CA Riom, ch. com., 21 janvier 1998, n° 874-97
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bayle (Epoux)
Défendeur :
Auvergne Boissons (SA), Union de Brasseries (SNC), Brasseries Heineken (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bardel
Conseillers :
M. Despierres, Legras
Avoués :
Mes Lecocq, Mottet
Avocats :
SCP Dousset, Brousse, Brandomir, Roncolato, Limagne, SCP Chassaigne-Pailloncy, SCP Teillot-Blanc-Barbier-Chaput-Dumas, Riffard
Exposé du litige
Par jugement du 9 janvier 1997, auquel la Cour se reporte en ce qui concerne l'exposé des faits, la procédure antérieure et les prétentions et moyens des parties en première instance, le Tribunal de Commerce de Clermont-Ferrand a :
- déclaré M. et Mme Bayle mal fondés en leur demande et les en a déboutés;
- faisant droit à la demande reconventionnelle de la SNC Union De Brasseries, condamné M. et Mme Bayle à payer à celle-ci la somme de 24 909,67 F au titre du solde du prêt et celle de 62 712 F outre intérêts au taux légal à compter du 1-04-95;
- dit qu'au cas où M. et Mme Bayle ne s'acquitteraient pas de ces sommes dans le délai d'un mois il serait procédé à la vente forcée de leur fonds de bar-restaurant sur simple requête de la SNC Union de Brasseries après accomplissement des formalités prescrites par l'article 17 de la loi du 17-03-1909;
- dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
M. Michel Bayle et Mme Jeanine Nenot épouse Bayle ont régulièrement interjeté appel le 6 février 1997 de ce jugement dont ils demandent l'infirmation. Ils indiquent fonder leur action à l'encontre de la SA Auvergne Boissons sur l'engagement non équivoque pris par cette dernière à leur profit selon sa lettre du 1-03-90 dont elle rappelle les termes, précisant :
- que ce n'est qu'en fonction de cet engagement clair et précis qu'ils ont accepté de régulariser la convention du 18-04-90 avec la SNC Union de Brasserie;
- qu'il était clair pour eux qu'au terme d'un délai de 5 ans ils pourraient revendre leur fonds de commerce en étant libres de tout engagement vis à vis de cette dernière société, à l'exception du remboursement de la partie non amortie du prêt qui deviendrait alors exigible;
- que, de même qu'elle leur a remboursé les échéances du prêt cautionné par la SNC Union de Brasserie jusqu'à la vente de leur fonds, la SA Auvergne Boissons devait les indemniser des conséquences de la rupture anticipée du contrat de bière en exécution de la stipulation pour autrui contenue dans son engagement du 1-03-90 en réglant l'indemnité contractuelle de rupture demandée par l'Union de Brasseries;
- qu'une somme principale de 61 672 F est indisponible depuis plus de deux ans du fait de la résistance abusive de la SA Auvergne Boissons.
Ils concluent donc à la condamnation de cette société à procéder au règlement de l'indemnité contractuelle de rupture, eux-mêmes prenant en charge la fraction non amortie du prêt, à ce que soit ordonnée la mainlevée immédiate de l'inscription de nantissement prise par la SNC Union de Brasseries aux frais de la SA Auvergne Boissons et à la condamnation de celle-ci à leur payer la somme de 30 000 F de dommages-intérêts et celle de 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
La SA Brasserie Heineken, intimée venant aux droits de la SNC Union de Brasseries, rappelant:
- qu'ayant du en qualité de caution, rembourser la BNP, elle se trouve subrogée aux droits de celle-ci pour une somme de 25 105,91 F;
- que la rupture avant terme de la convention de fourniture exclusive du 18-04-90 mettait à la charge des époux Bayle une indemnité de 61 672 F; constate que l'appel ne la concerne pas, ne portant que sur la garantie de la SA Auvergne Boissons, et conclut à la confirmation intégrale du jugement et à la condamnation des appelants à 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
La SNC Auvergne Boissons, intimée, conclut au débouté des appelants de toutes leurs demandes et à leur condamnation à 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC. Elle répond :
- qu'elle n'est pas signataire de la convention du 18-04-90 où elle n'apparaît qu'en tant que distributeur désigné de la SNC Union de Brasseries;
- que ses engagements en faveur des époux Bayle ressortent clairement de sa lettre du 1-03-90 et consistent en deux contreparties à l'approvisionnement exclusif auquel ils consentaient : le remboursement mensuel des échéances du prêt BNP et la prise en charge du solde de l'ancien prêt Terken;
- qu'elle a parfaitement respecté ses engagements, et notamment le remboursement des échéances du prêt jusqu'à la date de la vente de leur fonds;
- que les époux Bayle ne contestent pas que la partie non amortie du prêt soit à leur charge;
- qu'ils ont aussi à supporter les conséquences de la rupture de leurs liens contractuels avec la SNC Union de Brasseries.
