CA Orléans, ch. civ. sect. 1, 12 juin 1997, n° 95001867
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Derouet
Défendeur :
LF Conseil (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lardennois
Conseillers :
Mme Martin-Pigalle, M. Puechmaille
Avoués :
SCP Laval-Lueger, SCP Garnier
Avocats :
SCP Lavisse-Bouanrirène, SCP Sacaze-Grassif-Beaujean-Pipet.
FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES
Statuant sur les appels principal et incident respectivement régulièrement formés par Mlle Derouet et la société LF Conseil contre un jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'Orléans le 26 avril 1995 qui a ordonné :
* la remise à Mlle Derouet par la société LF Conseil des relevés de vente,
* la restitution par Mlle Derouet à la société LF Conseil du fichier clients,
- dit que la rupture du contrat d'agent commercial était "majoritairement imputable" à Mlle Derouet,
- ordonné à la société LF Conseil d'arrêter définitivement le compte de commission de Mlle Derouet et de lui en verser le solde,
- condamné la société LF Conseil à verser à Mlle Derouet 36.000 F d'indemnités compensatrices,
- débouté les parties de leurs autres demandes.
Le 2 avril 1993 Catherine Derouet a conclu avec la société LF Conseil un contrat d'agent commercial soumis aux dispositions de la Loi du 25 juin 1991, aux termes duquel elle disposait d'un secteur de prospection exclusif limité au sud du Loir-et-Cher.
Soutenant qu'en exécution du contrat sus-visé la société LF Conseil lui serait ensuite de la rupture de leurs relations redevable de différentes sommes, détaillées dans l'acte introductif d'instance, Mlle Derouet l'a faite assigner devant le Tribunal de Commerce d'Orléans, qui a finalement rendu la décision entreprise.
Mlle Derouet conclut à son infirmation.
Elle soutient que ce serait en procédant "à une analyse erronée" des faits de la cause, que le Tribunal de Commerce lui aurait imputé l'entière responsabilité de la rupture des relations contractuelles la liant à la société LF Conseil.
Elle prétend au contraire que :
- la société LF Conseil aurait seule décidé sans aucune raison de brusquement mettre fin à leurs relations, alors qu'elle-même n'aurait jamais expressément manifesté sa volonté de cesser toute relation avec la société intimée,
- qu'elle aurait au contraire accepté de poursuivre le contrat d'agent commercial la liant à cette société restreint au département du Loir-et-Cher, sauf à rechercher une activité complémentaire comme le lui aurait permis l'article 3 de la Loi du 25 juin 1991.
Elle sollicite à titre de dommages intérêts réparant le préjudice subi du fait de cette rupture brutale : 250.000 F.
Elle développe en second lieu que la société LF Conseil aurait délibérément à plusieurs reprises violé la clause d'exclusivité dont elle aurait du bénéficier.
Elle réclame donc l'indemnisation de cette perte de revenus qu'elle chiffre à 100.000 F.
Elle réclame encore 16.855,37 F (sauf à parfaire) correspondant au paiement d'au moins deux factures du mois de mai 1994 outre encore les retenues de 10 % au titre de la garantie future, impayées à ce jour sur les commissions.
En dernier lieu Mlle Derouet réclame 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société LF Conseil conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf notamment en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de dommages intérêts.
Elle soutient tout d'abord, que contrevenant au contrat conclu le 02 avril 1993 aux termes duquel le secteur géographique à prospecter aurait été limité à une partie du Loir-et-Cher, Mlle Derouet aurait pris l'initiative de prospecter les départements du Loiret, de l'Indre-et-Loire, alors qu'aucun avenant au contrat sus-visé ne serait intervenu.
Elle dénie l'existence d'un quelconque accord verbal, dont Mlle Derouet ne rapporterait pas la preuve.
Elle affirme que ce serait Mlle Derouet, qui intimée de respecter le secteur géographique défini au contrat, aurait pris l'initiative de la rupture et ce afin d'exercer une activité dans une activité susceptible de concurrencer celle concédée par le contrat sus-évoqué.
Invoquant notamment l'application de l'article 13 B de la Loi n° 91-593 du 25 juin 1991, elle conclut au rejet de la demande en paiement de dommages intérêts réparant le préjudice subi du fait d'une prétendue rupture abusive.
Elle oppose que la violation de la clause d'exclusivité ne serait démontrée, que Mlle Derouet ne serait donc pas fondée à réclamer 100.000 F de ce chef.
Elle prétend pour le surplus avoir consigné des sommes qu'elle demande à cette Cour de juger satisfactoires.
Se prévalant des multiples fautes commises par Mlle Derouet, au nombre desquelles figure selon elle notamment une attitude pleine d'acrimonie tant à son égard qu'à celui des clients, ainsi que le non-respect de l'exclusivité territoriale définie au contrat,
La société LF Conseil sollicite la condamnation de Mlle Derouet :
- à lui payer 40.000 F à titre de dommages intérêts,
- à lui restituer sous astreinte le fichier clients propriété des Editions Atlas dont elle ne serait que la dépositaire.
