CA Douai, 2e ch., 21 janvier 1999, n° 97-03786
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Monflier
Défendeur :
Brasserie de Saint Omer (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gondran de Robert
Conseillers :
Mmes Schneider, Fontaine
Avoués :
Mes Congos Vandendaele, Masurel-Thery
Avocat :
Me Bernard.
Faits-procédure
Par déclaration du 6 mai 1997, Mme Dominique Monflier épouse Poilly a formé appel d'un jugement contradictoire rendu par le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer le 11 février précédent qui la condamne à payer à la Brasserie de St Omer la somme de 97.794,90 francs augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 1996 à titre de pénalités pour rupture d'un contrat de fourniture de bière ainsi que la somme de 3.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris et sollicite la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle indique ne pas pouvoir conclure utilement au fond et sollicite la production des relevés de fourniture de bière jusqu'à la rupture du contrat qui serait de 185,14 hectolitres ainsi que des relevés de l'ancien exploitant.
Elle précise que ces documents sont importants car le chiffre d'affaires du précédent exploitant s'élevait pour l'année 1988 à 182.180 francs hors taxe ce qui représente 29 hectolitres de bière par an.
Elle en déduit par le contrat passé avec la Société Facon, qui l'oblige à s'approvisionner à hauteur de 640 hectolitres sur huit ans, soit 80 hectolitres par an est excessif voire léonin.
La SA Brasserie de St Omer, venant aux droits de la SA Brasserie Facon conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite la somme de 5.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle rappelle que Mme Monflier a souscrit en contrepartie du prêt qui lui a été consenti un engagement d'achat exclusif de bière pour une durée de 8 ans ou pour une quantité minimum de 640 hectolitres. N'ayant pas exécuté l'engagement jusqu'à son terme elle est redevable d'une indemnité de rupture.
Elle fait valoir que l'engagement souscrit par Mme Monflier est indépendant de celui ayant été conclu avec le précédent exploitant. Il appartient par ailleurs à Mme Monflier de démontrer que le chiffre de 185,14 hectolitres ayant servi au calcul de l'indemnité est erroné.
Elle ajoute que la preuve du caractère exorbitant du contrat n'est pas démontrée.
Motifs
Attendu que suivant acte notarié du 29 juin 1989 la Société Brasserie Facon, aux droits de laquelle vient la Société Brasserie de St Omer, a consenti à Mme Dominique Monflier un prêt d'un montant de 50.000 francs destiné à faciliter l'acquisition d'un fonds de commerce de café Brasserie Restaurant situé à Le Portel;
Que ledit acte stipulait qu'en contrepartie et comme condition essentielle de ce prêt, Mme Monflier s'engageait à se fournir d'une manière exclusive et continue auprès de la SA Brasserie Facon ou de tout autre fournisseur désigné par elle pour une durée de huit ans ou pour un minimum de 640 hectolitres de bières;
Qu'en cas de rupture ou de manquement ou d'infraction à l'une des clauses du contrat, la Société Brasserie Facon pourrait réclamer une indemnité de rupture fixée de convention expresse à 25 % du prix de vente de la bière restant à fournir du jour du manquement jusqu'à la date d'expiration de la convention d'exclusivité;
Attendu qu'il est établi par un contrat d'huissier établi le 15/06/1995 et d'ailleurs non contesté que Mme Monflier a cessé de s'approvisionner comme indiqué au contrat susvisé alors que celui-ci ne venait à expiration que le 29 juin 1997;
Attendu que Mme Monflier ne prétend pas être libérée de son engagement mais conteste le nombre d'hectolitres avancé par la SA Brasserie St Omer pour calculer l'indemnité de rupture;
Que si la SA Brasserie de St Omer est fondée à réclamer ladite indemnité, il lui appartient néanmoins conformément aux dispositions de l'article 1315 du code civil de démontrer dans quelle mesure Mme Monflier a failli à ses obligations;
Qu'elle ne verse aucune pièce au débat de nature à justifier le nombre d'hectolitres restant à fournir à Mme Monflier;
Qu'il s'ensuit qu'à défaut de ce chiffre l'indemnité de rupture est impossible à calculer;
Qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la SA Brasserie de St Omer de l'intégralité de ses demandes;
Attendu qu'il est inéquitable de laisser à la charge de Mme Monflier les frais exposés au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
Qu'il convient de lui allouer la somme de 5.000 francs à ce titre;
Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort; Déclare recevable l'appel formé par Mme Monflier épouse Poilly; Infirme le jugement entrepris, Statuant à nouveau, Déboute la SA Brasserie de St Omer de sa demande; Condamne la SA Brasserie de St Omer à payer à Mme Monflier Poilly la somme de 5.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; Condamne la SA Brasserie de St Omer aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.