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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 15 janvier 1998, n° 96-13885

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

GSX (Sté), Souchon (ès qual.)

Défendeur :

Flaux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Conseillers :

M. Bouche, Mme Cabat

Avoués :

SCP Duboscq- Pellerin, SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet

Avocats :

Mes Guillevin, Souchon.

T. com. Corbeil, 3e ch., du 3 avr. 1996

3 avril 1996

Par contrat dit de " concession franche" du 8 mars 1991 la société Xon a concédé à Yves Flaux l'exclusivité de la vente d'alarmes à synthèse vocale de sa marque dans les départements des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône et du Var, secteur amputé un mois plus tard d'un commun accord du deuxième de ces départements.

Le 24 mai 1991 la société Xon a émis trois factures d'un montant total de 636.618,05 F toutes taxes comprises correspondant au packtage de départ, à un complément et à une nouvelle commande de matériel. Yves Flaux a payé 620.000 F.

Début juillet 1991 Yves Flaux a informé la société Xon de son intention de cesser toute activité et a restitué le packtage et le matériel non-utilisé. La société Xon ne lui a remboursé que la part du matériel de la dernière commande qu'Yves Flaux lui avait payé.

S'estimant créancier de la somme de 450.000 F hors taxes Yves Flaux a fait délivrer en vain à la société Xon au début de mars 1992 une sommation de lui remettre un exemplaire du contrat signé le 8 mars 1991 puis l'a fait assigner le 19 août 1992 en nullité du contrat et en paiement des 533.700 F toutes taxes comprises qui ne lui avaient pas été restitués et de dommages intérêts.

Par jugement du 3 avril 1996 le Tribunal de commerce de Corbeil-Essonnes :

- a déclaré nul le contrat de concession du 8 mars 1991 au motif principal que les dispositions de la Loi du 31 décembre 1989 dite loi Doubin n'avaient pas été respectées,

- et a condamné la société Xon à payer à Yves Flaux la somme de 533.700 F toutes taxes comprises augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 1991, 20.000 F de dommages-intérêts et 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Xon a relevé appel de cette décision assortie de l'exécution provisoire.

Devenue société GSX par changement de dénomination sociale, elle expose :

- qu'Yves Flaux s'est substitué une société SMYS qu'il a constituée avec des membres de sa famille pour exploiter la concession, sans jamais en aviser la société Xon et à seule fin de se dérober à ses engagements personnels ;

- qu'Yves Flaux dont l'incompétence s'est très vite révélée, a décidé de couper court à toutes relations commerciales avec la société Xon et a déposé plainte le 3 1mars 1992 entre les mains du doyen des Juges d'Instruction d'Évry qui a écarté par ordonnance de non-lieu du 7 septembre 1994 tout reproche d'escroquerie et de publicité mensongère.

La société Xon reprend ses moyens de première instance que le Tribunal aurait écartés à tort pour conclure à l'infirmation du jugement entrepris, au rejet des demandes d'Yves Flaux et à sa condamnation à lui verser 20.000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle soutient ainsi que la loi Doubin ne serait pas applicable, subsidiairement que la lettre qu'elle a adressée le 8 février 1991 à Yves Flaux suffit à prouver qu'il a été parfaitement informé des engagements qu'il envisageait de souscrire, enfin qu'Yves Flaux s'est substitué la société SMYS et n'a plus qualité à agir en nullité d'un contrat qui, d'un commun accord, a été transféré à cette société.

A la suite d'un jugement du 28 avril 1997 du Tribunal de commerce d'Évry qui a prononcé la liquidation judiciaire de la société GSX, Maître Souchon est intervenu volontairement par conclusions du 9 juin 1997 en sa qualité de mandataire liquidateur. Il reprend à son compte le 31 juillet 1997 les demandes et moyens de la société GSX et précise subsidiairement qu'une fixation de la créance d'Yves Flaux peut seule intervenir.

Yves Flaux réplique que la loi Doubin est applicable dès sa promulgation même sans décret d'application, que la nullité du contrat du 8 mars 1991 résulte de la violation des obligations mises à la charge de la société Xon par application de l'article 1er de cette loi et que la lettre du 8 février 1991 qui aurait accompagné l'envoi pour étude du projet de convention préalable à la signature du contrat de concession n'a pas de valeur probante.

L'intimé conteste enfin s'être substitué l'éphémère société SMYS, créée le 29 avril 1991, dissoute dès le 15 juillet suivant et dont son fils Sylvain était le gérant.

Il conclut à la confirmation du jugement déféré, sauf à voir fixer sa créance sur la liquidation de la société GSX à la somme de 533.700 F avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 1991, et à voir porter les dommages-intérêts à la somme de 100.000 F.

Il précise le 9 octobre 1997 qu'il a déclaré le 27 mai 1997 une créance de 923.074,96 F montant auquel il demande à la Cour sa fixation.

MOTIFS DE LA COUR :

Considérant que le contrat de concession franche signé le 8 mars 1991 l'a été entre la société Xon et Yves Flaux personnellement sans que soit fait référence à une société SMYS fût-elle en formation ni à une quelconque substitution possible d'un tiers qui viendrait reprendre autrement que par une sous-concession les engagements pris par Yves Flaux ;

Qu'il est exact qu'une société SMYS a été créée peu après la signature du contrat par Yves Flaux et les membres de sa famille et que l'acte de constitution du 29 avril 1991 de cette société indique pour objet social l'achat, la vente, l'importation, l'exportation, la location, l'exploitation sous toutes ses formes aux professionnels, aux collectivités et aux particuliers de matériel de sécurité, de domotique, d'électronique ;

Qu'Yves Flaux ne nie pas que cette société avait vocation à prendre son relais en tant que concessionnaire de la marque Xon ;

