CA Colmar, 1re ch. civ. A, 1 décembre 1998, n° 9700440
COLMAR
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Malka
Défendeur :
Bultel Bekleidungswerke (GmbH)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gueudet
Conseillers :
Mmes Bertrand, Schneider
Avocats :
Mes Bueb, Anstett-Gardea, Cahn, Associés.
Les parties ont conclu, en date du 18 février 1985, un contrat d'agent commercial prenant effet le même jour, pour une durée indéterminée et résiliable à tout moment par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception, et moyennant un préavis de six mois.
Par courrier recommandé du 22 décembre 1993, la société de droit allemand Bultel Bekleidungswerke a rompu ce contrat avec effet au 30 juin 1994, pour faute de M. Malka, lui reprochant
- La représentation d'une entreprise concurrente, sans son accord,
- la nette régression du chiffre d'affaires,
- le changement permanent des sous-représentants,
- la représentation incomplète des produits, et
- le non respect permanent des accords verbaux et écrits (notamment concernant le paiement des soldes de commissions)"
en mentionnant que cette "énumération était non exhaustive".
Cette rupture étant "exclusive de toute indemnité", M. Marc Malka a, en date du 10 janvier 1994, saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg d'une demande de provision de 845 614 F à valoir sur l'indemnité compensatrice de la cessation de vente de ses vêtements de cuir décidée par la société Bultel.
Il a été débouté de sa demande par ordonnance du 22 mars 1994, le premier juge ayant retenu que sa créance n'était "pas encore exigible".
Se prévalant d'avoir exécuté son mandat avec conscience et efficacité, il a, en date du 14 juin 1994, assigné la société Bultel au fond, devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, lui réclamant :
- une indemnité de 2 853 356.66 F pour cessation du contrat,
- un arriéré de commissions de 435 273.06 F, ultérieurement majoré de 53 637.72 F (le 20 juillet 1995),
- 845 614 F à titre de solde d'une indemnité relative à la collection "cuirs",
- des commissions sur les ventes Camel en France du 1er janvier au 30 juin 1994,
- une expertise pour évaluer ces commissions,
- ainsi que le paiement des dépens et d'une somme de 20000 F en application de l'article 700 du NCPC.
La société de droit allemand Bultel GmbH s'est opposée à cette demande, invoquant des fautes privatives d'indemnités de cessation du contrat d'agent commercial commises par M. Malka, auquel elle réclamait reconventionnellement remboursement des montants qu'elle lui avait versés à titre transactionnel, en se fondant sur sa réticence dolosive relative à son activité concurrente.
Par jugement du 13 décembre 1996, statuant partiellement au fond et partiellement avant dire droit, la deuxième chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg a :
- dit que la rupture pour faute du contrat du 22 décembre 1993 était justifiée,
- débouté M. Malka de ses demandes relatives à l'indemnité de rupture,
- réservé les droits de M. Malka concernant les arriérés de commissions et l'indemnité sûr la collection Camel,
- ordonné une expertise comptable aux fins
* d'apprécier les montants éventuellement dus au titre des arriérés de commissions sur les années 1991 - 1992 - 1993 - 1994 et Hiver 94/95, et
* le montant éventuellement dû sur la collection Camel de janvier 1994 à juin 1994
- nommé M. Bernheim en qualité d'expert,
- dit qu'il devrait déposer son rapport dans les trois mois de la saisine,
- subordonné l'exécution des opérations d'expertise à la consignation par M. Marc Malka d'une avance de 25 000 F à valoir sur les frais,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté M. Malka de sa demande relative à l'indemnité due sur la collection cuir,
- fait droit à la demande reconventionnelle de la société Bultel GmbH et condamné M. Malka à lui rembourser la somme de 446 001.11 F augmentée des intérêts légaux à compter de la signification du jugement,
- réservé pour le surplus et
- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état ultérieure.
Selon déclaration du 28 janvier 1997, la société de droit allemand Bultel Bekleidungswerke GmbH a interjeté appel contre ce jugement uniquement en tant qu'il a réservé les droits de M. Malka concernant les arriérés de commissions et l'indemnité sur la collection Camel et ordonné une expertise.
