Cass. com., 5 mars 2002, n° 98-21.022
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Voglimacci-Stephanopoli
Défendeur :
Ford France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot (faisant fonctions)
Rapporteur :
Mme Graff
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Lesourd, SCP Delaporte, Briard
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Agen, 7 septembre 1998), que la société France auto a été mise en liquidation des biens après la rupture du contrat de concession qui la liait à la société Ford France ; que la société Ford France a été condamnée à réparer le préjudice résultant pour la société France auto, représentée par son syndic, M. Guguen, de la résiliation abusive du contrat de concession ; que M. Voglimacci-Stephanopoli, président du conseil d'administration de la société France auto, a assigné la société Ford France en réparation de divers préjudices qu'il soutenait avoir subis personnellement à la suite de la rupture du contrat de concession;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche : - Vu les articles 1382 et 2029 du Code civil; - Attendu que pour rejeter les demandes de M. Voglimacci-Stephanopoli au titre des sommes qu'il avait payées en qualité de caution de la société France auto, l'arrêt retient qu'il est établi et reconnu par M. Voglimacci- Stephanopoli que durant la procédure collective, celui-ci a réglé, en sa qualité de caution, les créances CGI, Veedol, Piguet, Ozone et BNP ; que, dès lors, par application de l'article 2029 du Code civil, celui-ci s'est trouvé subrogé dans tous les droits qu'avaient les créanciers contre le débiteur, qu'il s'ensuit que du fait de cette subrogation, M. Voglimacci-Stephanopoli s'est trouvé représenté par M. Guguen dans les procédures engagées à l'encontre de Ford France;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en sa qualité de caution, M. Voglimacci-Stephanopoli était recevable à agir à titre personnel en réparation du préjudice distinct de celui de la société France auto, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
Sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles 1165 et 1382 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter les demandes de M. Voglimacci-Stephanopoli, l'arrêt relève encore que nonobstant l'importance de l'intuitu personae de M. Voglimacci-Stephanopoli et sa qualité de président-directeur général de la société France auto, celui-ci reste un tiers au contrat de concession et doit établir que le dommage dont il se plaint est dû à une faute de la société Ford détachable ou indépendante du contrat; qu'en l'espèce, il n'invoque aucune faute délictuelle envisagée en elle-même indépendamment de tout point de vue contractuel;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l'exécution défectueuse de celui-ci lorsqu'elle leur a causé un dommage, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter les demandes de M. Voglimacci-Stephanopoli, l'arrêt retient enfin que la société Ford ne peut être tenue pour responsable des conséquences de la liquidation "judiciaire" de la société France auto;
Attendu qu'en écartant ainsi tout lien de causalité entre la faute imputée à la société Ford et les préjudices subis par M. Voglimacci-Stephanopoli, après avoir relevé que ceux constitués par la perte de revenus, la capitalisation des primes d'assurances, la cotisation retraite, le logement de fonction, les intérêts sur perte du compte courant, la perte du capital social, les intérêts sur les engagements de caution, les intérêts sur prêts du Crédit foncier et le préjudice moral sont, à l'exception du dernier poste, la conséquence directe de la résiliation fautive du contrat par la société France auto, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le texte susvisé;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.