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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 31 janvier 2002, n° 1999-24467

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

YBT (SARL)

Défendeur :

Cocidac (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Conseillers :

Mme Pezard, M. Faucher

Avoués :

SCP Roblin-Chaix de la Varene, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Bellet, Gast.

T. com. Paris, du 21 oct. 1999

21 octobre 1999

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société YBT contre le jugement contradictoire rendu le 21 octobre 1999 par le Tribunal de commerce de Paris, qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes contre la société Cocidac, condamnée à payer à celle-ci 15.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a mis les dépens à sa charge, déboutant les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.

Le litige concerne l'exécution d'un contrat de franchise portant sur la marque de chocolat "Jeff de Bruges", conclu entre la société Cocidac et la société YBT le 29 avril 1994. Devant les mauvais résultats obtenus dès la première année d'exploitation de la franchise, la société YBT a, le 3 avril 1998, assigné sa cocontractante en résolution du contrat et paiement de dommages-intérêts, soutenant qu'elle était responsable de cette situation pour lui avoir communiqué des éléments d'information et de prévision gravement inexacts et trompeurs.

L'appelante maintient, par ses dernières écritures du 28 septembre 2001, que la société Cocidac a commis une faute lourde en établissant une étude de marché grossièrement erronée et qu'elle a de surcroît manqué à son obligation d'aide et d'assistance. Aussi demande-t-elle à la Cour de condamner la société Cocidac à lui payer, à titre de dommages intérêts, avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation de ceux-ci, 166.732 francs au titre des pertes de l'exercice 1994, 1.360.819 francs au titre des pertes de marge brute et du manque à gagner pour les exercices allant du 19 juillet 1994 au 30 avril 1997 et 576.790 francs au titre de la rupture anticipée du contrat. Elle réclame en outre 50.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Cocidac, intimée, conclut, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 26 octobre 2001, à la confirmation du jugement critiqué et au rejet de toutes prétentions de la société Cocidac, sollicitant subsidiairement que soit ordonnée la compensation entre les indemnités mises à sa charge et le prix auquel la société YBT a cédé son fonds de commerce. Elle réclame en outre 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Après clôture les débats les parties ont transmis chacune une note en délibéré qui, n'ayant pas été demandée ou autorisée par la Cour, ne sera pas examinée.

Cela étant exposé,

Considérant que, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989, devenu l'article L. 330-3 du code de commerce, ne met pas la charge du franchiseur l'obligation d'établir une étude de marché mais seulement de fournir un document donnant des informations sincères, précisant notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités, de manière à permettre au futur franchisé éventuel de s'engager en connaissance de cause.

Que c'est avec raison qu'après en avoir examiné et analysé le contenu les premiers juges ont estimé que le document d'information pré-contractuel que la société Cocidac avait remis à la société YBT satisfaisait à cette exigence légale.

Considérant qu'aux termes de l'article 4-3 "assistance initiale" du contrat, le franchiseur s'est seulement engagé à assister le franchisé dans l'étude du potentiel de son secteur en ayant établi en collaboration avec le franchisé une étude d'implantation préalable et à l'aider à élaborer des comptes de résultat prévisionnels, en précisant qu'il "ne pourra être tenu pour responsable des écarts entre les comptes de résultat, prévisionnels que le franchisé est réputé avoir examinés attentivement, assisté de ses conseils".

Considérant que les comptes de résultat prévisionnels établis par la société Cocidac, qui ne pourraient engager la responsabilité de celle-ci que dans la mesure où ils seraient grossièrement erronés ou auraient été établis dans le but de tromper YBT sur la rentabilité de l'entreprise, n'apparaissent pas comme tels, ainsi que l'ont relevé les premiers juges ; que l'écart important qui est apparu entre ces prévisions, fournies à titre indicatif et "établies dans l'hypothèse d'une exploitation performante assurée dans d'excellentes conditions", ainsi qu'il est indiqué à l'article 5.2 du contrat, et les résultats effectifs de l'exploitation du magasin "Jeff de Bruges" ouvert par la société YBT ne constitue pas à lui seul la preuve de l'insincérité, de l'inexactitude grossière ou de l'irréalisme manifeste desdites prévisions ;