Le 3 février 1997, M. Marc Malka interjetait appel à son tour mais contre toutes les dispositions du jugement.
Les deux procédures ont été jointes sous le n° 1 A 440/97.
Par mémoire reçu au greffe le 20 mai 1997, M. Marc Malka conclut au rejet de l'appel de la société Bultel et à l'infirmation partielle du jugement entrepris, demandant à la cour de
- condamner la société de droit allemand Bultel Bekleidungswerke GmbH à lui payer :
*2 853 356.66 F au titre de l'indemnité de rupture du contrat, avec intérêts de droit à compter de la date de l'assignation, et
* 845 614 F au titre du solde de l'indemnité due sur la collection cuir et ceci conformément à l'accord transactionnel portant sur la somme de 1 200 000F
- rejeter la demande reconventionnelle de la société Bultel Bekleidungswerke GmbH,
- renvoyer l'affaire devant les premiers juges pour être statué sur les points réservés après expertise, et
- condamner la société Bultel GmbH aux entiers dépens des deux instances, ainsi qu'à lui payer 50 000 F en application de l'article 700 du NCPC.
Il observe que "compte tenu de la décision d'expertise et de la réserve de statuer, la cour n' est pas saisie de la question de l'arriéré de commissions, ni de l' indemnité par rapport à la collection Camel", et expose qu'il était agent général de la société Bultel sur tout le territoire français, qu'il bénéficiait de l'exclusivité sur ce secteur, que son contrat était expressément soumis au décret du 23 décembre 1958 et qu'il était convenu qu'il percevrait sur les ventes directes et indirectes de son secteur une commission de 10 % sur le montant net des factures lorsque le tarif appliqué serait de 5 % moins cher par rapport au tarif général pour 500 pièces minimum par modèle, et de 12 % dans les autres cas, le règlement de ces commissions devant s'effectuer chaque mois en francs français net de TVA.
Il fait valoir :
- qu'il a exécuté son mandat avec conscience et efficacité malgré les difficultés économiques,
- qu' il n'a commis aucune faute grave, les griefs invoqués à son encontre étant tous infondés et notamment celui retenu par les premiers juges car au moment de la signature du contrat, il était déjà agent commercial de la société Heinecke et Klaproth pour la représentation des pantalons extensibles, fait dont la société Bultel était informée ;
- que la société Bultel ne considérait pas cette société comme un concurrent et que c'est en 1987, alors qu'il avait mis fin à son activité pour la société Heinecke et Klaproth, que la société Bultel lui a, à son tour, proposé de distribuer un pantalon extensible, ceci se soldant par un échec relatif à ce produit, car "elle n'a pas su s'adapter au marché français" ;
- qu'en 1992, lorsqu'il a conclu un contrat avec la société Holzl, il s'agissait toujours d'un pantalon extensible et cette entreprise a pris contact avec la société Bultel, laquelle en était donc informée et ne s'y est pas opposée, le pantalon extensible n'étant pas concurrentiel pour elle, la conception de tels pantalons nécessitant une technologie de pointe afin de permettre une extension en largeur avec maintien de la taille ;
- que ce type de pantalon n'a jamais fait partie de la collection Bultel ;
- qu'il a d'ailleurs, quant à lui, clairement informé la société Bultel de l'activité qu'il comptait développer avec la maison Holzl, sans recevoir de contestation ou de sommation de mettre fin à cette activité ;
- qu'il est significatif que l'agent commercial de Bultel pour la Belgique, à savoir M. Vinchent, est autorisé à commercialiser un pantalon extensible pour une autre société spécialisée dans ce type de produit ;
- qu' il n' a jamais constitué la société Sachatex, dont son épouse était gérante, et dans laquelle il n'a tenu aucun rôle et n'est intervenu qu'à l'occasion de problèmes familiaux rencontrés, leur divorce ayant été prononcé le 14 novembre 1994 ;
- qu'en tout cas, les produits commercialisés n'entrent pas en concurrence avec les produits Bultel ;
- que la situation a été la même par rapport aux sociétés Kempel, Weber et Lederer et Klaproth, la société Bultel ne lui ayant jamais demandé d'arrêter une activité ;
- qu'en ce qui concerne l'indemnité sur la collection cuir, un accord transactionnel avait été conclu mettant une indemnité de 1 200 000 F à la charge de la société Bultel et qu'une partie seulement a été payée ;
- que les premiers juges ont à tort, affirmé que cette transaction pouvait être rescindée car il y avait eu dol résultant d'une réticence dolosive ;
- qu'il y a d'ailleurs eu commencement d'exécution, la société Bultel s'étant même engagée à régler le solde de sa dette dans le cadre de la procédure de référé.
