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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 28 avril 1998, n° 9503062

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Centre de Lavage Auto Morlaisien (SARL)

Défendeur :

Hypromat France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guedet

Conseillers :

Mmes Bertrand, Schneider

Avoués :

Mes Harnist, Ackermann, Beckers

Avocats :

Mes Elghozi, Debré

TGI Strasbourg, du18 mai 1995

18 mai 1995

M. Emile Poidevin est dirigeant d'une part de la SA Poidevin qui exploite une concession Renault sise à Paimpol, un garage et un centre de contrôle technique, d'autre part de la société Centre de Lavage Paimpolais qui exploite à Paimpol un centre de lavage en franchise de la marque Hypromat.

La société Hypromat France produit et commercialise des centres de lavage en libre-service sous la marque "Hypromat" et le logo "Eléphant Bleu", les exploitants de ces centres étant des franchisés de la marque.

En cours d'année 1991, la société Hypromat a proposé à M. Poidevin l'acquisition d'une nouvelle station de lavage automatique devant être implantée à Morlaix.

Le 18 avril 1991, la société Hypromat a ainsi conclu un compromis de vente portant sur l'achat d'un terrain situé à Morlaix, le vendeur autorisant expressément la société Hypromat à se substituer toute personne physique ou morale dans l'exécution de ses obligations.

Ce terrain présentait la caractéristique d'être délimité d'un côté par une grande artère de Morlaix, la rue de Brest, et de l'autre par une rivière, le Queffleuth.

Le 16 mai 1991, la société Hypromat a présenté à M. Poidevin le plan détaillé de la station de lavage, devant être implantée à Morlaix, comportant 4 pistes parallèles à la rue de Brest.

Début juillet 1991, la société Hypromat a adressé son offre de prix à M. Poidevin comprenant la fourniture et l'installation du matériel, le package de signalisation à l'enseigne " Eléphant Bleu ", un droit d'entrée dans le concept de franchise, une facture pro forma datée du 2 juillet 1991 s'élevant à 1 672 174 F toutes taxes comprises, ainsi que le compte de résultat prévisionnel.

Le 25 juillet 1991 le centre de contrôle Paimpolais a signé le bon de commande du centre de lavage 4 pistes pour un prix de 1 269 281 F hors taxes, et M. Poidevin a versé le même jour un acompte de 380 784,30 F au profit de la société Hypromat.

Le 23 août 1991 le permis de construire la station de lavage a été accordé à la société Hypromat sur le terrain situé 78-80 rue de Brest à Paimpol.

Le 19 novembre 1991 a été constituée la société Centre de Lavage Paimpolais ayant pour objet d'exploiter ce nouveau centre de lavage libre-services, société gérée par M. Emile Poidevin.

En cours d'exécution, il s'est avéré que le plan d'implantation initial ne pouvait être réalisé sans travaux lourds pour conforter le terrain en bordure de rivière, et une modification de l'implantation a été décidée par la société Hypromat, et acceptée par la société CLAM (Centre de Lavage Morlaisien), comportant une nouvelle implantation de la station et des pistes de lavage, perpendiculairement à la rue de Brest.

La société Hypromat a ainsi déposé le 19 décembre 1991 une demande de permis de construire modificatif, qui a fait l'objet d'un nouvel arrêté de permis de construire le 21 janvier 1992.

Par acte notarié du 31 janvier 1992 la SCI Du Grand Bleu, représentée par M. Emile Poidevin, a acquis le terrain sis à Morlaix 78-80 rue de Brest.

La station de lavage a été réalisée par la société Hypromat et livrée au cours du mois de février 1992.

La société CLAM a réglé 2 acomptes supplémentaires de 150 000 F et 200 000 F les 17 février 1992 et 4 mars 1992.

Le 16 avril 1992, la société Hypromat a adressé à la société CLAM, la facture datée du 2 avril 1992 d'installation du centre de lavage (1 502 055,95 F), ainsi que 3 factures complémentaires du 14 avril 1992 (stock produits - package d'ouverture et facture câblage pour un montant total de 44 328,76 F) et le décompte de sa créance faisant apparaître un solde exigible de 815 384,71 F outre le package de signalisation (52 340 F) et les droits d'entrée dans le concept de franchise Hypromat (50 000 F hors taxes).

A défaut de règlement du solde sur facture, la société Hypromat a, par acte du 3 septembre 1993 fait assigner la société Centre de Lavage Morlaisien devant le tribunal de grande instance de Strasbourg pour obtenir paiement de la somme de 966 902,10 F, outre 50 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

La société Centre de Lavage Auto Morlaisien a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie au profit du tribunal de commerce de Morlaix, a conclu au débouté de la demande, et a formé une demande reconventionnelle en nullité du contrat pour dol, subsidiairement en résolution du contrat, en restitution de l'acompte versé de 731 000 F, en paiement de la somme de 787 783 F à titre de dommages et intérêts outre 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que 20 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

La défenderesse a fait valoir que les 4 pistes annoncées sont inexploitables selon les modalités usuelles, les 2 dernières pistes n'étant accessibles que sous réserve de manœuvres compliquées et qu'aux véhicules de taille modeste, que les résultats prévisionnels sont irréalisables, qu'elle a été trompée alors qu'elle s'est engagée sur la base d'un centre de lavage opérationnel et d'un chiffre d'affaires prévisionnel, et qu'Hypromat n'a pas respecté son obligation de conseil et n'a pas exécuté son contrat.

