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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 29 octobre 1997, n° 9605939

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Agence Allanic Immobilier

Défendeur :

Ubertini

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

MM. Van Ruymbeke, Poumarede

Avoués :

Me Gautier, Mes d'Aboville & De Moncuit St Hilaire

Avocats :

Mes Pomies, Leloup.

T. com. Lorient, du 7 juin 1996

7 juin 1996

Exposé des faits - Procédure - Objet du recours :

Par contrat du 15 septembre 1991, Claude Ubertini est devenue agent commercial d' Allanic Immobilier pour une durée indéterminée, sa mission consistant à commercialiser des biens immobiliers dans la région de Carnac. Sa rémunération était fixée à 1,50% TTC sur prix de vente TTC sur la résidence "Domaine des Tadornes" (ventes "neuf") et à 20% des honoraires d'agence TTC sur les ventes "ancien". Ces taux ont été modifiés par la suite.

Par jugement rendu le 7 juin 1996, le tribunal de commerce de Lorient a condamné Allanic Immobilier à payer à Claude Ubertini une provision de 200.000 francs à titre d'indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial et a ordonné pour le surplus une expertise afin de vérifier et d'évaluer diverses indemnités de résiliation.

Par acte du 4 juillet 1996, Allanic Immobilier a formé appel de ce jugement.

Moyens proposés par les parties :

A l'appui de son appel, Allanic Immobilier fait valoir que :

- Claude Ubertini a commis une faute grave en émettant le 31 août 1994 une facture de 83.494 francs pour des ventes qu'elle n'avait pas réalisées,

- de même l'agent a passé une commande de champagne pour son compte personnel mais au nom du mandant,

- le contrat n'était pas assorti de l' exclusivité,

- fin 1994 Pagent a réduit son activité,

- l'agent e démissionné le 9 février 1995,

- l'agent a subtilisé le registre officiel des mandats de vente, les carnets de bons de visite et les listes informatiques des biens à vendre,

- elle n'a jamais proposé de transaction.

En conséquence, Allanic Immobilier demande à la Cour de rejeter les demandes/de Claude Ubertini et de la condamner à lui payer 100.000 francs à titre de dommages et intérêts pour son attitude abusive et 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Claude Ubertini fait valoir que :

- le mandant a mis unilatéralement fin à son contrat par courrier du 9 février 1995 et a fait disparaître le 10 février 1995 le fichier de sa clientèle, la mettant ainsi dans l'impossibilité de travailler,

- son activité a progressé de 1991 à 1994,

- elle a restitué les registres, tenus sous son entière responsabilité et simplement conservés par elle, le 25 février.

Elle demande à la cour de condamner Allanic Immobilier à lui payer 915.192 francs au titre de l'indemnité légale de cessation du contrat d'agence, 167.326 francs au titre de l'indemnité compensatrice du préavis non respecté, 73.829 francs au titre de l'arriéré de commissions dues outre les intérêts au taux légal à compter du 7 juin 1995, date de l'assignation, et avec capitalisation conformément à l'article 1154 du Code civil.

Elle sollicite également la condamnation de Allanic Immobilier à l'avertir lorsqu'elle aura perçu les honoraires de la vente Gezet/Deby sous astreinte et à lui verser cette commission. Elle réclame enfin 30.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Allanic Immobilier a déposé de nouvelles conclusions et pièces le 2 septembre 1997, soit deux jours avant l'ordonnance de clôture. Claude Ubertini conclut à leur rejet.