Par mémoires reçus au greffe les 5 juin et 16 septembre 1997, la société Bultel Bekleidungswerke GmbH a conclu comme suit:
"1) Sur appel de M. Malka
- déclarer l'appel irrecevable, en tout cas, mal fondé,
- débouter M. Malka de l'intégralité de ses chefs de demande,
- débouter M. Malka de l'intégralité de ses chefs de demande au titre des prétendus arriérés de commissions et des montants prétendument dus sur la collection Camel,
- condamner M. Malka à payer à la société Bultel GmbH une somme de 40 000 F par application de l'article 700 du NCPC au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- condamner M. Malka aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel.
2) Sur appel de la société Bultel Bekleidungswerke GmbH
- déclarer l'appel recevable et bien fondé,
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 13 décembre 1996 en ce qu'il a réservé les droits de M. Malka concernant les arriérés de commissions et une indemnité sur la collection Camel,
ordonné une expertise comptable aux fins :
* d'apprécier les montants éventuellement dus au titre des arriérés de commissions sur les années 1991, 1992, 1993, 1994 et hiver 94/95,
* d'évaluer le montant éventuellement dû sur la collection Camel de janvier 1994 à juin 1994.
Statuant à nouveau dans cette limite,
- déclarer M. Malka irrecevable et en tout cas mal fondé en ses fins et conclusions, l'en débouter,
- confirmer pour le surplus le jugement du 13 décembre 1996 en toutes ses dispositions.
Condamner M. Malka aux dépens".
Elle fait valoir
1) Sur son appel:
- le caractère indu des arriérés de commissions et des pourcentages mis en compte au titre de la collection Camel car les comptes ont été établis entre eux contradictoirement, et ont été approuvés par M. Malka et la totalité des sommes arrêtées a été payée, les décomptes qu'il dresse à présent étant dénués de tout fondement et les quantum s'avérant fantaisistes ;
- subsidiairement l'erreur de calcul desdites commissions, M. Malka n'ayant pas déduit les commissions annulées des clients, ni les commissions non livrées par la société Bultel et prenant en compte un taux de change erroné et prohibitif, majorant par ailleurs ce montant, d'intérêts alors que leur principe et leur taux ne sont pas contractuels ;
- le défaut de fondement de la réclamation au titre de la collection Camel, celle-ci n'ayant pas été commercialisée par elle mais par la société Bultel Worldwide Fashion GmbH, personne morale juridiquement indépendante et distincte ;
- elle ajoute qu'en l'absence de toute preuve par M. Malka d'un quelconque arriéré de commissions et d'un pourcentage au titre de la collection Camel alors que la charge de la preuve lui incombait, il aurait du être débouté de la totalité de sa demande, une mesure d'instruction ne pouvant être ordonnée pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;
2) Sur l'appel de M. Malka :
que celui-ci n'est pas fondé, la rupture du contrat ayant pour cause des fautes graves de M. Malka :
- qui a violé son obligation de non-concurrence,
* en développant une activité pour le compte de la société Holzl,
même si l'objet de celle-ci était le pantalon extensible,
* en ne sollicitant pas au préalable son accord, ni de manière
expresse, ni même implicitement,
* en commercialisant un pantalon extensible qui est un produit de la gamme vestimentaire non spécifique et ne relève pas d'une "technique de pointe" de sorte que les pantalons Holzl et Bultel sont en concurrence sans que les observations de M. Malka relatives à la représentation de la société Bultel en Belgique soient pertinentes, dès lors qu' il existe un accord entre elle et son agent en Belgique,
* en exerçant sans son accord, une activité concurrente pour la société Kempel et Leibfried ;
* enfin, en exerçant personnellement l'activité de la société Sachatex ;
- qui a aussi commis d'autres manquements en :
* s'abstenant d'exploiter la totalité de son secteur,
* relevant des commandes dans de mauvaises tailles,
* les transmettant avec retard, et
* formulant sans cesse des revendications inconsidérées ainsi concernant 1' indemnité cuir qu'il fut seul à revendiquer, ou concernant des commandes annulées ;
que ces fautes ont entraîné une régression du chiffre d'affaires de M. Malka sur son secteur en 1993 et 1994, et qu'elles excluent toute indemnité de rupture ;
3) Sur la rescision de la transaction :