Qu'il appartenait au demeurant à la société YBT, qui dit avoir investi 700.000 francs dans l'affaire, de s'entourer le cas échéant de tous autres avis ou conseils utiles avant de contracter ; qu'en tout état de cause la comparaison avec les résultats obtenus par d'autres franchisés montre que les résultats prévisionnels présentés par la société Cocidac, dont la société YBT ne pouvait raisonnablement attendre qu'ils soient pessimistes, n'étaient pas évidemment et nécessairement hors d'atteinte ;

Considérant que la société YBT ne soutient d'ailleurs pas expressément que son consentement a été vicié et ne poursuit pas l'annulation du contrat, qui s'est au demeurant exécuté jusqu'à son terme, le 26 avril 1999 ;

Considérant, par ailleurs, que les comptes de résultats prévisionnels fournis au titre de l'information pré-contractuelle n'ont pas valeur d'engagement contractuel pour le franchiseur, qui ne s'est pas obligé à en garantir la réalisation par le franchisé ;

Qu'il convient de relever au demeurant que la société YBT n'a commencé à adresser des réclamations à la société Cocidac et à se plaindre d'avoir été induite en erreur par des comptes prévisionnels très exagérément optimistes qu'au cours de la troisième année d'exploitation de la franchise, ce qui implique qu'elle n'a pas d'emblée considéré que les informations et prévisions fournies par la société Cocidac étaient grossièrement erronées et que l'exploitation commerciale, ne pourrait jamais, même avec une gestion rigoureuse et dynamique, atteindre la rentabilité espérée ;

Considérant, s'agissant de l'aide et l'assistance, que c'est encore avec raison que le Tribunal a estimé que la société Cocidac avait loyalement rempli ses obligations contractuelles par plusieurs visites, des suggestions et propositions diverses destinées à améliorer la rentabilité de l'affaire, y compris la proposition d'une allocation gratuite d'une quantité non négligeable de chocolats; qu'ils s'agissait d'une obligation de moyens, le franchiseur ne pouvant se substituer au franchisé qui conserve la maîtrise des décisions de gestion, des choix commerciaux et des conditions d'exploitation du magasin franchisé ;qu'en réalité la seule aide qu'attendait la société YBT, ainsi qu'il résulte des courriers de sa gérante Madame Boissy dès 1er juillet et 15 septembre 1997 aurait consisté dans le rachat du magasin "au prix de revient", une indemnité compensant le manque à gagner des trois années d'exploitation ou encore une indemnité permettant de "rembourser la charge des emprunts (350 KF empruntés en 1994)" ,demandes présentées comme découlant de ce que " la situation dans laquelle se trouve la SARL YBT aujourd'hui est due à l'erreur initiale qui a été commise par la société Cocidac dans son étude de marché" ;que le versement de telles indemnités ou subventions ou le rachat du fonds de commerce à son prix de revient excèdent notablement l'assistance contractuellement due par le franchiseur, auquel il ne peut être reproché de n'y avoir pas procédé, ni, plus généralement, de n'avoir pas réussi à redresser l'entreprise, alors de surcroît que la société YBT, comme elle en avait le droit, n'a pas jugé utile de mettre en œuvre toutes les recommandations de la société Cocidac, fondant manifestement tous ses espoirs sur une indemnité substantielle impliquant reconnaissance de responsabilité de la part de la société Cocidac ;qu'au demeurant la société YBT n'établit pas avoir en vain sollicité l' assistance du franchiseur avant l'année 1997 ;

Considérant qu'il suit de là que le jugement déféré mérite d'être confirmé en toutes ses dispositions ; que la société appelante, qui succombe, ne peut qu'être condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; qu'il est équitable, en application de ce texte, de la condamner à payer à la société Cocidac une somme supplémentaire au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Par ces motifs, Confirme le jugement attaqué, Déboute la société YBT de toutes ses demandes, La condamne à payer à la société Cocidac 1.830 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, La condamne aux dépens d'appel et admet la SCP Fisselier Chiloux Boulay, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.