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Décisions

Cass. com., 20 mars 2001, n° 95-17.734

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sobodis Chaffard (SA)

Défendeur :

Segard (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

M. Viricelle

Avocats :

SCP Boré, Xavier, Boré, Me Cossa.

Cass. com. n° 95-17.734

20 mars 2001

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 2 mars 1995) et les productions, qu'en contrepartie du cautionnement consenti par M. Chaffard envers le prêteur de deniers pour l'acquisition de leur fonds de commerce de bar, les époux Segard se sont engagés, pendant une durée de neuf années, à ne vendre dans leur établissement d'une manière exclusive et constante que des boissons commercialisées par M. Chaffard et livrées par le distributeur choisi par lui ; que, le 28 décembre 1983, M. Chaffard a conclu un contrat de location-gérance de son fonds de commerce par la société Sobodis Chaffard ; que, le 12 janvier 1990, les époux Segard ont cédé leur fonds de commerce de bar ; que la société Sobodis Chaffard, constatant que les nouveaux exploitants du fonds ne s'approvisionnaient plus auprès d'elle, a fait opposition, les 5 et 16 mars 1990, entre les mains d'un séquestre, sur le prix de cession du fonds devant revenir aux époux Segard ; que ceux-ci ont demandé que la société Sobodis Chaffard soit déclarée irrecevable à agir contre eux et que soit ordonnée la mainlevée des oppositions ;

Attendu que la société Sobodis Chaffard reproche à l'arrêt d'avoir accueilli cette dernière demande, alors, selon le moyen : - 1°) que, dans ses conclusions d'appel, elle soutenait avoir fait opposition en vertu du contrat d'approvisionnement exclusif aux termes duquel les époux Segard, bénéficiaires du cautionnement de M. Chaffard, s'étaient engagés, en contrepartie, "à ne vendre dans leur établissement d'une manière exclusive et constante que des boissons commercialisées par M. Chaffard Louis et livrées par le distributeur choisi par lui" ; que, dès lors, en ne recherchant pas si, par l'effet de cette clause, la société Sobodis Chaffard bénéficiait d'une stipulation pour autrui dont elle se prévalait à juste titre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1121 du Code civil ; - 2°) que la cession de contrat peut être autorisée à l'avance par le débiteur cédé ; que, par ailleurs, il est admis que le locataire-gérant qui exploite le fonds même du loueur poursuive l'exécution des contrats nécessaires à cette exploitation ; que, dès lors, en l'espèce, en ne recherchant pas, d'une part, si, par la clause du contrat d'approvisionnement exclusif, aux termes de laquelle ils s'engageaient à s'approvisionner exclusivement en boissons soit auprès du loueur, soit auprès du distributeur désigné par celui-ci, les époux Segard avaient autorisé par avance la cession du contrat les liant au loueur et, d'autre part, si le contrat de location-gérance portant sur le fonds de distribution de boissons, régulièrement versé aux débats, emportait implicitement mais nécessairement cession au profit de la société Sobodis Chaffard du contrat d'approvisionnement conclu entre M. Chaffard et les époux Segard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; - 3°) que viole, par fausse application, la règle du débat contradictoire l'arrêt qui écarte un document de preuve qui a été régulièrement produit aux débats ; qu'en l'espèce, le contrat de location-gérance litigieux était régulièrement produit, ainsi que l'attestent le bordereau de communication des pièces, la lettre d'envoi de l'avoué de la société Sobodis Chaffard, la lettre d'information adressée le même jour par celle-ci au conseiller de la mise en état et la lettre de restitution des pièces émanant de l'avoué des époux Segard ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a dès lors violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile par fausse application ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que ni dans le contrat conclu entre M. Chaffard et les époux Segard, ni ultérieurement, ces derniers n'avaient donné leur consentement à la substitution de leur cocontractant ; qu'ayant ainsi effectué la recherche prétendument omise dont fait état la première branche, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche, devenue inopérante, dont fait état la deuxième branche, a légalement justifié sa décision, abstraction faite du motif erroné, mais inopérant, critiqué par la troisième branche ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en cette dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.