qu'ayant cessé, avec effet au premier trimestre 1991, la vente de sa collection cuir, pour défaut de rentabilité, M. Malka lui a réclamé une indemnité de deux ans de commissions s'élevant à 1 200 000 F sur la base de ses calculs, montant qu'elle accepta de payer du fait de son harcèlement et ce par une augmentation du taux de commission de 3 % jusqu'à apurement dudit montant ;
qu'elle avait cependant consenti à cette indemnisation, dans l'ignorance totale de la représentation par M. Malka d'entreprises concurrentes, ce qu'il avait occulté ;
qu'elle a été victime d'un dol de M. Malka et n'est donc pas tenue de verser le solde de l'indemnité prévue pour la collection cuir (845 614 F) et est au contraire, fondée à lui réclamer remboursement des sommes déjà versées, soit 446 001.11 F.
Sur ce,
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour plus ample exposé de leurs moyens,
Attendu qu'il y a lieu de relever à titre liminaire que si l'appel interjeté par la société Bultel Bekleidungswerke GmbH est limité, celui interjeté par M. Marc Malka est général et qu'en conséquence, la cour est saisie de la connaissance de l'entier litige.
1) Sur la cause de la rupture du contrat d'agent commercial liant les parties et ses conséquences
Attendu que si la société de droit allemand Bultel Bekleidungswerke GmbH a pris l'initiative de rompre le contrat d'agent commercial conclu le 18 février 1985 avec M. Marc Malka avec effet au 30 juin 1994, respectant le préavis contractuel et légal, elle en impute la responsabilité à M. Malka auquel elle reproche les fautes qu'elle a énumérées dans ledit courrier et rappelées plus haut ;
Attendu que les premiers juges ont dit la rupture du contrat bien fondée, en retenant la violation par M. Malka de son obligation de non-concurrence, sans accord de la société Bultel Bekleidungswerke GmbH ;
Attendu qu'aux termes de l'article 4 du contrat liant les parties, M. Malka jouissait "de la plus grande indépendance" et pouvait "travailler sous quelque forme, pour tous autres, établissements à l'exception d'établissements concurrents" étant précisé que même dans ce dernier cas, il le pourrait "si l'accord de la société existe" ;
Attendu en conséquence queM. Malka ne pouvait exercer une activité pour le compte d'une société concurrente sauf s'il obtenait l'accord préalable de la société Bultel Bekleidungswerke GmbH ;
Attendu qu'il convient en conséquence de rappeler que l'objet social de la société Bultel Bekleidungswerke GmbH est, ainsi que son nom l'indique, le secteur de l'habillement recouvrant par définition tous les effets vestimentaires ;
Attendu en conséquence, queM. Malka, qui s'était engagé à exercer pour le compte de cette société "en qualité d'agent général, sur l'ensemble du territoire français, où il prospectera l'ensemble de la clientèle (centrales d'achat, grossistes, grands magasins et magasins de détail) sans que cette liste soit limitative, en vue du placement des articles fabriqués, commercialisés, griffés par un couturier, ou articles brevetés provenant du groupe de la société" ne pouvait, sans l'accord préalable de la société Bultel, exercer une quelconque activité pour une société ayant pour objet la commercialisation d'effets vestimentaires quels qu'ils soient au nombre desquels figurent tous les pantalons sans restriction tenant à leur matière;
Attendu que s'il résulte du dossier qu'à la date de conclusion du contrat, M. Malka était déjà agent commercial pour la France de la société allemande Heinecke et Klaproth pour la représentation de "pantalons extensibles", et que si la société Bultel, informée de cette situation ne s'y est pas opposée, ceci n'implique d'aucune façon qu'elle considérait qu'il ne s'agissait pas d'un produit concurrentiel, mais plus simplement qu'elle l'a autorisé à exercer cette activité, vraisemblablement pour bénéficier d'une expérience incontestablement acquise par M. Malka au service de la société Heinecke et Klaproth, car elle lança ensuite à son tour, un pantalon extensible sur le marché ;
Attendu en effet, qu'ainsi qu'il est exposé plus haut, il y a rapport de concurrence dès lors que l'activité porte sur des effets vestimentaires et donc du seul fait de la commercialisation de pantalons ;
