Cass. com., 19 mars 2002, n° 99-21.439
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Econocom Location (SA)
Défendeur :
Conseil et partenariat informatique (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Tric
Avocat général :
Me Feuillard
Avocats :
Me Choucroy, SCP Boré, Xavier, Boré.
Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 7 octobre 1999), que la rupture du contrat d'agence commerciale liant la société Econocom Location à la société CPI ayant été définitivement jugée abusive, la société CPI a demandé le paiement d'une indemnité de préavis et d'une indemnité de rupture;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Econocom Location reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société CPI la somme de 625 298,94 francs à titre d'indemnité de préavis et la somme de 1 209 810 francs à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial du 27 décembre 1989, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts, alors, selon le moyen: 1°) que l'arrêt a omis de répondre au moyen d'appel de la société Econocom Location contestant la prise en compte de la totalité des commissions perçues par la société CPI, en faisant valoir qu'il résultait d'une attestation de M. Blanchi, son commissaire aux comptes, que si les chiffres d'affaires de cette société s'étaient élevés à 1 499 666,81 francs pour les exercices 1990-1991 et 1991-1992, les commissions effectivement facturées à la société Econocom Location et réglées par elle n'avaient représenté qu'un montant total de 768 112 francs, puisque les autres prestations désignées sous une terminologie générique de la société Econocom non suivie de Location concernaient non des départements de cette société mais d'autres sociétés mandantes qui n'étaient pas des filiales de ladite société; que l'arrêt qui ne s'en explique pas au point de retenir au titre des commissions du 1er janvier 1990 au 18 juillet 1992 un montant très supérieur à 768 112 francs est donc vicié d'un défaut de motifs au regard des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile; 2°) que l'arrêt est entaché de dénaturation par omission du certificat du montant des commissions de la société CPI établi le 26 mars 1993 par M. Bianchi, son commissaire aux comptes, sur la portée duquel il aurait dû au moins s'expliquer en tant que document de preuve décisif visé aux conclusions de la société Econocom Location; 3°) que le calcul des indemnités de préavis et de rupture ayant pour finalité la réparation intégrale du préjudice subi par l'agent commercial, ne peut aboutir qu'à cette réparation intégrale et dans la mesure où l'arrêt a fondé ce calcul sur des commissions qui ne s'appliquaient pas aux produits de la société Econocom Location et que cette société n'avait pas réglées, mais à des produits d'autres sociétés du groupe Econocom qui les avait payées, iI a méconnu le principe de la réparation intégrale, violant ensemble les articles 1147, 1382 du Code civil et 3 et suivants du décret du 23 décembre 1958;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de preuve résultant des pièces versées aux débats, l'arrêt retient les montants de commissions correspondant aux ventes réalisées pour le compte de la société Econocom Location par la société CPI mais aussi la société Axib, son auteur; qu'écartant ainsi les conclusions invoquées et sans dénaturer l'attestation de M. Bianchi, dont l'ambiguïté était relevée par la société Econocom elle même dans ses conclusions, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Econocom Location reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société CPI au titre de l'indemnité contractuelle de préavis la somme de 625 298,94 francs avec intérêts depuis l'assignation et capitalisation des intérêts, alors selon le moyen, que dans le cadre du décret du 23 décembre 1958, applicable en la cause, où aucun préavis n'était prescrit, la rupture brutale du contrat d'agent commercial par le mandant était exclusivement sanctionnée par l'indemnité de rupture; que si, en l'espèce, le contrat de décembre 1989 stipulait un préavis de six mois, indépendamment de l'indemnité de résiliation, le non respect de ce délai de préavis ne pouvait être compensé que par les prévisions conventionnelles impliquant abattement des frais professionnels et de fonctionnement, dès lors que par ailleurs la société CPI se voyait accorder une très importante indemnité de rupture; que l'arrêt a donc violé les articles 1 et suivants du décret précité et l'article 1134 du Code civil;
Mais attendu que les dispositions du décret du 23 décembre 1958 n'excluent pas l'attribution d'une indemnité de préavis lorsqu'elle a été contractuellement prévue ; que, retenant que le préavis contractuel de six mois n'avait pas été respecté, l'arrêt fixe souverainement le préjudice qui résulte de la brutalité dans la rupture du contrat à une indemnité égale à six mois de commissions, sans aucun abattement et sans tenir compte du montant de l'indemnité compensatrice de rupture; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé;
Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Econocom Location reproche enfin à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société CPI au titre de l'indemnité de rupture la somme de 1 209 810 francs avec intérêts depuis l'assignation et capitalisation des intérêts, alors, selon le moyen, que le montant retenu de l'indemnité de rupture excède sensiblement la valeur de l'agence estimée par le président-directeur général de la société CPI à seulement 1 000 000 francs dans une offre faite à l'exposante le 22 octobre 1990 - ce dont se prévalaient les conclusions de la société Econocom Location; que l'arrêt, qui relève par ailleurs que l'indemnité de rupture avait pour vocation d'indemniser la perte par l'agent commercial de son support d'activité, ne pouvait sans violer les articles 1 et suivants du décret du 23 décembre 1958 et 1147 et 1382 du Code civil, accorder à l'agent une indemnisation d'un montant supérieur à sa perte d'activité;
Mais attendu qu'appréciant souverainement le préjudice réellement subi du fait de la rupture, l'arrêt retient non seulement la perte des commissions auxquelles l'agent pouvait raisonnablement prétendre mais encore les investissements réalisés pour les besoins de cette activité ainsi que la durée du mandat, limitant l'indemnité à quatorze mois de moyenne mensuelle de commissions; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.