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Décisions

Cass. com., 4 décembre 2001, n° 99-20.776

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

IDS (SARL)

Défendeur :

Lipe Rollway NV (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

Me Choucroy, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.

T. com. Melun, du 27 avr. 1998

27 avril 1998

LA COUR : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 1999) que la société Industrie distribution service (la société IDS), qui était concessionnaire de la société de droit belge Lipe rollway NV (la société Lipe Rollway) pour la distribution de roulements à billes en France, a assigné cette dernière en lui reprochant d'avoir violé la clause d'exclusivité qu'elle lui aurait consentie suivant deux lettres du 3 mai 1988 et du 5 mars 1992 ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, les moyens étant réunis : - Attendu que la société IDS fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande alors, selon les moyens, 1°) qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que le courrier du 5 mars 1992 avait confirmé d'une manière générale la garantie pour M. Paczkowski puis la société IDS de l'exclusivité pour les ventes des roulements Rollway en France, à partager avec un autre concessionnaire, et précisé que dans le cas où cet autre concessionnaire "cesserait ses activités de vente en France, nous vous garantissons que vous resteriez notre distributeur pour la France", si bien qu'en énonçant que le concessionnaire n'aurait plus bénéficié d'une quelconque exclusivité dans le cas où l'autre concessionnaire cesserait son activité, alors qu'au contraire le courrier du 5 mars 1992 confirmait dans cette hypothèse M. Paczkowski comme distributeur sans spécifier une quelconque perte d'exclusivité, la cour d'appel a méconnu la volonté claire et précise des parties à la convention et violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que, dans le cadre d'un contrat de concession exclusive de vente, l'exclusivité est substantielle de l'équilibre du contrat et du consentement des parties ; qu'ainsi, en jugeant que l'exclusivité aurait pu, pour le concessionnaire, dépendre d'une manière purement potestative pour le concédant du maintien du concessionnaire bénéficiaire de l'exclusivité partagée, et en jugeant que le concédant aurait pu, en l'absence de toute mention de la convention de concession exclusive, priver à son profit le concessionnaire de son droit à exclusivité partagée, la cour d'appel a méconnu la convention des parties et privé sa décision de tout fondement légal, au regard de l'article 1134 du Code civil ; 3°) que les courriers des 3 mai 1988 et 5 mars 1992 reconfirmaient expressément les accords antérieurs et en particulier l'accord sur la protection de la clientèle mentionné dans la convention originaire des parties en date du 29 octobre 1987 en ces termes : "En cas de commande ou de demande d'un de vos clients (figurant dans la liste que vous nous avez donnée), les conditions seront toujours faites par vous-mêmes, de notre part seulement délai de livraison sera communiqué", si bien qu'en énonçant, au soutien de sa décision, que la protection de clientèle n'aurait plus été visée aux courriers des 3 mai 1988 et 5 mars 1992, la cour d'appel a dénaturé le contenu clair et précis des courriers en cause, violant l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'étant dans la nécessité de rapprocher les lettres en cause pour en dégager le sens et la portée, la cour d'appel ne peut se voir reprocher de les avoir interprétées, ni d'avoir, dans l'exercice de ce pouvoir souverain, retenu une interprétation traduisant éventuellement une faute de la part de l'une des parties; que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs diverses branches ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société IDS fait le même reproche à l'arrêt alors, selon le moyen, que, dans le cadre d'un contrat de concession exclusive de vente, le concédant est tenu d'informer loyalement le concessionnaire des conditions essentielles du contrat et, particulièrement, des conditions de l'exclusivité; qu'ainsi, à supposer que le courrier du 5 mars 1992 confirmant la concession ait été ambigu en ce qui concerne le sort de l'exclusivité partagée en cas de disparition du second concessionnaire, cette ambiguïté caractérisait une faute du concédant au regard de son devoir d'information et de loyauté, si bien qu'en éludant une responsabilité du concédant qui s'évinçait pourtant de ses propres constatations, et qu'en faisant profiter le concédant du doute pouvant exister sur la consistance de l'exclusivité garantie au concessionnaire, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal, au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas des conclusions déposées par la société IDS en cause d'appel que celle-ci ait invoqué un manquement de la société Lipe Rollway à son devoir d'information ou de loyauté; que nouveau et mélangé de fait, le moyen est irrecevable devant la Cour de cassation ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche : - Attendu que la société IDS fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que, dès lors que la protection de la clientèle, qui était indépendante de l'exclusivité par ailleurs garantie, avait été confirmée entre les parties, il appartenait au concédant de réfuter la liste des clients invoqués par le concessionnaire et mentionnée dans la télécopie du 13 octobre 1992 dont la cour d'appel a dénaturé la date adressée par la société Lipe Rollway à M. Paczkowski en exécution du courrier du 5 mars 1992 à une époque où le concédant, en raison de l'exclusivité concédée, ne pouvait avoir aucun client direct en France, si bien que la cour d'appel, en ne réfutant par aucun motif la qualité de clients des entreprises mentionnées dans la liste du 13 octobre 1992 et en ne se prononçant donc pas au fond sur la consistance de la clientèle propre à la société IDS, a privé sa décision de tout fondement légal, au regard des articles 1134 et 1315 du Code civil, ensemble de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son appréciation souveraine de la valeur des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a estimé que la liste produite par la société IDS ne constituait pas la liste de ses clients, telle que prévue aux lettres de la société Lipe Rollway ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.