Attendu cependant que si cette activité concurrente pour la société Heinecke et Klaproth était autorisée par la société Bultel, il est aussi reproché à M. Malka d'avoir exercé d'autres activités concurrentes et ce pour les sociétés Holzl, Sachatex, Kempel et Liebfried et Weber et Lederer ;
Attendu en effet qu'il résulte du dossier que la société Sachatex représentée par M. Marc Malka, a conclu un contrat d'agent commercial avec la société Holzl GmbH à compter du 1er août 1992 et qu'il a exercé cette activité jusqu'à la date du dépôt de bilan de cette société, soit le 15 juin 1994 ;
qu'aux termes de ce contrat, il devait en qualité d'agent général sur le territoire français, prospecter l'ensemble de la clientèle en vue du placement des pantalons d'hommes extensibles ;
Attendu que M. Malka représentait bien des sociétés concurrentes et si M. Holzl déclare dans un courrier du 7 février 1995, être persuadé d'avoir informé la société Bultel du projet de collaboration, sans toutefois se souvenir du nom de son interlocuteur, cette déclaration vague n'est pas de nature à compenser le défaut d'accord de la société Bultel Bekleidungswerke GmbH à l'exercice d'une telle activité et l'attestation floue de M. Trebetien, selon lequel la société Bultel ne pouvait ignorer les relations d'affaires de M. Malka avec la société Bultel" n'est pas plus probante ;
Attendu en effet qu'il n'existe aucun accord de la société Bultel au sens de l'article 4 du contrat conclu entre les parties en litige, un accord exprès étant exigé conformément à une jurisprudence constante </stong>;
Attendu qu'au surplus M. Malka ne démontre même pas la réalité de l'accord tacite qu'il invoque, car s'il soutient que la société Bultel était informée de cette activité, parce qu'une de ses filiales s 'était d'abord opposée à cette activité, ce courrier, par ailleurs insuffisant, n'étant même pas versé au dossier ;
Attendu qu'il résulte par contre du dossier que, sous couvert de la Sarl Sachatex (ayant pour objet l'achat et l'import export d'articles textile incluant donc les effets vestimentaires) créée le 1er juillet 1989 par M. Marc Malka, lequel fut gérant de celle-ci selon extrait K bis produit, M. Malka exerçait incontestablement une activité concurrente pour le compte d'un autre mandant et ce, sans aucun accord de la société Bultel ;
Attendu enfin que si M. Malka produit copie d'une lettre datée du 28 juillet 1992, qu'il aurait adressée à Bultel pour l'informer qu' il représenterait dorénavant la société Holzl, d'une part il n'y a pas trace du récépissé d'accusé de réception de ce courrier et d'autre part, ceci démontre qu'il n'a en tout cas pas sollicité un accord, qu'il n'a à fortiori pas obtenu ;
Attendu qu'en ce qui concerne la société Kempel et Leibfried, s'il résulte des pièces produites que M. Malka représentait cette société lorsqu'il a contracté avec la société Bultel, car il en était l'agent commercial depuis le 12 novembre 1982, il ne ressort d'aucun courrier, ni d'aucune autre pièce, que M. Malka en ait informé la société Bultel le 18 février 1985, ou ultérieurement et ce alors même que la société Kempel et Leibfried commercialise des vêtements de loisir, blousons, imperméables et pantalons, soit des produits concurrents à ceux de la société Bultel ;
que d'ailleurs M. Malka n'allègue pas avoir obtenu l'accord de la société Bultel pour cette activité exercée depuis une date antérieure à la conclusion du contrat avec la société Bultel ;
Attendu qu'aucune pièce relative à l'activité concurrente exercée par M. Malka pour le compte de la société Weber et Lederer n'est pas contre produite ;
Attendu cependant qu'au regard de ce qui précède et même à supposer que l'activité de M. Malka pour la société Holzl - Sachatex ainsi que Kempel et Leibfried n'ait porté que sur des pantalons extensibles, ce qui n'est pas établi, il s'agissait là d'une activité concurrente nécessitant un accord exprès de la société ;
Attendu qu'il en résulte que M. Malka a violé son obligation de non concurrence envers la société Bultel, ce qui suffit à caractériser à son encontre une faute grave ayant fondé la rupture du contrat d'agent commercial par cette société, de sorte qu'il n'y a pas lieu de rechercher si les autres manquements, qui lui sont imputés, sont établis ;
Attendu qu'une faute grave étant pour un agent commercial exclusive de toute indemnité de rupture, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté M. Malka de ce chef de sa demande.