Par jugement en date du 18 mai 1995, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a considéré :

- que le tribunal saisi était compétent en vertu d'une clause attributive de juridiction.

- que la modification d'implantation est intervenue au cours du mois de décembre 1991, et a été exécutée au cours de l'année 1992, sans qu'aucune objection ne soit formulée par le Centre de Lavage Auto Morlaisien qui a accepté cette modification en connaissance de cause.

- que M. Poidevin connaissait parfaitement le matériel installé par Hypromat dans la mesure où il exploite un centre de lavage identique à Paimpol.

- qu'il n'est pas démontré que 2 pistes de lavage ne sont que difficilement accessibles pour des petits véhicules, et qu'il n'est pas établi que la défenderesse qui est une commerçante avertie a été contrainte d'accepter la modification d'implantation.

- que la preuve de l'existence de manœuvres dolosives n'est pas rapportée.

- que le Centre de Lavage Auto Morlaisien qui connaît l'exploitation des centres de lavage et ne sollicite pas l'annulation du contrat de franchise mais uniquement du contrat de vente ne peut ignorer que le compte prévisionnel établi est basé sur des données statistiques et qu'Hypromat ne s'engage pas à faire obtenir à l'exploitant les résultats annoncés.

- que le Centre de Lavage Auto Morlaisien est seul responsable de l'exploitation du centre, ne se plaint d'aucune défaillance technique ni d'aucun vice du matériel, et ne peut imputer à la société Hypromat ses mauvais résultats.

- la demanderesse est fondée à poursuivre l'exécution du contrat et à réclamer le paiement de la somme de 966 902,10 F.

Par voie de conséquence, le tribunal a condamné la société Centre de Lavage Auto Morlaisien à payer à la société Hypromat France la somme de 966 902,10 F majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, ainsi qu'une somme de 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC, et débouté la société CLAM de sa demande reconventionnelle.

La société Centre de Lavage Auto Morlaisien a interjeté appel de ce jugement par acte du 22 juin 1995.

Concluant à l'infirmation du jugement déféré et au rejet de la demande de la société Hypromat, la société Centre de Lavage Auto Morlaisien demande à la cour :

- de prononcer l'annulation de la vente de la station service achetée à la société Hypromat,

- de condamner la société Hypromat à lui restituer la somme de 731 000 F déjà versée, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- de condamner la société Hypromat à lui payer la somme de 787 783 F au titre de dommages et intérêts,

- subsidiairement, de dire et juger que la société Hypromat a failli à son devoir de conseil,

- de condamner la société Hypromat à payer à la société CLAM une provision de 600 000 F à valoir sur son préjudice,

- de surseoir à statuer sur la demande principale tant que la cour n'a pas statué sur son préjudice,

- en tout état de cause, réduire la demande de la société Hypromat,

- ordonner jusqu'à due concurrence la compensation entre les créances réciproques des parties,

- de désigner un expert ayant pour mission de dire si la station de lavage proposée à la vente était réalisable, de dire si l'implantation réalisée est conforme au permis, de dire si les modifications apportées permettent une exploitation conforme à ce qui était prévu dans l'étude du marché, de déterminer les travaux à effectuer et leur coût pour que la station de lavage 4 pistes puisse réaliser le chiffre d'affaires prévu, de dire si le chiffre d'affaires médiocre réalisé est dû à la modification d'implantation ou à une autre cause,

- de condamner la société Hypromat aux entiers dépens d'instance et d'appel,

- de condamner la société Hypromat à lui payer la somme de 50 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

La société Centre de Lavage Auto Morlaisien considère :

- que le tribunal a, à tort, présumé qu'elle était compétente pour analyser les plans d'implantation de la station de lavage, alors que ses compétences professionnelles ne portent que sur le secteur automobile, et qu'elle a fait entière confiance à la société Hypromat parce qu'elle exploitait déjà une station Hypromat à Paimpol,

- que le tribunal a, à tort, considéré qu'elle avait accepté la modification proposée en toute connaissance de cause, alors que lors de cette modification, elle avait déjà acquis la station de lavage selon bon de commande du 25 juillet 1991, versé un acompte de 380 784,30 F et obtenu le financement nécessaire de sa banque, de telle sorte que toute objection aurait été sans effet,

- que le tribunal a, à tort, affirmé que l'impact commercial de la modification du projet n'a été alléguée qu'à l'occasion de la procédure, alors que cet impact n'a pu être réellement mis en évidence que lors de l'établissement du bilan de l'année 1992, que son préjudice croit au fil du temps, à tel point que la zone de circulation longeant la rivière risque de s'effondrer,

- que le tribunal l'a, à tort, déboutée de ses demandes en l'absence de preuves, alors que la preuve résulte précisément du comportement d'Hypromat qui a modifié le sens des aires de lavage (la construction de 4 pistes en parallèle étant irréalisable) et n'a pas attiré l'attention de son acquéreur sur les travaux supplémentaires, de la réalisation des pistes dont 2 pistes sont difficilement accessibles, et du relevé des chiffres d'affaires de chacune des pistes,

- que le tribunal a, à tort, estimé qu'elle n'aurait pas été victime de manœuvres, alors que la société Hypromat lui a, au cours du 4e trimestre 91, proposé de réaliser 4 pistes perpendiculaires à la rue en lui présentant des études faisant apparaître ce projet comme possible, mais que les travaux une fois exécutés montrent que la largeur d'accès aux pistes n'est pas celle indiquée au permis de construire.