Que cependant aucune novation n'est intervenue; qu'Yves Flaux a effectué à la société Xon les paiements dont la répétition est demandée, à une époque où la société SMYS n'existait pas ; que la société Xon ne nie pas que le matériel restitué après rupture du contrat a été repris début juillet 1991 au domicile d'Yves Flaux à Valmont (50) et non au siège de la société SMYS à Valbonne (06) ; que les factures adressées par la société Xon à la société SMYS concernant les versements d'Yves Flaux et les échanges de courriers entre la société Xon et la société SMYS qui s'est prêtée à la confusion introduite par la facturation de la société Xon ne changent rien au fait que les parties n'ont jamais concrétisé une substitution de concessionnaire et qu'Yves Flaux n'a même pas demandé au concédant d'accorder une sous concession sur son secteur d'exclusivité à la société SMYS comme l'y autorisait expressément l'article 8 du contrat ;

Qu'enfin la société Xon ne peut reprocher à Yves Flaux sans se contredire d'avoir tenté de se dérober à ses obligations personnelles en introduisant dans leurs relations une société écran, et de n'avoir pas qualité et intérêt à agir;

Considérant en conséquence que la société Xon n'apporte la preuve ni qu'Yves Flaux ait agi au nom d'une société en formation ni que la société SMYS ait repris ses engagements avec l'accord de la société Xon au point d'être réputée avoir contracté dès l'origine par application de l'article 1843 du Code Civil ; qu'Yves Flaux a donc qualité et intérêt à agir ;

Considérant que la société Xon persiste à soutenir que la loi du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises et à l'amélioration de leur environnement économique, juridique et social, n'est pas applicable au contrat du 8 mars 1991, dans la mesure où l'indispensable décret d'application de cette loi n'a été signé que le 4 avril 1991,et ne peut avoir d'effet rétroactif ;

Qu'en réalité la loi Doubin était applicable dès sa promulgation faute de disposition contraire; que seules certaines dispositions d'application ont été précisées par le décret du 4 avril 1991 ; qu'il en est ainsi de l'énumération des documents devant être mis à la disposition des franchisés et des distributeurs lors de la signature de leurs engagements ; qu'en revanche l'alinéa 4 de l'article 1er de la loi Doubin, n'avait nul besoin d'être complété et était de ce fait applicable dès la promulgation de la loi;

Que ce texte d'ordre public stipule que le document d'information sincère prévu par le premier alinéa de l'article 1er ainsi que le projet de convention doivent être communiqués au candidat distributeur vingt jours au minimum avant la signature du contrat ou avant le versement des premières sommes; que l'absence d'une telle communication est sanctionnée par la nullité du contrat;

Considérant que la société Xon à laquelle incombe la charge de la preuve de cette communication préalable dont Yves Flaux conteste l'existence, produit pour la première fois en appel une lettre datée du 8 février 1991 rédigée :

"Commue convenu lors de nos différents entretiens, veuillez trouver ci-joint un exemplaire du contrat de concession franche qui reprend les éléments de notre conversation";

Qu'Yves Flaux, qui s'étonne à juste titre de la tardiveté de la communication de cette pièce, prétend qu'il n'a contacté la société Xon qu'après avoir lu un article de presse paru en février 1991, que sa première rencontre avec les représentants de la société Xon ne date que du 1er mars, que la dactylographie du courrier ne correspond pas à celle d'autres documents de la même époque et que l'adresse de la société Xon à Lisses qui y est mentionnée, n'a été utilisée dans la correspondance qu'en mai 1991, l'adresse utilisée étant encore celle d'Évry en février 1991 ;

Que l'absence de production de la lettre en première instance alors que l'information préalable était déjà au coeur du débat, et l'absence de preuve d'un quelconque envoi de cette lettre lui ôtent toute valeur probante et conduisent plutôt la Cour à croire qu'elle a été fabriquée récemment pour les besoins de la cause ;

Considérant en conséquence que la société Xon n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'elle a respecté les dispositions déjà applicables de la loi du 31 décembre 1989 dite la loi Doubin;

Que le Tribunal a en conséquence justement sanctionné cette carence par le prononcé de la nullité du contrat et par la condamnation de la société Xon à restituer l'intégralité des sommes versées par Yves Flaux;

Que l'intimé justifie avoir déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur de la société Xon devenue GSX; qu'il est recevable et fondé en sa demande de fixation de créance dans la limite de la somme principale de 533.700 F augmentée des intérêts au taux légal du jour des versements à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective qui en a arrêté le cours, et des 10.000 F fondés sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Qu'il n'est par contre justifié d'aucun préjudice autre que le retard de paiement et les frais irrépétibles réparés par ailleurs ;

Qu'en appel Yves Flaux a exposé des frais irrépétibles supplémentaires que la situation économique irrémédiablement dégradée de la société GSX conduit toutefois la Cour à exclure en équité une nouvelle indemnisation du créancier au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Par ces motifs, Confirme le jugement du 3 avril 1996 en ce qu'il a déclaré nul le contrat de concession du 8 mars 1991 et Yves Flaux bien fondé en ses demandes en restitution des sommes qu'il avait versées ; Dit toutefois qu'en raison de la liquidation judiciaire de la société GSX, nouvelle dénomination sociale de la société Xon, aucune condamnation ne peut désormais intervenir à l'encontre de cette société ; Fixe la créance d'Yves Flaux sur la liquidation judiciaire de la société GSX aux sommes mises à la charge de la société Xon par le jugement confirmé à l'exception des 20.000 F de dommages-intérêts dont la demande est rejetée ; Condamne Maître Souchon es qualités de mandataire-liquidateur de la société GSX aux dépens d'appel ; Admet la SCP Duboscq Pellerin, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.