2) Sur la demande de M. Marc Malka au titre du solde de l'indemnité due sur la collection cuir
Attendu que par courrier du 26 mars 1990, la société Bultel annonçait à M. Marc Malka, qu'elle ne produirait plus de vêtements de cuir ;
Attendu qu'il résulte cependant d'un courrier adressé à M. Malka par la société Bultel le 17 décembre 1990 qu'elle acceptait néanmoins, en raison de l'"insistance" de M. Malka, de mettre à sa disposition "une collection exclusive", qui devait lui être remise aux environs du 20 janvier 1991 ;
Attendu que la société Bultel a en tout cas définitivement arrêté sa "gamme cuir" à compter de l'hiver 1991, pour des raisons économiques et que, M. Malka lui ayant réclamé une indemnisation de ce chef, les parties ont conclu une transaction sur ce point, le 26 mai 1993 ;
Attendu qu'aux termes de cette transaction, la société Bultel acceptait "de dédommager M. Malka par le versement d'une somme de 1 200 000 F sous forme d'une augmentation du taux de commissions de 3 % du chiffre d'affaires réalisé, étant précisé que :
- ce dédommagement sera versé mensuellement,
- ces dommages et intérêts seront limités à une somme de 1 200 000 F,
- le premier versement est intervenu au mois d'avril 1992 par virement bancaire séparé des commissions versées à M. Malka dans le cadre de son activité d'agent commercial,
- la société Bultel a attesté comptabiliser ces versements à titre de dommages et intérêts en faveur de M. Malka", la transaction se terminant en ces termes : "une fois la somme de 1.200.000 F atteinte, la société Bultel cessera de comptabiliser ces versements en dommages et intérêts".
Attendu que les parties s'accordent sur le fait que la société Bultel avait commencé à exécuter cette transaction et qu' il résulte du dossier qu' elle a d'ores et déjà versé à M. Malka une somme de 446 001.11 F ;
Attendu qu'il convient de relever que le solde impayé s'élève donc à 753 998.91 F et non pas à 845 614 F, montant réclamé par M. Malka ;
Attendu qu'il appartient à la société Bultel qui soutient avoir été victime d'un dol lorsqu'elle a conclu cette transaction, d'établir les manouvres dolosives qu'elle impute à M. Malka ;
Attendu que la société Bultel fait simplement valoir qu'elle "ignorait que M. Malka représentait des entreprises concurrentes" car il l'aurait "soigneusement occulté" ;
Attendu cependant qu'aux termes de l'article 1116 du Code civil "le dol est une cause de nullité de la convention, lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu' il est évident que sans ces manouvres, l'autre partie n'aurait pas contracté" et qu'il "ne se présume pas et doit être prouvé" ;
Attendu que si le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant un fait, qui aurait empêché l'autre de contracter, tel n'est pas le cas en l'espèce ;
Attendu en effet que c'est la société Bultel qui a pris l'initiative de cesser la commercialisation d'une gamme d'articles de sa collection, laquelle était en tout cas rentable pour M. Malka, auquel elle acceptait, à titre transactionnel, de verser une indemnisation forfaitaire égale à 1 200 000 F ;
Attendu qu'elle n'allègue, ni à fortiori ne démontre, que les sociétés concurrentes représentées par M. Malka avait pour objet des vêtements de cuir et l'"insistance" manifestée par M. Malka pour commercialiser la gamme cuir de la société Bultel démontre à l'évidence le contraire ;
Attendu en conséquence, qu'il n'est pas établi que M. Malka ait usé de manœuvres dolosives pour conclure avec la société Bultel la transaction litigieuse, qui n'ouvre donc pas droit à rescision ;
Attendu au contraire, que la transaction conclue entre les parties le 26 mai 1993, avait pour objet de mettre fin à un différend s'étant alors élevé entre les parties et qu'elle comportait sur ce point des concessions réciproques ;
Attendu qu'une transaction est valable même si elle ne porte que sur certains éléments d'une contestation, dès lors qu'ils ne sont pas indissociables des autres (Cass. civ. 18.11.1989) ;