La société Centre de Lavage Auto Morlaisien fait valoir qu'elle a été abusée par les manœuvres et dissimulations émanant de la société Hypromat et relève à cet effet :

- que les premières manœuvres ont consisté à lui faire croire, avant la signature du bon de commande, que les 4 pistes pouvaient être implantées parallèlement à la rue de Brest, alors que la société Hypromat ne pouvait ignorer qu'elle ne disposait pas de la place nécessaire, compte tenu de la proximité de la rivière,

- qu'ainsi la société Hypromat lui a remis une étude du site avec les plans de faisabilité d'une station service de 4 pistes en parallèle, et une étude économique prévisionnelle en fonction des 4 pistes, en lui dissimulant le fait que pour la réaliser, il eût fallu financer d'importants travaux d'endiguement,

- que la même volonté de dissimuler est apparue avant la signature de l'acte de vente du terrain, puisque le nouveau plan d'implantation comporte des côtes et des métrages laissant supposer un accès identique aux 4 pistes de lavage alors que la 4ème piste est quasiment inaccessible et que l'accès à la première piste est difficile,

- que M. Poidevin n'a pu avoir conscience de l'existence de cette erreur lors de la signature des actes alors que cette erreur porte sur des données relatives à l'architecture, à l'ingénierie et au sol, qui ne relèvent pas de sa compétence professionnelle,

- qu'au demeurant les qualités professionnelles de la victime sont inopérantes en présence de manœuvres qui ont pour but de surprendre son consentement.

Elle affirme avoir été trompée sur les qualités substantielles de l'installation et indique à cet égard :

- que le compte des résultats prévisionnels communiqué avant la signature du bon de commande se rapportait à l'installation d'un centre de lavage de 4 pistes également accessibles,

- qu'ainsi M. Poidevin a cru que les 4 pistes étaient réalisables en l'état, sans travaux supplémentaires,

- qu'en réalité, la quatrième et la première piste sont difficilement accessibles, de sorte que leur rentabilité est bien moins élevée,

- que les agissements de la société Hypromat ont rendu ses prévisions comptables tout à fait inexactes, prévisions qui constituaient un élément substantiel du contrat de vente et justifiaient son annulation en application des dispositions de l'article 1110 du Code civil.

Elle considère que la société Hypromat a, en toute hypothèse, manqué à son obligation de conseil et relève à cet égard,

- que la société Hypromat, tenue d'une obligation de conseil, devait l'informer de ce que l'exploitation d'une station de 4 pistes allait être plus onéreuse, compte tenu des travaux à réaliser, ou plus risquée en l'absence de travaux supplémentaires, dès lors que la quatrième piste ne serait quasiment pas praticable,

- que la société Hypromat aurait dû lui conseiller de n'acquérir qu'une station de 3, voire même de 2 pistes,

- que la société Hypromat ne vend pas seulement du matériel mais une étude et une conception de station de lavage,

- que l'ampleur de ce manquement se mesure au chiffre d'affaire qui n'a été que de 161 355 F la première année (au lieu de 768 000 F annoncés) et de 362 654 F la deuxième année (au lieu de 864 000 F),

- que défaillante dans son obligation, la société Hypromat est tenue de l'indemniser sur le fondement des dispositions des articles 1135 et 1147 du Code civil.

Elle souligne par ailleurs que dès la signature du bon de commande le 25 juillet 1991, elle se trouvait tenue par des engagements financiers, et contrainte de mettre la station de lavage en fonctionnement le plus rapidement possible, afin de dégager un chiffre d'affaires lui permettant de faire face aux remboursements.

Elle se prévaut du rapport d'expertise de M. Legrignou et de l'expert foncier M. Gouezigoux qui établissent :

- que sur la partie arrière Sud-Est, il manque 2 mètres de largeur sur l'aire d'attente par rapport aux plans dressés par la société Hypromat,

- que sur la partie arrière du terrain, bordant la rivière, des effondrements sont à craindre dans un délai assez rapproché, d'autant plus que les potelets indiqués sur les plans ont déjà basculé dans le remblai,

- qu'en choisissant d'installer une station de lavage de 4 pistes sur ce terrain, la société Hypromat a ainsi commis une faute.

Elle invoque également le rapport de l'institut de sondage Ropars duquel il ressort :

- que la visibilité du centre de lavage est très mauvaise, et l'on ne découvre l'éléphant bleu que lorsque l'on est arrivé à sa hauteur (présence d'un virage, ainsi que d'arbres et d'immeubles constituant des obstacles à cette visibilité),

- que l'accès au centre de lavage est difficile surtout aux heures de grande affluence, ce qui peut décourager des clients,

- que l'accès à la piste n° 1 est délicat, beaucoup d'usagers sont obligés d'effectuer une ou deux manœuvres pour y accéder,

- qu'en ce qui concerne la dernière piste, la difficulté réside dans la place très réduite attribuée à l'attente,

- que l'attente d'un seul véhicule à la dernière piste empêche l'accès aux aspirateurs,

- que ces obstacles sont plus importants si l'utilisateur possède une voiture de gamme moyenne et au-dessus,

- que pour sortir de l'emplacement pour aspirateurs, l'usager doit effectuer 3 manœuvres,

- que la rive du côté du centre n'est pas stabilisée, certains arbres sont en voie de déchaussement,

Elle considère que pour le moins une expertise judiciaire pourrait être ordonnée, et se déclare prête à se soumettre à une médiation.

