CA Chambéry, ch. civ. sect. 3, 1 juin 1999, n° 9801375
CHAMBÉRY
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Midtronics BV (Sté)
Défendeur :
Optelec (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sebileau
Conseillers :
MM. Duport de Loriol, Cathelin
Avoué :
Me Delachenal
Avocats :
Mes Seutet, Louchet.
Vu le contredit formé le 6 mai 1998 par la société Midtronics BV société de droit hollandais contre le jugement du tribunal de grande instance d'Albertville (chambre commerciale) du 28 avril 1998 se déclarant territorialement compétent pour juger de la demande formée à l'encontre de celle-ci par la société Optelec, société française ayant son siège social à Albertville, aux fins de condamnation au paiement de 9.034.000 F à titre de dommages-intérêts pour d'une part manquement aux obligations contractuelles d'un contrat de distribution exclusive en France de testeurs de batterie (défaut d'approvisionnement régulier et de fourniture de matériel publicitaire, manque de loyauté, puis résiliation sans motif et sans préavis), d'autre part actes de concurrence déloyale postérieurement à la résiliation du contrat.
Vu les moyens et prétentions de la société Midtronics développés dans ledit contredit tendant à l'infirmation du jugement et à l'incompétence territoriale du Tribunal de grande instance d'Albertville au profit de la juridiction hollandaise compétente au motif qu'en application de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 déterminant les règles de compétence en matière contractuelle c'est bien la juridiction hollandaise qui est compétente pour connaître de la demande de la société Optelec puisque la loi applicable au litige est incontestablement celle des Pays-Bas (application de la Convention de Rome du 19 juin 1980), que le lieu de l'exécution de l'obligation litigieuse se situe aux Pays-Bas, siège de la société Midtronics et que le fait générateur invoqué par la société Optelec est la décision prise en ce lieu de refuser d'accorder à cette dernière des délais de paiement ce qui a conduit la société Optelec à considérer qu'il y avait rupture d'un contrat de distribution qualifié d'exclusif.
Vu les conclusions de la société Optelec déposées le 1er mars 1999 tendant au rejet du contredit, à l'évocation du fond du litige par la Cour, à la condamnation de la société Midtronics à lui verser la somme de 9.034.000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 50.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, subsidiairement à l'organisation d'une expertise et paiement d'une provision de 3.000.000 F au motif que son action a tout à la fois un fondement contractuel et un fondement délictuel, que le seul fait qu'elle ait un fondement délictuel entre dans les prévisions de l'article 5-3° de la Convention de Bruxelles et qu'il n'est pas contestable que c'est sur le territoire français que s'est exercée la concurrence déloyale ; que même sur le terrain contractuel l'action de la société Optelec est de la compétence du Tribunal de grande instance d'Albertville par application de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles car c'est sur le territoire français que devait s'exécuter l'obligation essentielle de la société Midtronics à savoir conférer à la société Optelec l'exclusivité de la distribution de ses produits.
Vu les conclusions en réponse de la société Midtronics déposées le 6 avril 1999 reprenant ses prétentions et moyens contenus dans son contredit et, à titre subsidiaire s'opposant à l'évocation du litige par la Cour, très subsidiairement demandant qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle entend conclure au fond et réclamant paiement de la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS ET DECISION
Attendu que les deux parties au présent litige ayant leur siège social dans deux pays différents signataires de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, seules les dispositions de cette dernière sont applicables pour déterminer les règles de compétence territoriale, donc à l'exclusion de l'article 46 du Code civil français dont fait état la société Optelec.
Attendu que la société Optelec qui prétend que son action à l'encontre de la société Midtronics a tout à la fois un fondement contractuel et un fondement délictuel et que, tant en application des articles 5-1° (matière contractuelle) et 5-3° (matière délictuelle) de la Convention de Bruxelles, la demande est de la compétence de la juridiction française dans le ressort de laquelle elle a son siège social, forme une seule et unique demande en dommages-intérêts qui, comme la soutient à bon droit la société Midtronics, procède des conséquences de sa demande principale qui tend à voir reconnaître le caractère abusif d'une rupture contractuelle et qui a en réalité un fondement contractuel ; que les actes de concurrence déloyale reprochés à la société Midtronics et contestés par celle-ci n'apparaissent en réalité que comme des conséquences postérieures à la rupture des relations contractuelles entre les parties imputée à faute à la société Midtronicset que donc seules peuvent être invoquées en l'espèce par la société Optelec, par dérogation aux dispositions générales de l'article 2 de la convention, pour déterminer la compétence territoriale, les dispositions spéciales de l'article 5-1° selon lesquelles en matière contractuelle, le défendeur domicilié sur le territoire d'un état contractant peut être attrait dans un autre état contractant devant le tribunal du lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée.
Attendu que pour déterminer ce tribunal qu'il est d'abord incontestable contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal de grande instance d'Albertville que c'est la loi hollandaise qui est applicable au litige opposant les deux parties et ce en vertu, à défaut comme en l'espèce du choix par les parties de la loi applicable, des articles 4-1° et 4-2° de la Convention de Rome du 19 juin 1980 selon lesquels le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits, étant présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle; que la "prestation caractéristique" est dans un contrat de distribution exclusive comme en l'espèce, la fourniture du produit à la société Optelec par la société Midtronics.
Attendu en ce qui concerne l'obligation litigieuse à prendre en considération, qu'il s'agit de celle découlant du contrat à la charge du concédant et dont l'inexécution est invoquée pour justifier la demande en dommages-intérêts ; que le lieu de l'exécution de l'obligation pesant sur la société Midtronics et dont le non-respect est invoqué par la société Optelec et qui consiste en la fourniture exclusive de produits et de matériel publicitaire, se situe aux Pays-Bas, pays dans lequel se trouve le siège social de la société Midtronics qui constitue le centre de décision c'est-à-dire le lieu où a été prise la décision, selon la société Optelec, de rompre sans motif réel et sérieux et sans préavis le contrat de concession exclusive liant cette société à la société Midtronics, et, selon cette dernière, de refuser dans le cadre de la distribution de ses produits en France, d'accorder des délais de paiement à la société Optelec, ce qui a conduit celle-ci à considérer, à tort selon la société Midtronics, qu'il y avait rupture de contrat.
Attendu que c'est à tort que les premiers juges ont dit que le Tribunal de grande instance d'Albertville était compétent pour connaître de la demande de la société Optelec; qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris, de déclarer compétentes les juridictions hollandaises et, en application de l'article 96 du nouveau Code de procédure civile, de renvoyer les parties à mieux se pourvoir.
Attendu que l'équité ne commande pas en l'espèce l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et sur contredit, Dit recevable et bien fondé le contredit formé par la société Midtronics contre le jugement du Tribunal de grande instance d'Albertville du 28 avril 1998. Infirme cette décision en toutes ses dispositions. Dit et juge les juridictions hollandaises compétentes pour connaître du litige opposant les parties et renvoie en conséquence celles-ci à mieux se pourvoir. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la société Optelec aux dépens.