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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 21 mars 1986, n° 11-030

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Unibis (SA)

Défendeur :

Sopegros (SA), Gourdain (ès qual.), Meille (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dufief

Conseillers :

Melle Lescure, M. Bourelly

Avoués :

SCP Dauthy Naboudet, Me Varin

Avocats :

Mes Lion, Gantelme.

T. com. Paris, 1re ch., du 26 mars 1984

26 mars 1984

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté par la société Unibis du jugement rendu le 26 mars 1984 par le Tribunal de Commerce de Paris (1re Chambre) qui l'a condamnée avec exécution provisoire à payer à la société Sopegros, représentée par son administrateur provisoire, Me Chassagnon et assistée de Me Gourdain et Me Meille, agissant en leur qualité de co-syndics au règlement judiciaire de ladite société la somme de 91 278,37 F avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 1981, ainsi que celle de 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, qui a débouté la société Sopegros du surplus de ses prétentions et la société Unibis de sa demande reconventionnelle et qui a mis les dépens à la charge de celle-ci;

Se référant aux énonciations du jugement attaqué et aux écritures de la cause pour l'exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties;

Considérant qu'il suffit de rappeler que les mandataires de justice de la Centrale d'achats Sopegros, déclarée en état de règlement judiciaire par jugement en date du 31 janvier 1979, ont réclamé à l'un des fournisseurs avec lesquels cette société avait conclu des accords, la société Gomez Basquaise Pare, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Unibis, paiement de sommes auxquelles la société Sopegros prétendait avoir droit pour l'année 1978, à savoir :

1°) une commission de gestion de 1,25 % sur le montant du chiffre d'affaires traité avec ses adhérents, s'élevant à la somme de 72 982,89 F TTC;

2°) une redevance, dite "d'aide à l'investissement" de 2 % sur le même chiffre d'affaires, sur laquelle il restait dû, après déduction d'un acompte de 50 000 F, la somme de 18 295,48 F TTC;

Que la société Unibis s'est refusée à régler la somme réclamée au titre de la commission de gestion, contestant son mode de calcul, qui, selon elle, devait s'effectuer non sur le chiffre d'affaires traité avec les adhérents de la Centrale d'achats, mais sur celui payé par ceux-ci, prétendant, en outre, que la somme due de ce chef devait "se compenser" avec le versement de 250 000 F par elle effectué à la société Sopegros à titre d'acompte sur les ristournes dues à ses adhérents; qu'elle a, en outre, formé une demande reconventionnelle en restitution du solde de cet acompte afin de la reverser directement aux adhérents;

Que, par la décision déférée, les premiers juges ont déclaré irrecevable en l'état cette demande reconventionnelle en application des dispositions de la loi du 13 juillet 1967;

Qu'ils ont fait droit à la demande en paiement de la somme de 18 295,48 F, réclamée au titre de la redevance d'aide à l'investissement et non contestée par la société Unibis ;

Qu'ils ont déclaré la société Sopegros bien fondée à calculer le montant de sa commission de gestion sur le chiffre d'affaires traité avec l'ensemble des adhérents, même s'il n'avait pas été intégralement réglé et ont rejeté l'exception de compensation soulevée par la société Unibis entre les sommes par elle dues à la Centrale d'achat et celles dues par celle-ci à ses adhérents;

Que les mandataires de justice de la société Sopegros ont requis la confirmation de la décision déférée, l'allocation d'une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et, se fondant sur une jurisprudence récente, ont formé une demande additionnelle en paiement de la somme de 37 640,64 F correspondant au solde des ristournes restant dû par la société Unibis à ses adhérents ou ex-adhérents, dont le compte-courant présentait un solde débiteur dans ses livres;