Concluant au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement déféré, la société Hypromat France sollicite paiement d'une somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, ainsi qu'un montant de 20 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

La société Hypromat France considère que la demande d'annulation du contrat formée par la société CLAM est vouée à l'échec et relève à cet égard,

- que le fait d'avoir versé un acompte sur le prix d'acquisition du matériel n'empêchait nullement M. Poidevin de s'opposer à la modification d'implantation s'il ne l'estimait pas conforme à ses intérêts,

- qu'il n'est nullement démontré que cette modification ait eu une quelconque incidence sur l'exploitation de la station de lavage,

- que M. Poidevin, homme d'affaires avisé connaissait parfaitement le matériel qu'elle commercialise ainsi que la procédure d'installation d'un centre de lavage,

- que cette modification d'implantation a eu lieu en plein accord avec M. Poidevin, présent lorsque les métrés ont été effectués,

- qu'il est faux de prétendre que cette implantation ne permettait que la circulation de petits véhicules tels que Renault Twingo et Citroën AX et que si tel avait été le cas, M. Poidevin aurait immédiatement protesté,

- que la position parallèle à la voie de circulation n'est pas un élément déterminant de l'activité commerciale,

- que la modification d'implantation, parfaitement acceptée par M. Poidevin qui a réceptionné sans réserve la station de lavage ne peut constituer un vice caché qui se serait révélé après la vente.

La société Hypromat France réfute toute tromperie liée au chiffre d'affaire prévisionnel et indique à cet égard,

- que le compte de résultats prévisionnels est basé sur des données objectives attachées au site et à l'environnement,

- qu'en fournissant un tel document elle n'assume qu'une obligation de moyen, et non une obligation de résultat,

- que les chiffres annoncés sont également variables en fonction de la manière dont le propriétaire du centre l'exploite,

- que contrairement aux recommandations faites, M. Poidevin a fait fonctionner ce centre sans la présence (au moins à ses débuts) d'un gestionnaire chargé de l'animer,

- que la société CLAM ne démontre nullement que la faiblesse des résultats obtenus serait la conséquence de la modification d'implantation de la station de lavage,

- que les difficultés d'accès à l'une ou l'autre piste ne sont pas démontrées et constitueraient le cas échéant un vice apparent.

Elle fait observer que la société Centre de Lavage Auto Morlaisien sollicite à la fois le remboursement des acomptes versés et le remboursement du prix du terrain sans offrir pour autant la restitution du terrain ou la restitution du matériel incorporé au terrain.

Elle ajoute que l'appelante commet en outre une confusion entre la nullité ou la résolution du contrat de vente du matériel et du contrat de franchise, en soulignant qu'un éventuel écart entre le chiffre d'affaires prévisionnel et le chiffre d'affaires réalisé ne saurait en aucun cas justifier la résolution du contrat de fourniture.

Elle fait valoir qu'hormis le rapport d'expertise de M. Colin produit en première instance, la société Centre de Lavage Auto Morlaisien ne lui a communiqué ses trois autres rapports d'expertise qu'en cours d'année 1997 ; que ses expertises non contradictoires doivent être écartées des débats.

Elle fait néanmoins observer s'agissant du rapport de l'institut de sondage Ropars:

- que ce rapport ressort davantage "d'impressions personnelles" du rédacteur qui n'est sans doute pas expert,

- que l'on ne sait si les photographies produites sont prises du volant d'une voiture sur la route ou du trottoir, et que la précision de la prise de vue est particulièrement importante puisque sur les photos de la page 5, l'enseigne "Eléphant bleu" est particulièrement visible,

- que les considérations sur la vitesse élevée des automobilistes sont dénuées de fondement, alors qu'en agglomération, la vitesse est limitée à 50 km/heure,

- que cette enquête manque de pertinence dès lors que le chiffre d'affaires n'est pas réalisé avec les clients de passage mais au contraire par les clients de proximité,

- que les commentaires relatifs aux manœuvres que doivent effectuer les automobilistes mélangent les éventuelles difficultés d'accès, avec les capacités personnelles des conducteurs et le rayon de braquage du véhicule.

Par requête du 19 juin 1997, la société Centre de Lavage Auto Morlaisien a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande d'expertise judiciaire.

Cette requête a été rejetée par ordonnance du 4 novembre 1997.

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour plus ample exposé de leurs moyens,

Sur la demande d'expertise

Attendu que la demande d'expertise judiciaire formée par requête du 19 juin 1997 devant le conseiller de la mise en état est également portée devant la cour.

Attendu cependant que le Centre de Lavage Auto Morlaisien réceptionné sans réserves et mis en service en cours d'année 1992, a sollicité une mesure d'expertise pour la première fois à hauteur d'appel, suivant conclusions datées du 4 octobre 1996 ;

Que cette demande formulée près de 5 ans après la modification d'implantation et 3 ans après l'assignation en paiement du prix de l'installation, apparaît comme tardive ;

Que compte tenu de l'ancienneté de la créance dont se prévaut la société Hypromat, la solution du litige ne saurait être aujourd'hui retardée par l'exécution d'une mesure d'expertise.

