a été adressé au réseau le 29 septembre; qu'elle ne verse d'ailleurs pas le moindre élément justifiant d'une révision de sa politique commerciale et d'un préjudice en résultant, et doit en conséquence être déboutée de cette demande;

Considérant, en ce qui concerne la prime MOS 1996, que la société Paty qui a perçu à ce titre la somme de 158.982,51 F HT réclame un complément de 76.360 F HT soit 92.090,16 F TTC, faisant valoir que la prime totale aurait dû, sur la base de 132 véhicules et d'une valeur de point de 1.660 F, être de 219.120 F HT;

Mais considérant que le calcul simpliste ainsi effectué par la société Paty ne correspond nullement aux modalités définies par la circulaire applicable du 16 février 1996 selon laquelle il convient de multiplier l'objectif du concessionnaire en véhicules commandés (en pourcentage) par la nombre de véhicules commandés en volume (CCF) puis par le coefficient multiplicateur (fixé selon tableau) et enfin par la valeur du point, qui est effectivement de 1.660 F ; que la société Fiat ayant réglé à la société Paty l'intégralité de la somme calculée selon ces critères ne lui doit plus aucune somme à ce titre, et la société Paty doit être déboutée de ce chef de demande ;

Considérant, s'agissant de la résiliation du contrat de concession, que la société Paty lui fait grief d'avoir été notifiée brutalement et de manière abusive, puisqu'elle est intervenue pour un motif injustifié et dans des conditions exemptes de bonne foi dès lors que:

- non seulement le montant de l'impayé qui lui était reproché (108.720,03 F) était insignifiant eu égard aux précédents d'octobre et novembre 1996 et aux garanties dont disposait le concédant, mais encore la créance de Paty sur Fiat à la date du 2 février 1997 était, hors primes MOS, de 145.825,46 F soit supérieure de 37.105,43 F à celle invoquée par Fiat deux jours plus tard,

- la société Fiat, qui est à l'origine de la tension de la trésorerie de son concessionnaire, a en réalité résilié le contrat dans le but d'évincer son concessionnaire sans indemnisation, et ce après lui avoir fait signer ses objectifs 1997 ;

Considérant, en ce qui concerne ce dernier grief, qu'il constitue un procès d'intention fait à Fiat et ne repose sur aucun élément du dossier ; qu'il est faux tout d'abord de prétendre que le concessionnaire [sic] aurait fait signer à Paty " ses objectifs 1997 " alors qu'un tel document constitue habituellement une annexe au contrat de concession - dont il est rappelé que la société Paty a refusé de le signer - et que la pièce versée aux débats par la société Paty qui s'intitule "Potentiels 97" et concerne la totalité du réseau ne porte pas sa signature ; que de même la société Fiat ne peut se voir reprocher une responsabilité directe dans les difficultés de trésorerie qu'a connues son concessionnaire ni du fait du non-paiement des primes MOS (qui n'étaient pas dues), ni du fait d'un " approvisionnement abusif anormalement élevé en janvier 1996 (38 véhicules) " allégué mais non démontré contre lequel la société Paty n'a pas protesté auparavant et dont elle n'explique pas en quoi il aurait pesé sur sa trésorerie à la fin de l'année 1996 seulement, ni du fait que Fiat Crédit, personne morale juridiquement distincte du concédant aurait sollicité courant 1996 le remboursement de la somme de 200.000 F représentant l'intégralité de la facilité de financement du stock VO antérieurement accordée;

Considérant qu'il n'appartient pas au concessionnaire de s'immiscer dans la gestion du concédant pour estimer que les garanties dont dispose ce dernier lui interdiraient de délivrer des mises en demeure en présence d'impayés, puis de faire application des stipulations contractuelles prévoyant une résiliation dans cette hypothèse;

Considérant que la société Paty conteste enfin la réalité même des impayés invoqués par Fiat en invoquant ses propres créances à l'égard du concédant et la compensation de plein droit résultant des dispositions de l'article 1290 du Code Civil et de l'article 8 du contrat de concession;

Considérant en premier lieu que les dispositions de l'article 8 du contrat intitulé "Conséquences de la cessation", selon lesquelles "il y aura déchéance du terme des engagements réciproques des parties et les créances et dettes réciproques entre lesquelles il sera opéré compensation seront immédiatement et de plein droit exigibles" ne peuvent être étendues à l'exécution du contrat;

Considérant, s'agissant de la compensation, que s'il s'agit au même titre que le paiement d'un mode d'extinction des obligations et si aux termes de l'article 1290 du Code Civil elle s'opère de plein droit par la seule force de la loi dès lors que les dettes réciproques des parties sont également certaines, liquides et exigibles, la compensation n'est pas d'ordre public et il peut y être renoncé ; que tel est le cas en l'espèce où l'article 7-2 b) du contrat de concession met, au nombre des fautes graves du concédant [sic] justifiant la résiliation immédiate et sans indemnité du Contrat le défaut de "paiement à l'échéance d'une somme due au concédant" ; que celte disposition ne peut être ignorée de la société Paty, à laquelle Fiat l'a notamment rappelée par son courrier du 23 octobre 1996;

Qu'en toute hypothèse, la société Paty ne démontre nullement s'être trouvée créancière, à la date de la mise en demeure du 22 janvier 1997 demeurée infructueuse, d'une somme exigible supérieure à 108.720,03 F, le décompte qu'elle produit arrêté selon elle au 1er février 1997 (soit postérieurement à l'expiration du délai de huit jours de la mise en demeure) pour un montant de 145.825,46 F TTC faisant apparaître divers postes relatifs à des opérations promotionnelles au titre desquelles la prime ne devait être payée au concessionnaire que sur justification de la revente du véhicule au client final, qui a eu lieu en l'espèce postérieurement à cette date;

Considérant enfin que la société Paty ne saurait reprocher au concédant une rupture abusive eu égard à un impayé "insignifiant" alors que la société Fiat avait dû lui adresser, en octobre et novembre 1996, deux mises en demeure pour obtenir paiement des sommes de 261.910,40 F et 277.777,29 F, et que cette société a au contraire fait preuve de compréhension en acceptant, pour la première, d'opérer une compensation à la suite de laquelle la société Paty demeurait débitrice d'une somme de 131.597,15 F;

Que la société Paty doit en conséquence être déboutée de l'intégralité de ses demandes, la reprise du stock de pièces détachées devant intervenir dans les conditions contractuellement convenues;

Considérant que l'équité ne commande pas l'application à l'espèce des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Par ces motifs : Réforme le jugement entrepris et statuant à nouveau, Déboute la SA Paty Automobiles de ses demandes; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile; Condamne la SA Paty Automobiles aux entiers dépens de première instance et d'appel ; Admet la SCP SCP Bernabe-Ricard-Chardin-Cheviller, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.