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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 13 mars 1997, n° 5103-94

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

VCF Anaïs (SARL), Pinon (ès qual.), Guillemonat (ès qual.)

Défendeur :

Delta Vidéo Diffusion (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frank

Conseillers :

MM. Limoujoux, Boilevin

Avoués :

Me Bommart, SCP Gas

Avocats :

Mes Renaudin, Deschamps.

T. com. Nanterre, du 29 avr. 1994

29 avril 1994

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Anaïs International est producteur de cassettes pornographiques ; la société Delta Vidéo Diffusion ci-après dénommée DVD, est distributeur de cassettes vidéo :

Un contrat de distribution régularisé le 25 février 1992 lie les parties. L'article 5 est ainsi rédigé : "le présent contrat est établi pour une période de 18 mois à partir du 2 avril 1992. A l'issue de cette période, il sera alors renouvelé pour une durée indéterminée. Chacune des parties aura donc la faculté d'y mettre fin, à condition de respecter les conditions d'usage et notamment de prévenir l'autre partie de son intention par lettre recommandée avec accusé deréception en respectant un préavis de 6 mois".

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 mars 1993, DVD a fait entendre qu'elle n'avait pas l'intention de renouveler le contrat qui prendrait fin au 2 octobre 1993.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 1er avril suivant, Anaïs a dénoncé à DVD le caractère abusif de sa rupture et exposait que la lettre ne pouvait être adressée avant le 2 octobre 1993.

Ensuite d'une assignation délivrée à la requête de la société Anaïs en paiement d'une somme principale de 2 357 000 F à titre de dommages intérêts pour le préjudice subi du fait de la rupture abusive du contrat, le Tribunal de Commerce de Nanterre a, par un jugement en date du 29 avril 1994 présentement soumis à l'appréciation de la Cour, débouté la société Anaïs de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à Delta Vidéo Diffusion une somme de 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Le Tribunal a relevé que s'il existait une ambiguïté dans les dispositions de l'article 5 du contrat, il n'en restait pas moins que la durée de celui-ci était bien de 18 mois avec échéance le 2 octobre 1993 et non de 24 mois (18 mois plus 6 mois de préavis) comme le sous-entend Anaïs. Surabondamment, le Tribunal relevait qu'Anaïs avait eu toutes possibilités durant 4 mois de se mettre à la recherche d'autres partenaires, alors que de son côté DVD avait expliqué qu'il avait été absorbé par Polygram qui ne souhaitait pas le renouvellement à son terme du contrat de distribution.

La société Anaïs International a relevé appel de cette décision et sollicite son infirmation ; elle reprend sa demande en paiement de 2 357 000 F à titre principal, réclamant en outre 20 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Elle expose notamment que la société Delta Vidéo Diffusion savait qu'elle ne pourrait pas exécuter ses obligations contractuelles jusqu'au 2 octobre 1993 et ne s'était pas opposée à la reprise du stock le 9 juin 1993. Elle en déduit que dès le mois de mai 1993, Delta avait rompu le contrat en cessant de fournir ses prestations, soit un mois après la lettre de dénonciation du contrat.

Elle reprend également le moyen déjà développé devant le premier juge selon lequel le contrat ne pouvait être dénoncé avant 24 mois.

Elle chiffre son préjudice en fonction de la perte de marge brute, de la prévision d'augmentation de son chiffre d'affaires, et de son stock inutilisable.

La société Delta Vidéo Diffusion demande la confirmation du jugement et l'allocation d'une somme de 20 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Elle expose qu'au terme du contrat et sous réserve d'avoir respecté un préavis de six mois, elle était en droit de cesser toute relation commerciale à l'échéance des 18 mois, soit au 2 octobre 1993.

Elle ajoute que dès le 9 juin 1993, Anaïs avait exigé le retour de l'ensemble du stock de vidéo cassettes qu'elle détenait, alors que Delta s'était engagée à respecter ses obligations ; elle rappelle avoir commandé 240 cassettes le 2 juillet 1993 vainement, en contravention avec l'article 12 du contrat.

Elle insiste sur le fait que la résiliation n'avait pas pour objet de nuire à Anaïs qui ne justifie, au surplus, pas du préjudice qu'elle allègue.

Maître Pinon est intervenu volontairement à la procédure en tant qu'administrateur au redressement judiciaire de la société Anaïs et a repris ses écritures.

Il a sollicité par la suite sa mise hors de cause du fait de l'intervention volontaire et de la reprise de la procédure par Maître Guillemonat, commissaire à l'exécution du plan de la société VCF Anaïs.

Sur ce, LA COUR

Considérant que l'article 5 du contrat a été parfaitement interprété par les premiers juges, en ce qu'il indique que le contrat avait été conclu pour une durée de 18 mois et pouvait ne pas être renouvelé par Delta à l'issue de ces 18 mois, en respectant un préavis de six mois; que surabondamment, on remarque à l'examen d'un courrier rédigé en période précontractuelle du 7 octobre 1991 qu'Anaïs confirmait, que l'accord était d'une durée de 18 mois à partir du 2 avril 1992 et précisait : "A l'issue de cette période, il sera alors renouvelé pour une durée indéterminée et dénonciable dans les mêmes délais"; qu'en effet, il était prévu que le contrat à durée déterminée serait dénonciable dans les mêmes conditions que le contrat d'une durée indéterminée, en respectant le délai de préavis de six mois; que dès lors, en décidant par lettre du 30 mars 1993 de ne pas renouveler le contrat et en précisant que celui-ci prendrait fin le 2 octobre 1993, la société Delta s'est conformée au contrat et n'a commis aucune faute;

Qu'il apparaît encore que si, comme l'indiquent à juste titre les premiers juges, Delta n'avait pas, en résiliant, tenté de nuire au fournisseur, il n'en reste pas moins qu'Anaïs n'avait pas respecté les dispositions de l'article 12 du contrat qui lui imposaient de laisser au distributeur le droit de conserver en stock la quantité de vidéo cassettes suffisantes pour honorer toute commande à date;

Considérant qu'il convient dans ces conditions de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et y ajoutant, de mettre hors de cause Maître Pinon es-qualités, et de condamner la société Anaïs et Maître Guillemonat, es-qualités, au paiement d'une somme complémentaire de 10.000 F en application de l'article 700 du NCPC au titre des frais irrépétibles, qu'il serait en cause d'Appel inéquitable de laisser à la charge de l'intimée ;

Par ces motifs, Et ceux non contraires des premiers juges que la Cour adopte expressément, Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort, Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Met hors de cause Maître Pinon, es-qualités ; Condamne Maître Gillemonat, es- qualités et la société Anaïs International à payer à la société Delta Vidéo Diffusion une somme complémentaire de 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC et en tous les dépens, autorisation étant accordée à la SCP Gas de les recouvrer en application de l'article 699 du NCPC.