Attendu qu'au surplus les griefs que formule la société Centre de Lavage Auto Morlaisien (complexité des manœuvres nécessaires pour emprunter les deux premières pistes, étroitesse de l'aire d'attente...) relèvent davantage de constatations matérielles que de réelles investigations techniques ;

Que les trois rapports d'expertise (émanant de M. Colin, de M. Legrignou et de M. Gouezigoux) ainsi que le rapport de l'institut de sondage Ropars, versées aux débats par l'appelante, font état de constatations matérielles et sont étayées de photographies qui ont été soumises à la discussion des parties ;

Que bien que ces expertises n'aient pas été diligentées de manière contradictoire, en présence de représentants de chacune des parties, les rapports d'expertise appartiennent au débat contradictoire des parties ;

Qu'il n'y a pas lieu d'écarter les pièces des débats, ainsi que le suggère la société Hypromat ;

Qu'au demeurant l'intimée, qui a été à même de discuter la teneur et l'interprétation de ces rapports d'expertise privée, a elle-même versé aux débats des extraits d'enquête intitulés "attentes et besoins des automobilistes en matière de lavage automobile" et "étude de motivation à l'égard du lavage automobile", pour étayer ses propres contestations relatives à la portée de l'enquête réalisée par l'institut de sondage Ropars ;

Que par voie de conséquence, la cour dispose des éléments suffisants pour apprécier tant de la demande de la société Hypromat que des demandes reconventionnelles de la société Centre de Lavage Auto Morlaisien.

Sur la demande d'annulation du contrat pour dol

Attendu que le 25 juillet 1991 M. Poidevin a signé le bon de commande du centre de lavage de 4 pistes sis à Morlaix ;

Que ce bon de commande portait tant sur la fourniture des équipements de lavage que leur installation, et en particulier "les plans et permis de construire, cahier de charges, plans d'exécutions et réunions de chantier" (les devis du centre de lavage) ;

Que les plans d'exécution sur lesquels se fondait cette commande prévoyaient une implantation de pistes parallèles à la route ;

Qu'il est constant que ce mode d'implantation n'a pas été réalisé ;

Qu'au cours du mois de décembre 1991 de nouveaux plans d'exécution ont été soumis par la société Hypromat à M. Poidevin qui les acceptés ;

Que le centre de lavage a été installé et réceptionné conformément aux nouveaux plans d'exécution annexés à la "demande de permis de construire modificatif" du 19 décembre 1991 ;

Qu'il doit en être conclu que le contrat exécuté entre les parties a été conclu selon contrat du 25 juillet 1991 et son avenant du mois de décembre 1991.

Attendu que la société Centre de Lavage Auto Morlaisien soutient que la convention des parties doit être annulée à raison du dol commis par la société Hypromat.

Attendu que selon les dispositions de l'article 1116 du Code civil "le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé".

Attendu qu'il appartient ainsi à la société CLAM de démontrer que, pour la convaincre de contracter, puis d'accepter l'avenant au contrat, la société Hypromat aurait produit des plans d'exécution qu'elle savait erronés ou irréalisables.

Attendu que le plan établi par l'architecte de la société Hypromat le 16 mai 1991 considère un terrain d'une surface totale de 1 253 m2, constitué par 846 m2 de surface consolidée, 240 m2 d'espace vert et 167 m2 de surface de lavage ;

Que qualifiant "d'espace vert" le talus à forte déclivité bordant la rivière "le Queffleuth", ce plan d'exécution retient l'intégralité de la parcelle "horizontale" comme étant utilisable pour la construction ;

Qu'ainsi le bâtiment se trouve implanté jusqu'à la limite de "l'espace vert" (en fait le talus), l'angle nord-est de la construction se trouvant à quelques centimètres du bord du talus ;

Qu'il ressort du rapport d'expertise de M. Colin que cette hypothèse technique de construction était en l'état du projet, parfaitement impossible à réaliser sans l'édification d'un ouvrage d'endiguement important et de grande hauteur sur toute la longueur de la propriété afin de canaliser la rivière et pour réaliser des remblais importants derrière l'endiguement" ;

Que ces constatations sont implicitement admises par la société Hypromat qui de fait a abandonné ce projet initial à raison du coût déraisonnable des travaux à entreprendre.

Attendu qu'il est établi de ce fait que les plans d'exécution du 16 mai 1991 étaient erronés (dès lors que le talus apparaissait en "espaces verts") et que de ce fait l'implantation originaire était irréalisable.

Attendu qu'il n'est pas pour autant démontré que la société Hypromat aurait eu connaissance du caractère irréalisable du plan d'exécution du 16 mai 1991 ;

Que le seul fait que la société Hypromat soit un professionnel de l'implantation de centres de lavages, et soit entourée d'une équipe technique (notamment d'architectes) compétente pour établir des plans d'exécution ne démontre pas, à défaut de toute circonstance particulière en ce sens, que celle-ci aurait connu, au moment de la signature du bon de commande, le caractère irréalisable de l'implantation initiale du bâtiment.

Attendu qu'un nouveau plan d'implantation de la station de lavage a été soumis le 19 décembre 1991 à M. Poidevin qui l'a approuvé.

Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise de M. Gouezigoux, expert foncier, que si l'implantation du centre est pour l'essentiel conforme au plan du 19 décembre 1991 en revanche "côté Sud-Est, la largeur de l'aire d'attente bitumée délimitée par bordure de trottoir, est moins large de 2 mètres linéaires. Au lieu de 13 mètres linéaires de largeur, elle ne mesure que 11 mètres linéaires, ce qui modifie notablement l'aire de manœuvre et d'accès au lavage, à l'endroit où il faut virer plus ou moins large" ;

Que cette modification, lors de la réalisation des travaux, de la surface de l'aire d'attente, apparaît clairement sur le plan figuratif annexé au rapport de l'expert ;

Que cette modification a pour effet de compliquer l'accès à la piste de lavage n° 1, puisque les automobilistes, contraints d'opérer un demi-tour complet, disposent d'une surface moindre pour manœuvrer ;

Que cet état de fait, qui ressort tant des plans que des constatations matérielles de l'expert, a été soumis au débat contradictoire des parties ;

Que la société Hypromat, qui a établi les plans et implanté le bâtiment, n'a nullement contesté cette modification apportée dans la réalisation effective de la station de lavage ;

Que selon l'expert M. Legrignou "ce manque de 2 mètres sur la partie arrière droite s'explique par le fait que la bordure de trottoir délimitant l'aire d'attente tombait à ce moment-là dans le vide et automatiquement basculait dans le talutage. La société Hypromat a donc réduit l'aire de stationnement à cet endroit en avançant la bordure pour éviter ce danger mais ne respecte donc pas les plans" ;

Que le bien fondé de cette explication se trouve confirmé par les photographies annexées à ce rapport, montrant la bordure de l'aire d'attente, et la pente du talus bordant la rivière ;

Qu'à l'évidence, ces raisons de "sécurité", ayant présidé à ce que soit réduite d'autant l'aire d'attente se sont imposées lors de la réalisation de ce centre.

Attendu que la nécessité pour la société Hypromat de modifier l'implantation initiale de la station de lavage, à raison des contraintes propres au terrain, et à la présence de ce talus bordant la rivière, l'obligeait à une attention particulière dans l'établissement des plans modifiés ;

Que pour autant la non-conformité de la réalisation de la station de lavage aux nouveaux plans d'exécution ne démontre pas que la société Hypromat savait, lorsqu'elle a soumis le plan du 19 décembre 1991 à la société CLAM, que ce plan ne pourrait d'avantage être réalisé en l'état ;

Que la preuve de cette connaissance ne peut être tirée ni de l'existence de la première erreur d'implantation, ni du caractère de professionnelle de la société Hypromat, spécialiste de l'installation de ventes de lavage automobile.

Attendu qu'au surplus, l'attitude de la société CLAM qui a réceptionné sans réserve la station de lavage et n'a jamais émis la moindre protestation avant ses conclusions en défense du 20 octobre 1994, doit s'interpréter comme une confirmation de l'acte, valant renonciation à se prévaloir de la nullité.

Attendu que dès la réception de la station de lavage, ou tout au moins quelques mois après que celle-ci ait été mise en service, la société CLAM s'est nécessairement convaincue des difficultés de manœuvres nécessaires à l'accès de la piste n° 1 liées à l'exiguïté du terrain ;

Que l'absence de toute protestation immédiate et la poursuite de l'exploitation du centre de lavage, en dépit des difficultés d'accès dues à l'implantation de la station (analysées comme cause de nullité du contrat), constituent une renonciation implicite à toute action en nullité pour ce motif.

Sur la demande d'annulation du terrain pour erreur

Attendu que la société Centre de Lavage Auto Morlaisien considère avoir été victime d'une erreur sur les qualités substantielles du centre de lavage, en l'espèce sur sa rentabilité économique.

Attendu que selon les dispositions de l'article 1110 du Code civil "l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet".

Attendu que le contrat portant sur la vente d'une station de lavage, ses qualités substantielles représentent son aptitude à répondre à sa destination ;

Qu'il est constant à cet égard que les installations du centre de lavage fonctionnent correctement et que chaque piste de lavage peut être utilisée ;

Que la rentabilité du centre de lavage ne constitue pas une qualité substantielle au sens de l'article 1110 du Code civil.

Attendu qu'au demeurant, la société CLAM a pu se convaincre, après quelques mois d'exploitation, de ce que le chiffre d'affaires obtenu n'atteindrait pas celui annoncé dans le compte d'exploitation prévisionnel fourni par la société Hypromat ;

Que ces premières constatations ne pouvaient qu'être confirmées lors de la clôture du premier exercice comptable, en début d'année 1993 ;

Que cependant la société CLAM n'a émis à cet égard aucune contestation, et n'a fait valoir cette cause de nullité que dans ses conclusions en défense du 20 octobre 1994 ;

Que l'attitude de la société CLAM s'analyse ainsi en une confirmation du contrat, valant renonciation à se prévaloir de cette cause de nullité.

Sur le manquement au devoir de conseil

Attendu que la société Centre de Lavage Auto Morlaisien est dirigée par M. Poidevin qui exploite par ailleurs un autre centre de lavage automatique situé à Paimpol, ainsi qu'une concession automobile ;

Qu'en dépit de cette précédente expérience, M. Poidevin ne peut être qualifié de professionnel dans le domaine de l'implantation des centres de lavage et ne bénéficie d'aucune compétence particulière en matière d'architecture ;

Qu'ainsi la société Hypromat, professionnelle en matière d'implantation de centres de lavage automatique, est-elle tenue à l'égard de son client d'un devoir de conseil, l'obligeant à informer son cocontractant des éventuelles difficultés ou obstacles connus d'elle, susceptibles d'avoir une incidence sur l'exécution de la prestation convenue.

