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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 18 décembre 1997, n° 9575-95

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Elicis (SA)

Défendeur :

Riffier (ès qual.), Adam (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Assie

Conseillers :

Mme Laporte, M. Maron

Avoués :

SCP Lefevre, Tardy, SCP Fievet, Rochette, Lafon, Me Bommart

Avocats :

Mes Catoni, Bernard-Peltier, Pariente.

T. com. Nanterre, du 27 sept. 1995

27 septembre 1995

FAITS ET PROCÉDURE:

Courant 1993 et 1994, la SA Elicis a entretenu des relations commerciales avec les SARL Buflor et Emfleur, spécialisées dans le négoce horticole et été rémunérée pour ses interventions par des commissions mensuelles variant de 7 à 11 % des chiffres d'affaires.

Se prévalant du non-réglement de commissions, la société Elicis a obtenu du Président du Tribunal de Commerce de Nanterre, par ordonnance sur requête du 07 décembre 1994, la saisie conservatoire de créances pour des sommes de 471.435,98 francs TTC et de 181.709,90 francs, opérée le 13 décembre 1994, au titre des soldes restant dus respectivement par les sociétés Buflor et Emfleur entre les mains de la société Factoring Heller.

Saisi par la société Emfleur, ce même magistrat, par décision de référé du 21 décembre 1994, en a ordonné la mainlevée contre remise de la somme de 181.709,90 francs entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des Avocats du barreau des Hauts de Seine désigné comme séquestre.

Puis, la société Elicis a assigné les sociétés Buflor et Emfleur devant le Tribunal de Commerce de Nanterre en paiement des commissions non honorées et de l'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale dont elle se prétend titulaire envers elles.

La société Emfleur ayant fait l'objet, le 1er février 1995, d'un redressement judiciaire étendu le 23 mars 1995 à la société Buflor, la société Elicis a assigné en intervention forcée Maîtres Adam et Riffier, es-qualités respectivement d'administrateur judiciaire et de représentant des créanciers à cette procédure collective qui a été convertie le 23 août 1995 en liquidation judiciaire, Maître Riffier étant désigné en tant que mandataire liquidateur.

Par jugement contradictoire du 27 septembre 1995, cette juridiction a fixé la créance de la société Elicis au passif de la liquidation judiciaire des sociétés Buflor et Emfleur à la somme de 745.840,12 francs, majorée des intérêts de droit entre le 27 décembre 1994 et le 1er février 1995 sur celle de 730.840,12 francs et ordonné le dessaisissement de la somme de 181.709,90 francs séquestrée au profit de Maître Riffier, es-qualités.

Appelante de cette décision, la société Elicis fait grief au tribunal de ne pas avoir retenu sa qualité d'agent commercial, ou à tout le moins de mandataire d'intérêt commun, en arguant de la permanence de son action au profit des sociétés Buflor et Emfleur en les représentant auprès de leurs clients habituels.

Elle prétend que ces sociétés ont pris l'initiative de rompre le contrat de représentation sans cause légitime et avant l'ouverture de la procédure collective en refusant d'acquitter fin novembre 1994, les commissions échues et dues depuis une longue période.

Elle revendique donc, sur le fondement de la loi du 25 juin 1991, une indemnité de rupture égale à deux années de commissions calculée sur la moyenne des chiffres d'affaires HT et une indemnité de préavis égale à deux mois

Elle estime que la mesure de séquestre destinée à sauvegarder les intérêts des parties est opposable même en cas d'ouverture d'une procédure collective et que la somme de 181.709,90 francs qui en était l'objet, déjà sortie du patrimoine de la société Emfleur, doit lui revenir sauf à enrichir sans cause cette société dans le cas contraire.

Elle sollicite, en conséquence, la fixation de sa créance aux sommes de 830.155 francs à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat et de 82.045,10 francs représentant l'indemnité de préavis et de brusque rupture, outre la confirmation de celle déterminée par le tribunal pour les commissions, l'inscription en frais privilégiés dans la liquidation judiciaire de la somme de 18.389,17 francs correspondant aux frais de saisie conservatoire et de procédure, la remise à son profit de la somme séquestrée de 181.709,90 francs contre remise de dette de même montant en faveur des sociétés Buflor et Emfleur, dès sa réception ainsi qu'une indemnité de 30.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Maître Riffier, es-qualités de mandataire liquidateur, s'en rapporte à justice sur le montant des commissions impayées arrêtées à novembre 1994 dues à la société Elicis et conclut à la confirmation du jugement déféré sauf à y ajouter une indemnité de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il oppose que les relations contractuelles intervenues entre les parties ne répondent pas à la définition du statut d'agent commercial prévu par la loi du 25 juin 1991 mais s'analysent en opération de courtage.

Il ajoute que si l'application de ce statut devait néanmoins être accueillie par la Cour, la société Elicis n'en serait pas pour autant fondée à obtenir l'admission au passif des indemnités réclamées dès lors que le contrat a pris fin en raison de l'ouverture de la procédure collective.

Il se prévaut des articles 47, 48 et 33 de la loi du 25 janvier 1985 pour faire valoir que la somme séquestrée ne peut être attribuée à la société appelante qui doit en supporter les frais.

Maître Adam, en qualité d'ancien administrateur judiciaire au redressement judiciaire des sociétés Buflor et Emfleur demande sa mise hors de cause.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 octobre 1997.

MOTIFS DE L'ARRET:

Considérant que depuis le prononcé, le 23 août 1995, de la liquidation judiciaire des sociétés Buflor et Emfleur, Maître Riffier, désigné comme mandataire liquidateur, a seul qualité pour les représenter, que Maître Adam doit donc être, es-qualités, mis hors de cause.

Considérant que le montant des commissions dont les sociétés Buflor et Emfleur étaient redevables au 1er octobre 1994, envers la société Elicis n'a jamais été contesté ; que les premiers juges ont procédé à une juste évaluation des commissions au titre des mois d'octobre et novembre 1994 qui n'est plus discutée en cause d'appel.

Que la fixation de la créance à cet égard de la société Elicis sera donc confirmée

Considérant qu'aux termes de l'article 1 du 25 juin 1991, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre professionnel, de manière indépendante et permanente, est chargé de négocier et de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services au nom et pour le compte de producteurs d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux

Considérant que si les dispositions de cette loi ne subordonnent pas l'application du statut des agents commerciaux à l'existence d'un contrat écrit entre les parties, il n'en demeure pas moins qu'il incombe à celle qui s'en prévaut de démontrer avoir agi en qualité de mandataire.

Or, considérant que les pièces versées aux débats par la société Elicis relatives aux factures établies par ses soins sur les sociétés Buflor et Emfleur, aux relevés de chiffres d'affaires mensuels, à divers courriers et à plusieurs attestations démontrent certes son intervention pour mettre en contact les sociétés Buflor et Emfleur avec des acheteurs potentiels afin de favoriser des référencements et faciliter des ventes de marchandises ultérieures, mais ne sont pas de nature à établir l'existence du mandat allégué en l'absence notamment de production de toutes prises d'ordre ou de commandes ou de conclusion de contrats au nom et pour le compte de ces deux sociétés, mais d'opérations de courtage.

Que le tribunal a donc rejeté, à juste titre, les demandes indemnitaires de la société Elicis fondées sur la loi susvisée qui n'a pas vocation à recevoir application en l'espèce.

Considérant qu'il est constant que la somme de 181.709,90 francs correspondant aux commissions dues au 1er octobre 1994 à la société Elicis par la société Emfleur a fait l'objet d'une saisie conservatoire de créance dont cette dernière était titulaire entre les mains de la société Heller, à laquelle a été substituée par ordonnance de référé une mesure de séquestre conformément aux dispositions de l'article 72 alinéa 2 de la loi du 09 juillet 1994.

Considérant que tant la créance à l'origine de la procédure de saisie conservatoire, que celle-ci et la mesure de séquestre sont antérieures à l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la société Emfleur, tandis qu'aucune constatation d'un droit acquis à la société Elicis sur la somme séquestrée n'est intervenue avant son prononcé.

Que, par conséquent, la société Elicis ne peut en solliciter la déconsignation à son profit, en violation des dispositions des articles 47, 48 et 33 de la loi du 25 janvier 1985.

Considérant qu'il incombe à la société Elicis d'assumer les frais qu'elle a estimé utile d'exposer pour diligenter une saisie conservatoire dans son seul intérêt avant que la société Emfleur ne soit placée en redressement judiciaire.

- Rejette sa demande au même titre, Considérant que l'équité commande d'allouer à Maître Riffier, es-qualités, une indemnité de 13.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Que la société Elicis qui succombe en son appel et supportera les dépens n'est pas fondée en sa prétention au même titre.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Met hors de cause Maître Jean-Pierre ADam représenté par Maître Chavaux, administrateur de l'Etude, ès-qualités d'ancien administrateur judiciaire au redressement judiciaire des Sarl Buflor et Emfleur,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- Déboute la SA Elicis de toutes ses prétentions,

- La condamne à verser à Maître Laurence Riffier, es-qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire des Sarl Buflor et Emfleur une indemnité de 13.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître Bommart et la SCP Fievet & Rochette & Lafon, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.