Enfin, elle réclame 8.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Sur ce,
Attendu que s'il est exact que le secteur géographique initialement dévolu à Mlle Derouet aux termes du contrat d'agent commercial signé le 02 avril 1993 ne concernait que le sud du Loir-et-Cher et plus particulièrement la région de St Gervais La Foret, Romorantin, St Aignan-sur-Cher et Montrichard, il est certain que l'extension géographique telle que très momentanément opérée par Mlle Derouet sur les départements de l'Indre-et-Loire (comme elle le reconnait dans ses écritures du 11 septembre 1995 et comme l'établissent les dix bons de commande dressés courant avril 1994 versés au dossier par la société intimée) n'a pu se faire qu'avec l'accord au moins tacite sinon actif de ladite société, qui non seulement a accepté les ventes conclues sur ce secteur mais encore a fourni les éléments lui permettant de précisément identifier et démarcher les clients.
Attendu toutefois que contrairement à ce qu'elle soutient, Mlle Derouet non seulement a accepté de ne plus prospecter l'Indre-et-Loire et le Loiret mais a également renoncé à travailler sur le secteur géographique contractuellement défini tel que sus-visé, dès lors qu'elle a précisé "qu'elle cherchait un autre emploi", au motif que le secteur sus-dévolu ne lui permettait pas de générer un chiffre d'affaires de 20.000 F HT par semaine comme convenu au contrat du 02 avril 1993 et qu'il résulte des pièces n° 11 et 12 "de la SCP Sacaze-Grassin" des 27 juin et 06 juillet 1994 qu'elle a effectivement recherché auprès des Editions Atlas un emploi de chef d'agence au sein des agents commerciaux ou encore un poste de VRP dans le réseau salarié.
Attendu qu'en application de l'article 13 B de la Loi du 25 juin 1991, elle est donc mal fondée à solliciter le versement d'une indemnité compensatrice réparant le prétendu préjudice subi du fait de la cessation acceptée de son contrat d'agent commercial, qu'infirmant le jugement déféré il convient donc de la débouter de sa demande en paiement de 250.000 F de dommages intérêts.
Attendu qu'il résulte de l'article 1 paragraphe 3 "constitution de mandat" du 02 avril 1993 (et qu'il n'est au surplus pas contesté) que Mlle Derouet disposait d'un mandat exclusif sur le secteur de prospection sus-visé.
Or attendu qu'il résulte de l'examen des bons de commande dressés les 03 juin 1993, 10 novembre 1993 et 02 février 1994 que cette clause n'a pas été scrupuleusement respectée dès lors que M. Fortin qui lui-même dans la pièce n° 8 de la SCP Sacaze-Grassin précise être agent régional Atlas a avec succès démarché des clients en définitive de la société Atlas qui mandatait la société LF Conseil dans la zone considérée.
Attendu toutefois que la violation ainsi caractérisée reste limitée, qu'en outre Mlle Derouet ne produit aucune pièce propre à justifier sa réclamation portant sur la somme de 100.000 F que se limitant à l'examen des pièces sus-visées, il y a lieu de fixer à 10.000 F le montant des dommages intérêts dus à la charge de la société LF Conseil.
Attendu que Mlle Derouet ne produit aucune pièce de nature à établir sa réclamation portant sur la somme de 16.855,37 F, qu'elle doit donc en être déboutée, et ce d'autant qu'il n'est pas contesté que la société LF Conseil a consigné au compte CARPA de son conseil différentes sommes correspondant aux commissions dues à Mlle Derouet jusqu'à ce qu'elle ait cessé toute activité.
Qu'il y a seulement lieu de condamner la société LF Conseil à arrêter le compte définitif des commissions dues conformément aux termes du contrat et à en verser le solde à l'appelante, s'il y a lieu.
Attendu toutefois que la société LF Conseil ne justifie pas avoir à ce jour fourni à Mlle Derouet l'intégralité des relevés de ventes réalisées par celle-ci, qu'ajoutant au jugement déféré, il convient donc de l'y contraindre sous astreinte.
Mais attendu que de son côté Mlle Derouet ne justifie pas plus avoir à ce jour restitué le fichier clients remis par la société LF Conseil, qu'ajoutant également au jugement déféré il y a lieu de l'y contraindre sous astreinte.
Attendu que la société LF Conseil ne rapporte pas la preuve du préjudice que lui aurait causé "l'attitude acrimonieuse" de Mlle Derouet que confirmant le jugement déféré, il y a lieu de la débouter de son appel incident.
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société LF Conseil les frais non inclus dans les dépens.
Attendu qu'il convient de laisser à la charge de Mlle Derouet qui succombe la majorité de ses réclamations les dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a ordonné la remise par la société LF Conseil à Mlle Derouet des relevés de vente ainsi que la restitution par Mlle Derouet à la société LF Conseil du fichier clients et à débouté celle-ci de sa demande en paiement de dommages intérêts, Statuant à nouveau et y ajoutant, Condamne la société LF Conseil à payer à Mlle Derouet dix mille francs (10.000 F) de dommages intérêts, Dit que Mlle Derouet devra remettre à la société LF Conseil le fichier clients remis lors de la signature du contrat du 02 avril 1993 dans les 15 jours de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte de huit cent francs (800 F) par jour de retard, Dit que la société LF Conseil devra établir le relevé des ventes effectuées par Mlle Derouet puis arrêter définitivement le compte des sommes à elle dues conformément au contrat du 02 avril 1993 et enfin verser le solde éventuellement dû à Mlle Derouet après déconsignation au compte CARPA de son conseil dans les 15 jours de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte de mille francs (1.000 F) par jour de retard, Déboute les parties du surplus de leurs réclamations, Condamne Mlle Derouet aux dépens de première instance et d'appel, Accorde à la SCP Garnier, Avoué, le droit prévu à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.