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Décisions

CA Chambéry, ch. civ., 10 septembre 1997, n° 9403566

CHAMBÉRY

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Brossard, Stagilsports (SARL)

Défendeur :

District du Bassin d'Aigueblanche (Sté), Office du Tourisme de Valmorel (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Alberca

Conseillers :

MM. Vigny, Bertrand

Avoués :

Mes Delachenal, Dantagnan

Avocats :

SCP Cochet-Rebut-Selini, SCP Cochet-Maries-Clergue.

TGI Albertville, du 8 nov. 1994

8 novembre 1994

Le district du bassin d'Aigueblanche, membre de l'Office du Tourisme de Valmorel, et propriétaire du secteur du Bois de la Croix comportant un ensemble sportif dont les courts de tennis, a signé début 1983, une convention avec l'office du tourisme de Valmorel, portant sur la gestion et l'exploitation par affermage de l'équipement de tennis.

Le 8 janvier 1983, un contrat a été conclu avec effet au 1er janvier 1982, entre l'office du tourisme de Valmorel et Monsieur Brossard confiant à ce dernier la partie pédagogique des courts de tennis du Bois de la Croix. Ce contrat a été renouvelé le 30 août 1986 entre l'office du Tourisme de Valmorel, d'une part, et Monsieur Brossard agissant pour le compte de la Société Stagilsports créée le 6 octobre 1983, d'autre part.

Le contrat était à nouveau renouvelé le 17 février 1987, ce contrat se renouvelait par tacite reconduction pour une période de deux ans, sauf dénonciation avant le 30 septembre précédant la date anniversaire.

Le 18 septembre 1992, l'Office du Tourisme de Valmorel a dénoncé le contrat le liant à la Société Stagilsports.

C'est dans ces conditions que Monsieur Brossard et la Société Stagilsports ont assigné le district du bassin d'Aigueblanche et l'Office du Tourisme de Valmorel pour les voir condamner à l'indemniser du préjudice subi du fait de la rupture.

Par jugement du 8 novembre 1994, le Tribunal d'Albertville a débouté Monsieur Brossard et la Société Stagilsports de leurs demandes.

Monsieur Brossard et la Société Stagilsports qui ont relevé appel demandent la condamnation solidaire du district du bassin d'Aigueblanche et l'Office du Tourisme de Valmorel à lui payer :

- 974.350 F au titre de la clause pénale et des dommages intérêts

- 672.425 F au titre des sommes retenues ;

- 10.911,20 F au titre des frais de déménagement ;

- 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ils font valoir que l'activité de Monsieur Brossard a été exercée en dehors de tout contrat de prestation de service en 1981 et 1982. Ils soutiennent que les installations faisant l'objet des conventions constituent à elles seules, et indépendamment des courts de tennis, un espace réservé à l'activité commerciale. Ils estiment qu'ils étaient propriétaires d'un fonds de commerce, au regard de l'autonomie dont ils disposaient et ce d'autant qu'ils ont activement contribué à la commercialisation du produit tennis. Ils considèrent qu'il importe peu que l'exploitation du fonds ne soit que saisonnière dès lors que le locataire a la dispositions des installations toute l'année. Si la Cour ne devait pas retenir l'existence d'un bail commercial, les appelants relèvent que leurs relations avec les intimés peuvent s'analyser en un mandat d'intérêt commun qui n'est révocable que du consentement mutuel des parties.

L'Office du Tourisme de Valmorel et le district du bassin d'Aigueblanche concluent à la confirmation et sollicitent 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ils exposent que la période 1981 - 1982 n'est pas constitutive de droits pour Monsieur Brossard qui n'est pas concerné par le contrat d'affermage conclu entre l'office du Tourisme et le district. Ils rappellent que les courts de tennis ne sont ni un local ni un immeuble et que les autres aménagements tels le club house, ne sont pas concernés par les contrats signés par Monsieur Brossard, alors même que la Société Stagilsports avait régularisé un contrat le 2 juin 1992, pour la gestion du bar-restaurant du club house, contrat conclu pour la durée d'été et non renouvelé. Ils soutiennent que Monsieur Brossard, n'avait aucune indépendance quant à la mise en place des différentes formules de stage et que l'activité avait un caractère saisonnier.

Ils retiennent que Monsieur Brossard n'a jamais eu pour fonction d'accomplir des actes juridiques pour le compte de l'Office du Tourisme.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Monsieur Brossard n'a été lié au Groupement Européen d'Etude et de Réalisation (GEER) par aucune convention. Le GEER dont rien n'établit qu'il ait eu la qualité de maître de l'ouvrage délégué du district, a assuré la promotion des activités de la station de Valmorel tandis que l'Office du Tourisme gérait les équipements.

Le contrat d'affermage a été conclu entre le district du bassin d'Aigueblanche et l'Office du Tourisme de Valmorel auquel sont confiées la gestion et l'exploitation des courts de tennis implantés au Bois de la Croix. Dans le cadre de son activité, l'Office du Tourisme peut selon la convention, s'attacher un prestataire de service , ou se substituer une tierce personne pour partie ou totalité de ses obligations, cette tierce personne devant être agréée par le district. Au terme de la convention d'affermage, le "fermier" est bien l'Office du Tourisme et non Monsieur Brossard, qui n'est pas partie à l'acte et qui n'a pas été substitué à l'Office du Tourisme. Le contrat d'affermage n'a pas, ainsi que le soutiennent les appelants,, entériné la situation antérieure au contrat marquant l'existence d'un contrat verbal entre Monsieur Brossard et le district, alors même qu'aucun élément n'établit la réalité du contrat verbal allégué.

Avant la conclusion de la convention du 8 janvier 1983, aucun contrat n'a lié Monsieur Brossard à l'Office du Tourisme de Valmorel ou au district du bassin d'Aigueblanche.

- Sur la propriété commerciale

Pour ce qui concerne la période ayant commencé à courir à compter du 8 janvier 1983, ou plus exactement à compter du 1er janvier 1982, date rétroactive d'entrée en vigueur ; Monsieur Brossard n'est pas fondé à revendiquer la propriété commerciale.

En effet les courts de tennis ne sont pas des locaux clos. Les autres aménagements tels le club house ne sont pas concernés par les trois conventions successives intervenues entre Monsieur Brossard et l'Office du Tourisme de Valmorel. Au demeurant la Société Stagilsports a conclu le 2 juin 1992, avec le district du bassin d'Aigueblanche, un contrat de gestion du bar restaurant du club house du Bois de la Croix. Ce contrat n'a pas été renouvelé. En deuxième lieu, Monsieur Brossard n'avait pas d'indépendance quant à la mise en place des différentes formules de stage. Le rôle de Monsieur Brossard défini par le contrat du 8 janvier 1983 est d'assurer l'animation sportive des courts de tennis et notamment des stages. Les deux contrats postérieurs définissent la mission confiée à la Société Stagilsports que Monsieur Brossard vient de créer dans les mêmes termes. Dans ces trois contrats, l'Office du Tourisme est chargé de la commercialisation des stages pédagogiques et de la gestion de l'ensemble des court de tennis et du matériel qui y sera attaché. Il n'est pas contesté qu'au terme du cahier des charges, les différentes formules de stages de tennis devaient être élaborées dans le cadre d'un projet soumis chaque année à l'approbation de l'Office du Tourisme de Valmorel et de l'organisme de commercialisation quelle que soit la nécessaire autonomie dont Monsieur Brossard a pu disposer dans la mise en œuvre de son savoir-faire professionnel, les différents éléments examinés ci-dessus établissent qu'il ne bénéficiait vis à vis de l'Office du Tourisme d'aucune indépendance. En troisième lieu, il est incontestable que Monsieur Brossard a exercé son activité dans un cadre saisonnier. En effet, Monsieur Brossard qui a exercé son activité pendant la période estivale n'avait pas l'usage continu des installations.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que Monsieur Brossard n'avait pas la propriété commerciale.

- Sur le mandat d'intérêt commun

Les relations liant l'Office du Tourisme et Monsieur Brossard doivent s'analyser en un mandat d'intérêt commun. En effet, il est incontestable que tant l'Office du Tourisme que Monsieur Brossard avaient l'un et l'autre un intérêt, notamment pécuniaire, au développement des stages de tennis. En d'autres termes, chacune des parties a contribué par leur collaboration à l'accroissement d'une activité commune, elles ont été liées par une convergence d'intérêts et chacune en a tiré avantage.

Le mandat donné par l'Office du Tourisme à Monsieur Brossard est la mise en œuvre des différentes conventions signées entre eux.

Le mandat donné dans l'intérêt commun du mandant et du mandataire ne peut être révoqué par la volonté de l'une des parties mais seulement de leur consentement mutuel ou pour une cause légitime. En l'espèce, la révocation n'étant pas le fait de chacune des parties ou n'ayant pas été donné pour une cause légitime, elle doit être déclarée abusive. En réparation du préjudice subi par Monsieur Brossard et par la Société Stagilsports, le district du bassin d'Aigueblanche et l'Office du Tourisme de Valmorel, seront tenus solidairement de leur verser la somme globale de 100.000 F à titre de dommages et intérêts.

L'équité détermine la condamnation du district du bassin d'Aigueblanche et l'Office du Tourisme de Valmorel à payer à Monsieur Brossard et à la Société Stagilsports, la somme globale de 5.000 F.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement contradictoirement : Après en avoir délibéré conformément à la loi : Infirme le jugement du Tribunal de Grande Instance d'Albertville du 8 novembre 1994 en toutes ses dispositions ;Et statuant à nouveau ; Dit que le district du bassin d'Aigueblanche et l'Office du Tourisme de Valmorel, ont mis fin abusivement au mandat d'intérêt commun, les liant à Monsieur Brossard et à la Société Stagilsports; Condamne solidairement le district du bassin d'Aigueblanche et l'Office du Tourisme de Valmorel à payer à Monsieur Brossard Gilles, et à la Société Stagilsports, la somme globale de 100.000 F (Cent mille francs) à titre de dommages et intérêts et celle de 5.000 F (Cinq mille francs) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne le district du bassin d'Aigueblanche et l'Office du Tourisme de Valmorel, aux dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Delachenal selon des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.