que tel étant le cas en l'espèce, d'autant plus que cette transaction est antérieure de plusieurs mois à la rupture du contrat en cause, qu' il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en tant qu'il a débouté M. Malka de sa demande de solde de l'indemnité cuir, et en tant qu'il a, au contraire, condamné M. Malka à rembourser à la société Bultel la somme de 446 001.11 F pour, d'une part condamner la société Bultel à payer à M. Marc Malka une somme de 753 998.91 F, majorée des intérêts au taux légal à compter de sa demande et d'autre part, débouter la société Bultel Bekleidungswerke GmbH de sa demande reconventionnelle.
3) Sur les arriérés de commissions et le montant dû au titre de la collection Camel
- Sur les arriérés de commissions :
Attendu que M. Malka sollicite paiement d'un arriéré de commission d'un montant de 435 273.06 F et de 53 637.72 F ;
Attendu qu'il résulte de ses conclusions de première instance, que ces montants lui sont dus au titre d'un solde de commissions "sur les saisons hiver 1991 / 1992, été 1992 et hiver 1992 / 1993" alors que celles-ci auraient dû être payées mensuellement conformément à l'article 5 du contrat" ;
Attendu que M. Malka détaillait alors le montant réclamé ainsi :
- saison hiver 1991 /1992 :
118 176.45 F
- saison été 1992 :
129 388.39 F
- saison hiver 1992 / 1993 :
138 555.15 F
___________
386 119.99 F
acompte versé :
65 000.00 F
___________
321 119.99 F
y ajoutant suite à une erreur comptable pour les saisons été 1993 et hiver
1993 la somme de : 69 247.25 F
solde dû : 390 367.24 F
y ajoutant les intérêts de retard sur les sommes concernant
- la saison 2 (540 jours + 15 jours)
16 364.69 F
+ 454.57 F
- la saison 3 (425 jours + 15 jours)
14 101.56 F
+ 497.70 F
- la saison 4 (365 jours + 15 jours)
12 968.76 F
+ 532.96 F
soit un total intérêts de retard de
44 905.82 F
le total s'élevant ainsi à :
435 273.06 F
Attendu les pièces produites par M. Malka qu'il a adressées à la société Bultel sont les suivantes :
- un décompte relatif aux commissions de la saison 2 hiver 91 / 92 portant sur un montant de 118 176.45 F le 27 mai 1992,
- un décompte relatif aux commissions de la saison 3 "été 1992" portant sur un montant de 129 3 88.39 F le 17 septembre 1992,
- un décompte non daté relatif aux commissions de la saison 4 "hiver 92/93" portant sur 138 555.15 F,
- un décompte non daté relatif à la saison 5 et à la saison 6 ponant respectivement sur un solde de 106 899.29 F et de 69 247.25 F,
- ainsi qu'une mise en demeure de lui régler lesdites commissions le 7 janvier 1994 (lettre recommandée avec accusé de réception) ;
Attendu que ces pièces que confortent de nombreuses commandes et un abondant courrier échangé entre les parties depuis 1992, démontrent qu'il existe un désaccord entre les parties relativement au paiement effectif des commissions et il convient de procéder à un pointage des commandes facturées et des paiements de commissions effectifs subséquents, opération que les pièces produites ne rendent pas possible, même si elles sont de nature à rendre crédible l'existence d'un solde éventuel en faveur de M. Malka ;
Attendu en conséquence, que M. Malka ayant rendu crédible l'existence de sa créance, c'est à bon droit que les premiers juges ont ordonné une expertise aux fins de déterminer les montants éventuellement dus par la société Bultel à M. Malka au titre des arriérés de commissions sur les saisons hiver 1991 / 1992 (saison 2), été 1992 (saison 3) et hiver 1992 / 1993 (saison 4), été 1993 (saison 5) et hiver 1993 / 1994 (saison 6) ;
qu'il n'y a cependant pas lieu d'y ajouter l'hiver 94 / 95, aucune réclamation n'ayant été formulée relativement à cette période, de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point en tenant cependant compte de ladite limitation de la période soumise à expertise ;
- Sur les commissions dues sur la collection Camel :
Attendu qu' aux termes de l'article 3 du contrat "si la société était dans l'avenir à même de mettre en vente de nouveaux produits, elle devra en confier la vente à l'agent qui demeure libre de l'accepter ou de la refuser" ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal de constat dressé le 31 janvier 1994 par Maître Polidori, huissier de justice à Paris, que la société C/O Bultel International Fashion Group présentait alors la collection Camel au salon international de l'habillement masculin au parc des expositions de Paris - Porte de Versailles ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la vente des vêtements de la ligne Camel n'a jamais été proposée à M. Malka ;
Attendu que si la société Bultel Bekleidungswerke soutient que lesdits vêtements étaient commercialisés par la société Bultel International Fashion Group, il s'agit bien du groupe dont elle fait elle même partie et l'article 3 du contrat d'agent commercial conclu par elle avec M. Malka, lui confiait clairement mission du "placement des articles fabriqués, commercialisés... provenant du groupe de la société" ;
qu'en conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré le principe de la demande de ce chef de M. Malka bien fondé et qu'ils ont étendu la mission de l'expert, en lui demandant de chiffrer au vu de l'importance des ventes des articles vestimentaires de la ligne Camel par la société Bultel (laquelle consultera au besoin le groupe dont elle dépend et fournira à l'expert les justificatifs) des commissions auxquelles M. Malka peut prétendre pour la période allant du 1er janvier 1994 au 30 juin 1994 ;
Attendu qu' il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;
Attendu qu'il y a lieu de faire masse des frais et dépens d'appel, de condamner chacune des parties à en supporter la moitié, de laisser à la charge de chacune les frai~ irrépétibles d'appel, et de renvoyer l'affaire devant les premiers juges pour poursuite de la procédure.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré, Déclare les appels respectivement interjetés par la société de droit allemand Bultel Bekleidungswerke GmbH et par M. Marc Malka contre le jugement prononcé le 13 décembre 1996 par la deuxième chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg réguliers et recevables en la forme, Dit l'appel de la société Bultel Bekleidungswerke GmbH mal fondé et le rejette, Dit l'appel de M. Marc Malka partiellement fondé, Infirme le jugement déféré en tant qu'il a débouté M. Marc Malka de sa demande relative à l'indemnité due sur la collection cuir et en tant qu' il a fait droit à la demande reconventionnelle de la société Bultel Bekleidungswerke GmbH et condamné M. Malka à lui rembourser la somme de 446 001.11 F (Quatre cent quarante six mille un Francs, onze Centimes) augmentée des intérêts, et statuant à nouveau sur ces points, Condamne la société de droit allemand Bultel Bekleidungswerke GmbH à payer à M. Marc Malka la somme de 753 998.91 F (Sept cent cinquante trois mille neuf cent quatre vingt dix huit Francs, quatre vingt et onze Centimes) au titre du solde lui restant dû sur l'indemnité transactionnelle relative à la cessation de commercialisation de sa gamme cuir, majorée des intérêts au taux légal à compter de sa demande, Déboute la société de droit allemand Bultel Bekleidungswerke GmbH des fins de sa demande reconventionnelle, Confirme toutes les autres dispositions du jugement entrepris, Fait masse des dépens d'appel et condamne chacune des parties à en supporter la moitié, Déboute chaque partie de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du NCPC relative à la procédure d'appel, Renvoie la cause et les parties devant les premiers juges pour poursuite de la procédure, Déboute les parties de toutes leurs autres conclusions plus amples et contraires. Et le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier présent au prononcé.