Les époux Bayle répondent:
- que la Brasserie Heineken ne peut se présenter comme tiers aux relations entre eux et la société Auvergne Boissons;
- qu'il s'agissait en fait d'une convention tripartite liant un brasseur (Union de Brasseries), un grossiste distributeur (Auvergne Boissons) et un débitant de boissons (eux-mêmes);
- que c'est l'Union de Brasseries qui a rendu la somme correspondant à la fraction non amortie du prêt indisponible en faisant opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce pour une somme bien supérieure de 86 777,91 F incluant l'indemnité de résiliation;
- qu'Auvergne Boissons s'était engagée à faire son affaire personnelle d'une rupture anticipée du contrat de bière en stipulant qu'au-delà d'un délai de 5 ans ils pourraient vendre leur fonds libre de fournisseurs;
- que l'indication qu'il ne leur resterait qu'à rembourser la partie non amortie du prêt impliquait à contrario qu'il ne leur serait demandé aucune indemnité.
Motifs et décision
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'il soit du à la SNC Brasserie Heineken, venant aux droits de la SNC Union de Brasseries, les sommes de 24 909,67 F et de 61 672 F;
qu'en fait la SNC Brasserie Heineken a, en qualité de caution solidaire du prêt de 70 000 F consenti le 25-01-90 aux époux Bayle par la BNP, réglé à cette banque la part non amortie de ce prêt à la date de la vente de leur fonds de commerce, soit la somme de 25 183,53 F;
qu'elle s'est trouvée ainsi subrogée dans les droits et actions de la banque envers les époux Bayle;
que les époux Bayle reconnaissent que le paiement de la somme réclamée de 24 909,67 F est à leur charge;
que la somme de 61 672 F correspond à l'indemnité de rupture unilatérale de la convention passée le 18-04-90 entre les époux Bayle et la SNC Union de Brasseries sans que cette somme soit discutée tant en son principe qu'en son montant;
qu'il n'y a pas de litige quant à l'application entre les parties signataires de cette convention d'exclusivité d'approvisionnement en boissons, conclue pour sept ans et dénoncée au bout de cinq ans par les époux Bayle du fait de la vente de leur fonds de commerce sans que ceux-ci en aient transmis la charge aux acquéreurs;
attendu que la société Auvergne Boissons, bien que non partie à la convention du 18-04-90, en était bénéficiaire en y étant désignée comme le distributeur;
qu'en contrepartie de cet avantage elle devait prendre à l'égard des époux Bayle, par un courrier du 1er mars 1990, trois engagements soit :
- d'une part le remboursement pendant sept ans, durée normale du contrat d'exclusivité, des échéances mensuelles du prêt de 70.000F;
- d'autre part la limitation à cinq ans du contrat d'exclusivité dans le cas d'une cession du fonds de commerce, le remboursement des échéances du prêt s'arrêtant alors et les époux Bayle ayant à régler la partie non amortie du prêt;
- enfin la prise en charge de la fin du contrat "Terken ", précédent contrat d'approvisionnement exclusif;
que la société Auvergne Boissons précisait qu' "à partir de cette limite" (de cinq ans) les époux Bayle seraient autorisés à vendre libres de fournisseurs, ce qui signifie qu'elle les dispensait d'avoir à transférer au nouvel exploitant l'obligation de poursuivre l'approvisionnement exclusif auprès d'elle;
attendu que la société Auvergne Boissons, distributeur, n'a pas pu stipuler pour la SNC Union de Brasseries, brasseur, avant même l'établissement de la convention d'approvisionnement exclusif passée entre celle-ci et les époux Bayle le I 8-04-90;
qu'en tout cas le courrier du 1-03-90 ne peut admettre d'autre interprétation que celle qui précède, et notamment les mentions "vous serez autorisés à vendre libre de fournisseurs" et "il ne vous restera qu'à rembourser la partie non amortie du prêt";
qu'en particulier il ne peut être déduit de sa rédaction que la société Auvergne Boissons ait entendu prendre en charge toutes les conséquences d'une rupture unilatérale par les époux Bayle de leur convention avec la SNC Union de Brasseries;
attendu en conséquence que les appelants seront déboutés de toutes leurs demandes, le jugement, dont la disposition relative à la vente forcée du fonds de commerce n'est pas expressément critiquée, étant purement et simplement confirmé;
attendu qu'il paraît équitable de faire droit aux demandes sur le fondement de l'article 700 du NCPC des intimées qui n'en ont pas bénéficié en première instance, tout en limitant à 3 000 F pour chacune le montant des indemnités accordées à ce titre.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement : Confirme le jugement; Déboute M. et Mme Bayle de toutes leurs demandes, fins et conclusions; Les condamne à payer à la SNC Auvergne Boissons et à la SNC Brasserie Heineken la somme de 3 000 F (trois mille francs) chacune sur le fondement de l'article 700 du NCPC; Les condamne aux dépens d'appel et autorise Me Mottet, avoué, à recouvrer directement ceux dont elle a pu faire l'avance sans en avoir reçu provision suffisante.