Que celle-ci a conclu à l'irrecevabilité de cette demande additionnelle, présentée pour la première fois en cause d'appel ; qu'elle a requis l'infirmation du jugement attaqué et s'est opposée aux prétentions de la société Sopegros faisant valoir, en premier lieu, que cette société était mal fondée à lui réclamer le paiement de sa commission de gestion, dès lors qu'elle avait gravement manqué à son obligation de renseignements sur la solvabilité de ses adhérents et, plus particulièrement de celle de sa filiale, la société UFA, en règlement judiciaire ; qu'elle a soutenu, en deuxième lieu, que la redevance d'aide à l'investissement constituait une ristourne destinée à être versée aux adhérents et n'était pas due à la Centrale, personnellement, qu'elle était, dès lors, en droit d'imputer l'acompte sur ristournes de 250 000 F par elle versé à la société Sopegros sur cette dette ; qu'elle a, en troisième lieu, prétendu que les ristournes ne pouvaient être calculées sur le chiffre d'affaires non payé ; qu'elle a, en conséquence, réclamé la restitution de la somme de 115 776,03 F versée à la société Sopegros au titre de l'exécution provisoire, avec intérêts au taux légal à compter du paiement;

Sur la recevabilité de la demande additionnelle des mandataires de justice de la société Sopegros.

Considérant que pour réclamer à la société Unibis paiement de la somme supplémentaire de 37 640,44 F les mandataires de justice de la société Sopegros se fondent sur les termes d'un arrêt rendu le 6 mars 1984 par la Cour de céans, qui a reconnu le droit pour cette centrale d'achats "de poursuivre l'encaissement des ristournes dues par les fournisseurs au titre des années 1977-1978 à ceux de ses adhérents ou ex-adhérents dont le compte-courant présente un solde débiteur, et ce, à concurrence de ce solde";

Qu'ils prétendent que cette décision, rendue quelques jours avant le jugement attaqué, constituerait "la survenance d'un fait" les autorisant à soumettre à la Cour leur nouvelle prétention, conformément aux dispositions de l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Mais, considérant que la décision invoquée - qui n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard de la société Unibis (ou de la société Gomez Basquaise Pare aux droits de laquelle celle-ci se trouve) - ne peut être assimilée à un fait nouveau entraînant une transformation des données du litige de nature à justifier une dérogation au double degré de juridiction, son éventualité pouvant être envisagée dès la procédure de première instance;

Qu'il y a donc lieu de dire bien fondée la fin de non recevoir opposée par la société Unibis à cette demande nouvelle en cause d'appel;

Sur la demande en paiement de la commission de gestion

Considérant qu'aux termes de la correspondance échangée entre la société Gomez Basquaise Pare et la société Sopegros du 9 décembre 1977 au 10 avril 1978, la première (aux droits de laquelle se trouve la société Unibis) s'est engagée à l'égard de la seconde à lui consentir, sur le chiffre d'affaires total HT traité avec ses adhérents au cours de l'année 1978, une commission de gestion de 1,25 % ;

Considérant, dès lors, que la société Unibis est mal fondée à prétendre que cette commission ne porterait pas sur le montant total des ventes facturées, mais seulement sur les opérations menées à bonne fin ;

Considérant que, pour s'opposer au paiement de cette commission, l'appelante fait encore valoir que la société Sopegros n'ayant pas exécuté ses obligations contractuelles, notamment son obligation d'information sur la solvabilité de ses adhérents ne pourrait prétendre à la rémunération de ses services;

Considérant que, contrairement aux prétentions de la société Sopegros, la société Unibis ne forme pas, de ce chef, une demande reconventionnelle en dommages- intérêts, opposée en compensation à sa propre action en paiement, mais soulève une défense au fond, fondée sur l'inexécution des obligations de son cocontractant;

Considérant toutefois que l'appelante n'établit pas que cette centrale d'achats ait contracté à son égard l'obligation de renseignements par elle alléguée;

Considérant qu'il est constant que le rôle de la société Sopegros se bornait à obtenir des fournisseurs au profit de ses adhérents les meilleurs conditions de vente, étant donné le très important volume d'achats qu'ils représentaient ; qu'en revanche, elle n'intervenait pas en qualité de mandataire pour la conclusion des opérations commerciales entre fournisseurs et adhérents;

Considérant que la commission de gestion que lui versaient ces fournisseurs trouvait dès lors sa cause dans la rémunération de son activité de courtage et les services annexes qu'elle leur rendait, notamment en collectant et répartissant les ristournes entre ses adhérents;

Considérant qu'en l'absence de stipulations contractuelles précises, il ne peut être présumé que ce groupement d'achats ait en outre souscrit une obligation d'information sur la solvabilité de ses adhérents;

Considérant que la société Unibis ne justifie ni allègue même avoir jamais sollicité ou obtenu des renseignements de cette sorte de la société Sopegros;

Que ce moyen ne peut donc être retenu;

Considérant, enfin, que les premiers juges ont relevé à juste titre que les sommes réclamées par la société Sopegros au titre de commissions de gestion le sont à titre de créance personnelle que la société Unibis ne peut donc prétendre imputer sur cette dette les sommes par elle versées à la centrale d'achats à titre d'acomptes sur les ristournes dues à ses adhérents;

Considérant, en conséquence, que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande;

Sur la demande en paiement des redevances d'aide à l'investissement

Considérant qu'il ressort de la correspondance précitée, échangée en 1977 et 1978 entre la société Gomez Basquaise Pare et la société Sopegros que ce fournisseur s'était engagé à verser à la centrale d'achats, pour le compte de ses adhérents, des redevances dites Aide à l'Investissement destinées à rémunérer leur participation aux campagnes publicitaires et correspondant à un pourcentage sur leur chiffre d'affaires, variable en fonction de l'augmentation de ce chiffre par rapport à celui de l'année précédente ;

Considérant qu'ici, encore, les documents contractuels font référence au chiffre d'affaires total et non à celui correspondant aux factures payées;

Considérant qu'il est constant que selon les accords conclus entre la société Sopegros et ses adhérents ces redevances devaient, être réparties à concurrence de 20 % sous forme de souscription des adhérents au capital de la centrale ou de ses filiales avec des limites maximales et minimale, et à concurrence du solde en espèces;

Qu'il n'en demeure pas moins que, contrairement à ce que soutient la société Sopegros, ces sommes ne constituent pas pour elle des capitaux propres ; que, comme les autres ristournes destinées aux adhérents, ces redevances ne lui étaient remises qu'en qualité de mandataire, à charge pour elle de les répartir conformément aux accords statutaires;

Considérant, en conséquence, que la société Unibis est bien fondée, en application de l'article 1256 du Code Civil à imputer en priorité sur cette dette, qu'elle avait intérêt à éteindre les sommes par elle versées à titre d'acomptes ;

Considérant qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de la société Unibis tendant à la restitution des sommes versées au titre de cette créance en vertu de l'exécution provisoire;

Considérant que, chacune des parties succombant pour une part dans ses prétentions, il échet de partager les dépens par moitié entre elles;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Sopegros le montant des débours non taxables occasionnés par cette procédure;

Par ces motifs : Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société Unibis à payer aux mandataires de justice de la société Sopegros la somme de 72 982,89 F à titre de commission de gestion, avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 1981; L'infirme pour le surplus; Statuant à nouveau, Dit que l'acompte de 250 000 F versé par la société Unibis à la société Sopegros pour le compte de ses adhérents s'impute en priorité sur la somme de 18 295,48 F due par la première au titre de la redevance "Aide à l'Investissement" pour l'année 1978; En conséquence, condamne les mandataires de justice de la société Sopegros à restituer à la société Unibis les sommes versées par celle-ci au titre de cette redevance à la suite de l'exécution provisoire et ce, avec intérêts au taux légal à compter du jour du paiement; Dit irrecevable la demande en paiement de ristournes formée pour la première fois en appel par les mandataires de justice de la société Sopegros contre la société Unibis; Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par la société Unibis, d'une part, par la société Sopegros, Me Gourdain et Me Meille pris en leur qualité de syndics au règlement judiciaire de ladite société, d'autre part Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement ceux dont ils auront fait l'avance conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile; Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.