Motifs de l'arrêt

Considérant que l'ordonnance de clôture, au vu des dispositions de l'article 784 du Nouveau code de procédure civile, ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue; qu'en l'espèce, aucune cause grave n'est intervenue ni même alléguée ;

Considérant par conséquent que les conclusions et pièces déposées et signifiées par Allanic Immobilier le 2 septembre 1997, soit deux jours avant l'ordonnance de clôture, seront écartées des débats pour violation du principe du contradictoire, Claude Ubertini n'ayant pu en prendre connaissance et y répondre en temps utile ;

Considérant que les commissions réclamées par l'agent peuvent le cas échéant, notamment en cas de contestations par le mandant, faire l'objet de discussions; qu'il en est ainsi de la facture du 31 août 1994 réclamée par Claude Ubertini et contestée par Allanic Immobilier, laquelle d'ailleurs a fait l'objet d'un avoir de 50% par Claude Ubertini le 31 décembre 1994 ;

Considérant que la seule existence d'un différent entre le mandant et son agent commercial sur le montant de factures de commissions et sur leur imputation à l'activité de l'agent ne peut caractériser une faute grave de l'agent ;

Considérant que, dans un courrier adressé à Allanic Immobilier le 8 février, Claude Ubertini contestait l'absence de prise en compte de deux commissions refusées par Allanic Immobilier que, le 9 février, Allanic Immobilier lui adressait à son tour un courrier selon lequel il n'existait plus de collaboration entre eux suite au désir de l'agent en raison du climat de tension ;

Considérant que, dans sa réponse du 11 février, Claude Ubertini rappelait que, lors de sa visite à l'agence, elle avait constaté la disparition de son fichier client et qu'il ne lui était dès lors plus possible de continuer à prospecter la clientèle ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le mandant, l'agent n'a pas démissionné de sa propre initiative, mais a été contraint par lui à cesser leur collaboration compte tenu des tensions existantes consécutives notamment aux différends sur la prise en compte de commissions

Considérant que, dans sa plainte ayant suivi la disparition de son registre des mandats, que l'agent ne conteste pas avoir conservé, Allanic Immobilier, qui en a repris possession suivant procès verbal du 27 février a indiqué qu'il avait disparu le 10, c'est-à-dire après la rupture de leurs relations ; qu'elle ne peut donc être la cause de cette rupture, et donc constituer une faute grave ayant pu la justifier ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les parties se sont rencontrées le 18 février; que, dans un courrier adressé à Allanic Immobilier le 3 mars, Claude Ubertini fait état de ce que le mandant lui a proposé lors de cette réunion une somme de 200.000 francs, offre qu'elle n'a pas acceptée; qu'Allanic Immobilier ne justifie pas avoir protesté au reçu de cette lettre ;

Considérant que le fait qu'une facture de champagne ait été adressée par le fournisseur au mandant le 11 avril 1995, facture qui serait personnelle Claude Ubertini, ne peut davantage être constitutif pour celle-ci d'une faute grave, étant observé que le mandant était libre de la refuser à réception ;

Considérant que le mandant n'a nullement invoqué dans sa lettre de rupture une quelconque absence de résultats ;

Considérant ainsi qu'il n'est pas établi que Claude Ubertini ait démissionné, le mandant ayant de sa propre initiative mis fin au contrat sans qu'il justifie de l'existence d'une faute grave imputable à l'agent; qu'il est en conséquence dû à l'agent une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ainsi qu'une indemnité de préavis ;

Considérant que l'arriéré des commissions réclamées par Claude Ubertini est contesté par Allanic Immobilier; qu'une expertise est nécessaire afin d'apurer les comptes entre les parties, tant pour le calcul des commissions que celui des indemnités; que la provision de 200.000 francs retenue par le jugement est appropriée, les sommes dues à Claude Ubertini au titre de l'indemnité de rupture étant manifestement supérieures à ce montant, au vu des commissions perçues avant la rupture, même si leur calcul précis dépendra des éléments retenus après expertise ;

Considérant qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée; qu'Allanic Immobilier, qui échoue en son recours, n'est fondée à réclamer ni des dommages intérêts ni le remboursement de ses frais irrépétibles et supportera les dépens d'appel, ceux de première instance ayant justement été réservés ;

Considérant qu'il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de Claude Ubertini les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 15.000 francs ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Ecarte des débats les conclusions et pièces déposées et signifiées par Allanic Immobilier le 2 septembre 1997 ; Confirme le jugement déféré ; Condamne en outre Allanic Immobilier à verser à Claude Ubertini 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne Allanic Immobilier aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.