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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 24 septembre 1998, n° 3718-98

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Stephan

Défendeur :

Desmazières

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pujo-Sausset

Conseillers :

M. Roux, Mme del Arco Salcedo

Avoués :

SCP Piault Carraze, SCP Longin

Avocats :

Me Ben Soussen, SCP Dissez Montagne.

T. com. Pau, du 8 déc. 1993

8 décembre 1993

Arrêt

Par jugement en date du 22 juin 1995 auquel la présente décision se référera expressément pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, la Cour de céans a notamment, en réformant le jugement rendu entre les parties par le Tribunal de commerce de Pau le 8 décembre 1993,

- prononcé la nullité des contrats de franchise intervenus entre Madame Marianne Stephan et la SA Desmazières,

-ordonné une mesure d'expertise sur l'ensemble des demandes pécuniaires des parties,

Monsieur Cardoux, expert judiciaire, ayant déposé son rapport le 24 juin 1996, Madame Marianne Stephan a sollicité, par conclusions du 5 novembre 1996, la condamnation de la SA Desmazières à lui payer

- la somme de 842.238 Francs au titre des restitutions dues à la suite de l'annulation des contrats de franchise,

- la somme de 1.105.650 Francs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exécution de ces contrats,

- la somme de 50.000 Francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Par conclusions en date du 2 avril 1997, Madame Stephan a demandé la condamnation de la SA Desmazières à lui payer, à titre de dommages et intérêts complémentaires, la somme de 261.854,96 Francs due au titre du montant des intérêts d'un prêt,

La SA Desmazières a conclu pour sa part

à ce qu'il soit jugé

- que la marge bénéficiaire nette pouvant faire l'objet d'une restitution éventuelle ne peut être que le bénéfice qu'elle a réalisé sur les ventes faites à Madame Stephan, soit la somme de 103.657 Francs,

- que les restitutions ne pourront pas porter sur les investissements réalisés par Madame Stephan mais seulement sur les seuls frais relatifs à la franchise Petit Boy,

et à la condamnation de Madame Stephan à lui payer

- la somme de 126.605 Francs au titre de factures impayées, outre intérêts de droit,

- la somme de 50.000 Francs à titre de dommages et intérêts et celle de 15.000 Francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 1998,

Sur quoi LA COUR

Attendu, en droit, que les parties à un contrat annulé doivent se retrouver, dans leurs rapports personnels, dans l'état dans lequel elles étaient avant la conclusion de ce contrat, sans que l'une ou l'autre puisse, en raison de l'exécution de ce contrat, bénéficier d'un enrichissement ou subir une perte quelconque,

Attendu que cette règle impose, en la cause,

- que la SA Desmazières restitue à Madame Stephan la totalité des sommes qu'elle a perçues d'elle et lui rembourse les frais occasionnés directement par l'exécution du contrat,

- que Madame Stephan restitue à la SA Desmazières la valeur des marchandises reçues,

Attendu que les parties sont, en suite du rapport de l'expert, en désaccord en ce qui concerne les frais occasionnés à Madame Stephan par l'exécution des contrats annulés et la valeur réelle des marchandises reçues,

Attendu que la SA Desmazières fait valoir, sur la valeur réelle des marchandises, que doivent être prises en considération, pour le calcul du bénéfice restituable au titre des marchandises qu'elle a vendues à Madame Stephan, l'ensemble des charges d'exploitation qui en ont permis tant la fabrication que la vente,

Attendu que la SA Desmazières demande en conséquence que son bénéfice sur ces marchandises soit fixé à la somme de 103.657 Francs, son expert-comptable ayant établi que son bénéfice net était en moyenne, pour les années considérées, de 4,78 % de son chiffre d'affaires,

Attendu cependant que la SA Desmazières confond, pour appuyer sa demande, la notion de résultat, qui est la différence entre le coût de revient d'un produit et son prix de vente, et celle de marge, qui est la différence entre le coût de production d'un produit et son prix de vente,

Attendu qu'il convient en conséquence, en rejetant de ce chef les moyens de la SA Desmazières qui sont mal fondés dés lors que le bénéfice qu'elle invoque, qui n'est que le résultat après impôt, ne permet pas, prenant en compte l'ensemble des charges fixes de l'entreprise, de connaître la valeur réelle de la marchandise vendue, de retenir, au titre de la valeur de la marchandise à restituer par Madame Stephan, la somme de 1.341.039 Francs résultant de la différence entre le prix de vente de cette marchandise (2.168.564 Francs) et leur coût de production déterminé par l'expert judiciaire (soit 40% de leur prix de vente diminué des charges de publicité retenues pour la somme de 39.900 Francs),

Attendu que la SA Desmazières fait valoir par ailleurs, sur les frais supportés par Madame Stephan, que celle-ci ne peut prétendre qu'au remboursement des droits d'entrée et des dépenses d'aménagement spécifique de ses magasins et doit être déboutée de l'ensemble de ses autres prétentions,

Attendu que Madame Stephan fait plaider pour sa part que la SA Desmazières lui doit le remboursement, au titre des frais et dépenses directement liés à l'exécution des contrats annulés et fixés par l'expert à la somme de 972.644 Francs, de la somme de 261.854,96 Francs correspondant aux intérêts qu'elle a payés sur un prêt bancaire contracté pour son activité de franchise,

Attendu que l'expert a

-- retenu au titre des frais occasionnés à Madame Stephan par l'exécution des contrats de franchise annulés

- la somme de 393.600 Francs correspondant aux dépenses réalisées dans les fonds de commerce spécialement acquis pour les besoins des contrats de franchise, après déduction des prix de revente de ces fonds,

- la somme de 460.242 Francs correspondant aux intérêts payés sur des emprunts contractés pour le financement des précédentes dépenses,

- la somme de 118.802 Francs correspondant à des frais de publicité et à des frais d'acquisition de matériels informatique,

-- rejeté la demande de Madame Stephan relative aux intérêts d'un prêt contracté auprès de la SA BNP,

-- fixé à la somme de 282.400 Francs (246.800 ± 35.600) l'avantage fiscal tiré par Madame Stephan de ces différentes dépenses,

Attendu qu'il apparaît à la Cour, nonobstant les moyens contraires des parties

-- que doivent être retenus comme des dépenses directement liées à l'exécution des contrats de franchise annulés,

- les frais d'entrée de la franchise "Petit Boy" ainsi que les frais d'acquisition des droits au bail et d'aménagement des locaux commerciaux (soit au total la somme de 393.600 Francs après déduction des prix de revente de ces fonds) dés lors qu' ils sont la conséquence directe de la conclusion des contrats annulés,

- les intérêts payés sur les emprunts contractés pour le financement de ces dépenses (soit la somme de 460.242 Francs),

-- que doivent être rejetées, faute que soit justifié leur lien direct avec l'exécution de ces contrats, les intérêts payés sur un emprunt auprès de la SA BNP ainsi que les frais de publicité et d'acquisition d'un matériel informatique,

-- et que doit être retenue l'atténuation fiscale proposée par l'expert judiciaire dés lors que l'avantage fiscal qui est résulté pour Madame Stephan de l'ensemble de ces dépenses résulte lui aussi directement de l'exécution de ces contrats,

Attendu que les comptes entre les parties doivent dés lors s'établir de la manière suivante

* A restituer par la SA Desmazières à Madame Stephan

- total achat de marchandises : 2.168.564,00 F

- agios à reverser : 14.713,00 F

- dépenses à rembourser : 853.42,00 F

TOTAL : 3.037.119,00 F

* A restituer par Madame Stephan à la SA Desmazières

- valeur de la marchandise : 1.341.039,00 F

- solde de son compte client : 126.052,00 F

TOTAL : 1.467.091,00 F

* Soit en faveur de Madame Stephan

3.037.119,00 F - 1.476.091,00 F = 1.570.028,00 F

- à déduire incidence fiscale - 246.800, 00 F

TOTAL DÛ : 1.323.228,00 F

Attendu, enfin, que la Cour fera droit, en équité, à la demande de Madame Stephan sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Condamne la SA Desmazières à payer la somme de 1.323.228,00 Francs à Madame Marianne Stephan au titre des restitutions dues à la suite de l'annulation des contrats de franchise en dates des 6 mai 1987 et 29 avril 1988, Condamne la SA Desmazières à payer à Madame Marianne Stephan la somme de 50.000 Francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Rejette comme inutiles ou mal fondées toutes demandes plus amples ou contraires des parties, Condamne la SA Desmazières aux entiers dépens et autorise la SCP Piault-Carraze, Avoués associés, à recouvrer directement ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile,