CA Poitiers, ch. civ. sect. 2, 29 avril 1997, n° 9601270
POITIERS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Jacob
Défendeur :
Ano (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cheveau
Conseillers :
MM. Andrault, Daniau
Avoués :
SCP Landry-Tapon, SCP Musereau-Drouineau-Rosaz
Avocats :
Mes Frechin, Buet.
Suivant déclaration d'appel du 3 avril 1996 d'une décision rendue par le TC de la Roche-sur-Yon, le 30 janvier 1996.
Les conseils des parties ont été entendus en conclusions et plaidoiries, puis l'affaire a été mise en délibéré au 4 mars prorogé au 29 avril 1997.
Ce jour a été rendu, contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt dont la teneur suit :
Expose des faits de la procédure & des moyens des parties :
Faisant valoir que la SA Ano pour laquelle il était intervenu en qualité d'agent commercial en Allemagne de mai 1989 à janvier 1991 persistait à ne pas lui payer la commission convenue de 5% sur les affaires qu'il avait conclues et refusait de lui rembourser ses frais , M. Jacob l'a par exploit d'huissier du 4 mai 1994 assignée devant le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon pour qu'elle soit condamnée à lui verser à ce titre la somme de 60.000 DM, soit alors 204.720 frs, avec intérêts de droit à compter de la date d'une précédente assignation devant les juridictions allemandes qui s'étaient déclarées incompétentes, ainsi que 10.000 frs de dommages et intérêts pour résistance abusive et 20.000 frs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La SA Ano a protesté n'avoir jamais utilisé les services de M. Jacob comme agent commercial mais avoir uniquement eu recours à lui comme interprète à l'occasion de divers salons et avoir intégralement réglé les honoraires qui lui étaient dûs pour ses prestations.
Elle s'est donc opposée à ses prétentions et lui a réclamé 30.000 frs d'indemnité pour frais irrépétibles.
Par jugement du 30 janvier 1996 le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon a considéré que M. Jacob ne justifiait d'aucun contrat d'agent commercial le liant à la SA Ano, ni d'un quelconque mandat d'intérêt commun, ni d'une convention de commission, ni de ventes qu'il aurait réalisées pour elle, mais que celle-ci de son côté, tout en reconnaissant qu'il l'avait assistée dans différents salons en raison de sa connaissance de la langue allemande et de ses aptitudes professionnelles, ne rapportait pas la preuve du paiement des 65.000 frs qu'elle admettait avoir eu à lui régler de ce chef. La SA Ano a donc été condamnée à payer en deniers ou quittances à M. Jacob qui a été débouté du surplus de ses demandes ladite somme de 65.000 frs avec intérêts légaux à compter de la date de la décision.
Les réclamations respectives des parties pour frais irrépétibles ont été rejetées.
Les dépens ont été mis à la charge de la SA Ano.
M. Jacob a régulièrement interjeté appel. Il maintient que, pratiquant parfaitement l'allemand et ayant une grande connaissance du marché de la photographie en Allemagne où il vit depuis plusieurs années et exerce un commerce dans ce domaine il a, quoiqu'un contrat écrit, qu'il n'a pas exigé et qu'il n'estime pas nécessaire, n'ait pas été formalisé, été l'agent commercial de la SA Ano et qu'il devait être rémunéré par une commission de 5% sur les affaires pour lesquelles il intervenait, commissions qui pour certaines du reste lui avaient bien été réglées avec remboursement de ses frais. Il affirme que les pièces qu'il verse aux débats établissent avec certitude le montant de ce qui lui est toujours dû et il dénonce l'attitude de la SA Ano qui, assure-t-il, cherche en utilisant les disparités du droit entre l'Allemagne et la France à se dérober à ses obligations. Il prie donc la cour de réformer la décision entreprise et de condamner la SA Ano à lui payer la somme de 204.720 frs avec intérêts au taux légal depuis le 14 mai 1994, date d'une première mise en demeure, et celle de 10.000 frs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La SA Ano est incidemment appelante.
Elle demande en effet que le jugement soit confirmé en ce qu'il a dit que M. Jacob ne saurait prétendre avoir été son agent commercial et être comme tel créancier de commissions mais réformé pour le surplus par la constatation de ce qu'elle lui a effectivement réglé les 65.000 frs dont elle lui était redevable au titre de son activité d'interprète. Elle conclut au rejet de toutes les demandes de M. Jacob et à la condamnation de celui-ci au paiement d'une indemnité de 10.000 frs pour frais irrépétibles de même qu'aux entiers dépens. Elle répète qu'aucun contrat d'agent commercial n'a été passé entre elle et lui alors qu'un écrit est imposé par l'article 1er alinéa 2 du décret du 28 décembre 1958, qu'il n'est pas immatriculé au registre spécial des agents commerciaux, que, commerçant en développement et tirage de photographies, il n'exerce pas d'ailleurs de manière habituelle l'autre profession qu'il allègue sans en proposer la moindre preuve pas plus que du moindre contrat qu'il aurait négocié pour elle.
Elle souligne que les réclamations de M. Jacob sont contradictoires puisqu'il excipe à la fois de commissions qui n'ont jamais été convenues et ne correspondent à aucune prestation réelle et d'un forfait journalier ou de frais de déplacement auxquels un agent commercial n'aurait pas à prétendre. Elle indique justifier enfin par quatre virements sur le compte bancaire de l'épouse de M. Jacob les 26 juin, 22 septembre, 28 octobre 1989 et 19 janvier 1990 du règlement des 65.000 frs correspondant à la rémunération des services qu'il lui a rendus en qualité d'interprète.
L'ordonnance de clôture est du 9 janvier 1997.
Motifs de l'arrêt : Attendu que la seule certitude qui s'évince de l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la Cour comme il en fut à celle du tribunal de commerce c'est que des rapports informels de collaboration se sont instaurés entre la SA Ano, concepteur et fabriquant de matériels de laboratoires de photographies et de trieurs automatiques exportatrice de l'essentiel de sa production, d'une part, et M. Jacob, ingénieur de formation et commerçant qui exploitait lui-même un mini laboratoire photographique en Allemagne où il résidait et qui parlait parfaitement la langue allemande que ses connaissances techniques lui permettaient de maîtriser dans le domaine considéré, la première ayant recours au second comme interprète pour ses relations avec la clientèle d'Outre-Rhin à l'occasion de salons professionnels ou de l'installation des appareils qu'elle vendait.
Mais attendu que s'il est ainsi constant, à la lumière notamment des correspondances échangées ou des autres pièces communiquées , que M. Jacob a rendu, et de manière habituelle, à la SA Ano des services dont elle ne dénie pas l'efficacité et pour lesquels elle le rémunérait, rien n'autorise à considérer qu'il se soit agi d'autre chose que de prestations d'interprétariat ouvrant droit à des honoraires et au dédommagement d'éventuels débours même si parfois pour des raisons, semble-t-il, de meilleure opportunité des modalités de règlement, le terme de commission a été inexactement utilisé.
Attendu que M. Jacob, demandeur, a la charge de la preuve.
Attendu qu'il ne procède que par affirmations, du reste incompatibles avec ce que révèle le dossier de la nature de ses activités et la présentation même de ses réclamations portant à la fois sur des commissions qui devraient constituer son unique créance envers son prétendu mandant s'il avait été le négociateur d'affaires qu'il affirme et des frais d'intervention qui n'auraient pas eu a s'y ajouter, quand il se présente comme agent commercial pour le compte de la SA Ano.
Attendu qu'il n'était pas inscrit comme tel dans les conditions d'immatriculation fixées par le décret du 23 décembre 1958.
Attendu qu'il n'y a jamais eu le moindre contrat écrit entre la SA Ano et lui. Qu'il ne produit aucune convention, pas un quelconque document explicite qui en laisserait présumer l'existence, le constituant mandataire de l'intimée et définissant une rémunération au pourcentage sur des affaires qu'il aurait eu mission de traiter. Qu'il ne justifie même pas concrètement de marchés qu'elle serait par son intermédiaire, au delà de son simple rôle de traducteur, parvenue à conclure et qui permettraient de comprendre sur quoi se fonde le montant de sa créance alléguée de commissions dont non seulement le principe mais même le calcul , puisque ni le taux ni l'assiette n'en résulte de quoi que ce soit, ne sont établis.
Attendu par conséquent que ses demandes ont été de ce chef à bon droit rejetées par les premiers juges.
Attendu qu'il ne restait dès lors à ces derniers qu'une question à résoudre, celle du paiement des prestations fournies par M. Jacob en qualité d'interprète et pour lesquelles la SA Ano a toujours admis avoir eu à le rémunérer pour une somme totale de 65.000 frs.
Attendu qu'estimant insuffisamment avéré le règlement de cette somme qu'elle indiquait pourtant avoir effectué en son temps ils l'y ont, prudemment néanmoins, condamnée en deniers ou quittances.
Or attendu qu'elle en fait la démonstration non équivoque par la communication de quatre ordres de virement au compte bancaire de l'épouse de M. Jacob, comme celui-ci l'aurait sollicité, et dont il ne conteste pas la réception :
- 26 juin 1989.........15.000 frs
- 22 septembre 1989 .....20.000 frs
- 26 octobre 1989 ......10.000 frs
- 19 janvier 1990 .......20.000 frs
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65.000 frs
Attendu que la décision entreprise sera réformée pour que ne soit pas maintenue une condamnation qui n'a donc pas lieu d'être.
Attendu qu'il serait inéquitable que la SA Ano ne soit pas dédommagée des frais irrépétibles qu'elle a été amenée à exposer sur les poursuites téméraires de M. Jacob. Que celui-ci, qui sera débouté de la demande qu'il a formée au même titre, aura à lui verser une indemnité de 5.000 frs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Attendu que succombant en son action il sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs : La COUR, reçoit M. Jacob en son appel principal et la SA Ano en son appel incident, réforme le jugement du tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon du 30 janvier 1996, et statuant à nouveau, constate que la SA Ano n'est redevable d'aucune somme envers M. Jacob, déclare celui-ci mal fondé en toutes ses demandes, l'en déboute, le condamne à verser à la SA Ano une indemnité de cinq mille francs (5.000,00 frs) par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel. Autorise la scp Musereau-drouineau rosaz a poursuivre directement contre lui le recouvrement de ceux d'appel dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision.