CA Chambéry, ch. civ. sect. 2, 21 janvier 1998, n° 9500688
CHAMBÉRY
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Couture
Défendeur :
Ancey (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Alberca
Conseillers :
M. Leclerc, Mme Durand Mulin
Avoués :
Me Delachenal, SCP Vasseur-Bollonjeon-Arnaud
Avocats :
Me Chantelot, SCP Ballaloud-Aladel-Coudray-Hael.
Par déclaration au greffe du 6 mars 1995, Mme Lydie Stapfer épouse Couture a relevé appel d'un jugement rendu le 2 février 1993 par le tribunal d'instance de Bonneville, greffe permanent de Sallanches qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, a débouté les époux Maurice Ancey de leur demande reconventionnelle en dommages-intérêts et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par acte authentique du 4 mars 1986 dressé par Me Brand, notaire à Chamonix, Mme Lydie Stapfer a donné à bail aux époux Ancey un local Commercial sis 33 avenue du , avenue 33 rue Whymper.
Depuis cette date, elle a dû subir la résistance répétée de ses locataires quant au paiement du loyer et qu'outre le commandement de payer du 21 avril 1994, elle a donné congé à ses locataires pour le 31 mai 1994 par acte de Me Sage, huissier de justice, du 19 octobre 1993.
Les défendeurs, de leur côté, ont affirmé que les loyers étaient payés ; ils ont déclaré, au reçu du congé avec offre de renouvellement, accepter ce dernier, tout en rejetant les conditions nouvelles.
Aucun accord n'est intervenu et Mme Couture a assigné les époux Ancey en paiement du coût du commandement resté à sa charge (669,59 frs) et en expulsion, l'indemnité d'occupation devant être fixée à 7 000,00 frs par mois, Mme Couture réclamant en outre 5 000,00 frs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile (porté à 10 000,00 frs devant la Cour).
Ayant constaté de multiples infractions comme un détournement de la destination des lieux, Mme Couture a sollicité la résiliation du bail si tant est que les époux Ancey pouvaient se prévaloir du décret du 30 mai 1953. C'est dans ces conditions que le jugement déféré est intervenu.
Mme Lydie Stapfer épouse Jean Couture, appelante, confirme qu'elle demande remboursement du coût du commandement de payer car s'il est vrai que les loyers ont été réglés à réception, il a été nécessaire pour obtenir ce résultat.
L'occupation sans droit ni titre ne peut être contestée car, lors de la délivrance du congé avec offre de renouvellement du 19 octobre 1993, les époux Ancey n'étaient plus inscrits au registre du commerce depuis le 31 janvier 1988 pour M. Ancey et depuis le 31 décembre 1973 pour Mme Ancey ; dès lors, les époux Ancey ne pouvaient bénéficier du statut et le premier juge, à tort, a retenu qu'ils avaient acquis un droit au renouvellement.
Cependant, les époux Ancey ont déclaré que le statut de 1953 leur était applicable car ils ont justifié que le fonds était exploité sous forme de location-gérance ; cependant, ladite location-gérance n'a été passée que par M. Ancey, et de plus, est nulle car Mme Ancey n'a pas exploité le fonds pendant deux ans et n'était pas inscrite au registre du commerce pendant sept ans.
Subsidiairement, Mme couture sollicite la résiliation du bail compte tenu de multiples infractions commises par le preneur :
- non paiement répété et abusif des loyers à leur date,
- non inscription de Mme Ancey au registre du commerce et radiation des époux Ancey dudit registre sans que la mention de mise en location-gérance ne soit portée ;
- détournement de la destination des lieux : vente de liqueurs autres que le génépi, vente de chocolats interdits par avenant du 25 octobre 1987.
Par arrêt du 24 septembre 1997, la Cour, abrégeant le délibéré, a ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de respecter le principe du contradictoire.
Sur quoi, LA COUR :
1°) Sur les frais de commandement de payer :
Attendu que c'est grâce au commandement de payer du 21 avril 1994 de Me Sage que les loyers arriérés ont été payés ;
Que les époux Ancey ayant commis la faute de retard dans le paiement des loyers, doivent en réparer tous les préjudices, y compris rembourser les frais de commandement pour 669,59 frs ;
2°) Sur l'occupation sans droit ni titre :
Attendu que le statut des baux commerciaux ne peut bénéficier qu'aux commerçants régulièrement inscrits au registre du commerce en vertu de l'article 1 du décret ;
Or, attendu que lors de la délivrance du congé avec offre de renouvellement du 19 octobre 1993, M. Ancey était radié du registre du commerce depuis le 31 janvier 1988 et Mme Ancey depuis le 31 décembre 1973 ;
Que le statut ne leur étant pas applicable, les époux Ancey sont devenus occupants sans droit ni titre à compter du 31 mai 1994 ;
Attendu que la cour de cassation (civ. 3e, 12.10.1982) a précisé que "lorsque le bail est consenti à des époux communs en biens (ce qui est le cas en l'espèce) il suffit que l'époux exploitant soit immatriculé", ce qui, au 31 mai 1994, n'était le cas d'aucun des deux époux ;
Attendu que les époux Ancey ont fait valoir que le statut leur était tout de même applicable pour avoir exploité le fonds sous forme de location-gérance, le droit au renouvellement restant acquis au bailleur;
Mais attendu que cette location-gérance est irrégulière ;
Que les époux Ancey sont titulaires du fonds, alors que c'est M. Ancey seul qui a consenti la location-gérance ;
Que l'un des deux époux, à savoir Mme Ancey, n'était plus inscrite au registre du commerce depuis le 31 décembre 1973 ;
Qu'enfin Mme Ancey ne remplissait pas les conditions de la loi du 20 mars 1956 concernant les délais (exploitation depuis deux ans, inscription au registre du commerce pendant 7 ans) ;
Attendu que les époux Ancey étant déclarés occupants sans droit ni titre, point n'est besoin d'examiner le moyen subsidiaire de résiliation du bail pour le cas où le 1) du 30 septembre 1953 serait applicable ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
3°) Sur l'indemnité d'occupation :
Attendu qu'à défaut de toute contestation, cette indemnité d'occupation due par les époux Ancey à compter du 1er juin 1994 jusqu'à leur départ effectif, sera fixée à 7 000,00 frs par mois ;
4°) Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Attendu qu'il serait inéquitable que Mme Couture supporte la totalité des frais exposés et qu'une indemnité, à ce titre, de 5 000,00 frs doit lui être allouée ;
Par ces motifs : La COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi, vu l'arrêt de la Cour d'Appel de Chambéry du 24 septembre 1997 ; reçoit Mme Lydie Stapfer épouse Jean Couture en son appel, régulier en la forme ; Au fond, la déclare bien fondée ; En conséquence : - infirme le jugement déféré en toutes des dispositions ; Et statuant à nouveau - condamne les époux Ancey à payer à Mme Couture la somme de 669,59 frs avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 1994 en remboursement du coût du commandement de payer à eux délivré le 19 octobre 1993 ; - constate que les époux Ancey sont devenus occupants sans droit ni titre à compter du 31 mai 1994 pour le local commercial sis à Chamonix, 33 avenue whymper - en conséquence, dit que les époux Ancey devront libérer tant de leur personne que de leurs biens ainsi que de tous occupants de leur chef ledit local et ce, dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt ; - dit que faute de ce faire dans ce délai, ils y seront contraints par tous moyens de droit, au besoin avec le concours de la Force Publique ; - dit que les époux Ancey devront régler à Mme couture à compter du 1er juin 1994 une indemnité d'occupation mensuelle de 7 000,00 frs et ce, jusqu'au jour de leur départ effectif ; - condamne par ailleurs les époux Ancey à payer à Mme Couture la somme de 5 000,00 frs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; - les condamne enfin aux dépens, tant de première instance que d'appel, ces derniers étant distraits au profit de Me Delachenal, avoué, sur le fondement de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.