Attendu qu'ayant choisi le terrain sur lequel allait être implanté le centre de lavage, la société Hypromat a, dans un premier temps, méconnu les contraintes propres au site, en proposant une implantation des pistes orientées de manière parallèle à la route, alors que l'angle nord-est du bâtiment devait se situer à quelques centimètres de la limite de propriété, au bord du talus longeant la rivière (le rapport d'expertise de M. Colin) ;

Qu'une telle construction ne pouvait se réaliser que moyennant d'importants travaux d'endiguement.

Attendu que les parties ayant renoncé à ce mode d'implantation, à raison des contraintes liées au terrain, la société Hypromat se devait d'apporter un soin particulier à l'établissement du nouveau plan d'implantation de manière à ce que les travaux soient réalisables conformément à ce nouveau plan, et à ce qu'il fasse apparaître clairement les nouvelles modalités d'exploitation de la station de lavage, tant du point de vue de sa visibilité que des commodités d'accès aux pistes.

Attendu cependant qu'il résulte des rapports d'expertise de M. Legrignou et de M. Gouezigoux que le nouveau plan daté du 19 décembre 1991 n'est pas conforme à l'implantation réalisée, puisque "sur le côté Sud-Est, la largeur de l'aire d'attente bitumée est diminuée de 2 mètres et ne mesure que 11 mètres linéaires au lieu de 13 mètres linéaires" ;

Que la limite actuelle du centre de lavage différente de celle prévue au plan du 19 décembre 1991, apparaît très clairement dans le plan figuratif annexé au rapport d'expertise de M. Gouezigoux, expert foncier ;

Que cette modification n'est pas discutée par la société Hypromat, qui n'a fourni aucune explication ;

Qu'ainsi en présentant le nouveau plan d'implantation du 19 décembre 1991, également irréalisable, puisqu'il n'a, de fait, pas été réalisé en l'état, la société Hypromat a manqué à son obligation de conseil ;

Que la conséquence de cette réduction de l'aire d'attente réside dans les difficultés de manœuvre des automobilistes empruntant la première piste, puisque la manœuvre qu'ils ont à effectuer pour entrer dans le box de lavage (un demi-tour complet) est compliquée par l'exiguïté de la surface d'attente et l'éventuelle présence d'autres automobilistes en attente.

Attendu que la société Hypromat a également manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas l'attention de la société CLAM sur les difficultés d'accès à la piste n° 4, particulièrement exiguë compte tenu de la faible largeur de l'aire d'attente (6,40 m pour la 4e piste) ;

Que ces difficultés d'accès aux pistes n° 1 et 4, inhérentes à l'implantation des pistes perpendiculairement à la route, s'est traduite par une moindre fréquentation de ces pistes, le chiffre d'affaires des caisses n° 1 et n° 4 (au total 535 576 F du 1er mars 1992 au 10 octobre 1995) étant largement inférieur à celui des caisses n° 2 et n° 3 pour la même période (892 045 F)

Que la même exiguïté se constate à la sortie des box de lavage, compte tenu de la proximité de la bordure du trottoir, obligeant des voitures de type monospace à effectuer plusieurs manœuvres pour rejoindre la sortie du centre de lavage (cf. photographies page 15 et 16 de l'Institut de sondage Ropars).

Attendu que la société Hypromat tenue d'un devoir de conseil et de loyauté à l'égard de sa cocontractante, ne justifie pas avoir attiré son attention sur les difficultés nées du mode d'implantation du centre de lavage ;

Que les véhicules qu'elle représente sur son plan (3,50 m et 3,70 m de long) de faibles dimensions, ne rendent nullement compte de ces difficultés d'accès et de sortie des pistes de lavage.

Attendu qu'en revanche, la société CLAM ne justifie d'aucun manquement au devoir de conseil de la société Hypromat, en ce qui concerne la visibilité du centre de lavage qui, au vu des photographies produites, apparaît comme correcte, en sortant de Morlaix (photographies page 5) et bonne en entrant dans l'agglomération (photographies page 6 et 7) ;

Que le grief tiré de l'absence de visibilité du centre de lavage est d'autant moins fondé que la société Hypromat verse aux débats différentes études (extraits de l'enquête DAFSA et étude de motivation) démontrant que l'essentiel de la clientèle (91 % sur 506 automobilistes interrogés) est constituée de clients de proximité et non de clients de passage.

Sur les conséquences du manquement au devoir de conseil

Attendu que n'ayant pas informé son cocontractant des obstacles et inconvénients nés de l'implantation du centre de lavage perpendiculairement à la route, la société Hypromat engage sa responsabilité à l'égard de la société CLAM pour le préjudice qu'elle subit ;

Qu'informée en temps utile, la société CLAM aurait pu ainsi opter pour une station de lavage à 3 pistes, solution moins onéreuse et offrant plus de commodité d'accès aux usagers ;

Que le préjudice subi par la société Centre de Lavage Auto Morlaisien se traduit par une diminution de son chiffre d'affaires par rapport à celui qui aurait dû se réaliser si la station de lavage avait pu être implantée selon les modalités initialement prévues ;

Que ce préjudice ne saurait correspondre à la différence entre le chiffre d'affaires annoncé dans le compte de résultat prévisionnel daté du 2 juillet 1991, et le chiffre d'affaires effectivement réalisé par la société Centre de Lavage Auto Morlaisien ;

Qu'en effet, le compte de résultat prévisionnel ne revêt qu'une valeur indicative et sa fourniture n'oblige nullement la société Hypromat à garantir le résultat annoncé ;

Que l'examen comparatif du compte de résultat prévisionnel fourni par la société Hypromat et du tableau du chiffre d'affaires réalisé pour la période du 1er mars 1992 au 10 octobre 1995, fait apparaître que :

- pour la piste n° 1, le chiffre d'affaires réalisé a été de 277 465 F (au lieu de 848 600 F) soit 32 % du chiffre "annoncé",

- pour la piste n° 2, le chiffre d'affaires réalisé a été de 498 990 F (au lieu de 848 600 F) soit 58 % du chiffre "annoncé",

- pour la piste n° 3, le chiffre d'affaires réalisé a été de 393 055 F (au lieu de 848 600 F) soit 46 % du chiffre "annoncé",

- pour la piste n° 4, le chiffre d'affaires réalisé a été de 258 111 F (au lieu de 848 600 F) soit 30 % du chiffre "annoncé".

Que les modalités d'exploitation de la station de lavage, la qualité de l'accueil et la présence d'un employé sur le site, qui sont susceptibles d'expliquer que le chiffre d'affaires prévisionnel n'ait pu être atteint, sont sans incidence sur la disparité de caisse constatée sur chacune des pistes ;

Que la fréquentation très réduite des pistes n° 1 et n° 4, par rapport aux pistes n° 2 et n° 3 ne peut s'expliquer que par les difficultés de manœuvre et l'exiguïté de l'accès aux box de lavage n° 1 et 4, générées précisément par le mode d'implantation du centre de lavage ;

Que dans ces conditions, l'étendue du préjudice subi par la société CLAM doit être évaluée par référence au chiffre d'affaires qu'obtiennent les pistes de lavage n° 2 et 3 ;

Que pour la période du 1er mars 1992 au 10 octobre 1995 le chiffre d'affaires des pistes n° 2 et 3 s'est élevé à 892 045 F, alors que celui des pistes n° 1 et 4 n'a été que de 535 576 F, soit une différence de 356 469 F ;

Que le préjudice subi par la société CLAM du fait du manquement par la société Hypromat à son obligation de conseil peut ainsi être chiffré à la somme de 400 000 F qui, tout à la fois, l'indemnise pour la perte de chiffre d'affaires et doit lui permettre d'entreprendre des travaux visant à remédier aux difficultés d'accès pour chacune des pistes ;

Que par voie de conséquence, la société Hypromat doit être condamnée à payer à la société CLAM la somme de 400 000 F à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi ;

Que le jugement déféré doit être infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes de la société Centre de Lavage Auto Morlaisien

Attendu que la demande tendant à l'annulation du contrat pour dol ou erreur sur la substance, ayant été rejetée, la réclamation de la société CLAM en restitution des acomptes versés à hauteur de 731 000 F ne peut qu'être également rejetée ;

Que la demande complémentaire de l'appelante, en paiement d'une somme de 787 783 F, manque à gagner sur 2 exercices consécutifs, doit également être rejetée, le préjudice commercial de la société CLAM ayant été indemnisé à hauteur de la somme de 400 000 F.

Sur la demande de la société Hypromat

Attendu que le contrat de vente du centre de lavage automatique est régulier et doit être exécuté ;

Que la société Centre de Lavage Auto Morlaisien ayant réglé trois acomptes totalisant 731 000 F les 17 février 1992, 4 mars 1992 et 15 avril 1992, reste devoir à la société Hypromat un solde de 966 902,10 F ;

Que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point.

Attendu qu'en revanche la demande de dommages et intérêts doit être rejetée, l'intimée ne caractérisant pas l'attitude abusive de l'appelante.

Sur la demande de compensation

Attendu qu' il y a lieu d'ordonner la compensation jusqu'à due concurrence entre la créance de la société Hypromat en paiement de la somme de 966 902,10 F majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 1993, et la créance de dommages et intérêts de la société CLAM à hauteur de 400 000 F majorée des intérêts au taux légal à compter de ce jour.

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du NCPC

Attendu qu'il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Sur les frais et dépens

Attendu qu'après compensation, chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, il y a lieu de faire masse des frais et dépens d'instance et d'appel qui seront partagés à raison des deux tiers à la charge de la société CLAM et d'un tiers à la charge de la société Hypromat.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré, Déclare l'appel recevable, Au fond le dit partiellement fondé, Confirme le jugement déféré en ce qu' il a condamné la société Centre de Lavage Auto Morlaisien à payer à la société Hypromat la somme de 966 902,10 F (neuf cent soixante six mille neuf cent deux francs, dix centimes) majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 1993, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Centre de Lavage Auto Morlaisien de sa demande tendant à l'annulation du contrat, et de sa demande en paiement des sommes de 731 000 F (sept cent trente et un mille francs) et 787 383 F (sept cent quatre vingt sept mille trois cent quatre-vingt trois francs), Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne la société Hypromat à payer à la société Centre de Lavage Auto Morlaisien la somme de 400 000 F (quatre cent mille francs) à titre de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter de ce jour, Ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties jusqu'à due concurrence, Déboute la société Hypromat de sa demande de dommages et intérêts, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC, Fait masse des frais et dépens d'instance et d'appel qui seront partagés à raison des deux tiers à la charge de la société Centre de Lavage Auto Morlaisien et d'un tiers à la charge de la société Hypromat.