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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. B, 24 novembre 1998, n° 95000757

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Zune

Défendeur :

Etablissements du Château La Tour Carnet (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boutie

Conseillers :

Mme Ellies-Thoumieux, M. Minvielle

Avoués :

SCP Rivel-Combeaud, Me Fournier

Avocats :

Mes Trassard, Lambert.

TGI Bordeaux, du 13 déc. 1994

13 décembre 1994

Suivant jugement prononcé le 13 décembre 1994 par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, Monsieur Pierre Zune, qui après que la Société d'Exploitation du Château La Tour Carnet eut dénoncé le contrat dit " de commissions d'intermédiaire " qu'elle lui avait consenti le 12 mars 1990, poursuivait paiement d'une somme de 1.400.000,00 F à titre de dommages et intérêts ainsi que d'une somme de 52.297,69 F qu'il prétendait lui rester due sur les rémunérations stipulées dans la même convention, a été débouté de ses demandes. Monsieur Zune a été en outre condamné à payer à la Société d'Exploitation du Château La Tour Carnet une somme de 3.000,00 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Pierre Zune a régulièrement interjeté appel de ce jugement auquel il fait grief d'avoir retenu par une interprétation erronée de la convention intervenue entre lui même et la Société du Château de La Tour Carnet que celle-ci avait cessé de recevoir effet en même temps qu'aux termes d'un protocole d'accord du 28 Août 1992, ladite société et le Consortium Vinicole de Bordeaux et de la Gironde (CVBG) avaient résilié par anticipation le contrat de commercialisation conclu par son intermédiaire le 12 mars 1990, lequel conférait au CVBG l'exclusivité des achats de vins produits sous l'appellation Château La Tour Carnet, et portant sur 80 % des récoltes 1990 à 1994 inclus du Château ; l'appelant dont les interventions et la négociation pour le compte de la Société du Château La Tour Carnet, du contrat conclu avec le CVBG auraient été déterminantes, et qui aurait ultérieurement assuré la bonne exécution de ce marché, soutient que fondé à se prévaloir soit du statut du courtage soit de l'existence d'un mandat d'intérêt commun, il doit par le fait même, et sans que la rupture anticipée du contrat liant la Société du Château La Tour Carnet au CVBG lui soit opposable, être admis à avoir paiement de la totalité des commissions octroyées par le contrat que lui a consenti la Société du Château La Tour Carnet, et lequel stipule " non révisable pour la durée du contrat de commercialisation " entre les parties à celui-ci, devrait ainsi recevoir exécution jusqu'au terme conventionnellement prévu ; Monsieur Pierre Zune conclut en conséquence à ce que le préjudice que lui a occasionné l'inexécution des obligations contractées par la Société du Château de La Tour Carnet, soit réparé par l'octroi de dommages et intérêts arrêtés à un montant de 1.395.996,53 F s'agissant du contrat principal passé avec le CVBG et la somme de 347.718,74 F s'agissant de marchés anglais et suisse également repris par le CVBG ; il conclut encore au paiement d'une somme de 795.960,00 F à titre de dommages et intérêts pour perte de chance ; enfin il entend avoir règlement d'une somme de 74.264,48 F qui lui resterait due sur des achats effectués et payés par le CVBG ; intérêts des dites sommes à compter du 22 Janvier 1993 sont également demandés ainsi que l'octroi d'une indemnité de 5.000,00 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La Société d'Exploitation de Château La Tour Carnet conclut à la confirmation de la décision entreprise ainsi qu'à paiement d'une somme de 100.000,00 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive d'une somme de 30.000,00 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Attendu que suivant conventions distinctes, l'une et l'autre en date du 12 mars 1990, la Société d'Exploitation du Château La Tour Carnet a entendu, d'une part, donner l'exclusivité de la commercialisation de ses vins au CVBG, qui à cet effet, s'est engagé à effectuer l'achat de 80 % des récoltes des années 1990 à 1994 inclus, d'autre part, recourir à l'assistance de Monsieur Pierre Zune, qui après avoir rapproché les parties au contrat de commercialisation, a accepté d'intervenir à nouveau en qualité d'intermédiaire afin d'assurer la bonne exécution des ventes ayant fait l'objet de l'accord entre le producteur et le négociant ; qu'il est en outre stipulé dans le contrat dit " de commissions d'intermédiaire ", que Monsieur Pierre Zune percevra sur tous les achats fait par le CVBG une commission de 2 % pour le millésime 1990, une commission de 3 % pour le millésime 1991, une commission de 4 % pour les millésimes suivants ; qu' il est dit par ailleurs que ces commissions seront dues " tant que le contrat avec le CVBG sera maintenu... ", étant encore précisé que " le contrat octroyé à Monsieur Pierre Zune , " qui percevra son pourcentage de commissions sur "chaque versement effectué par le CVBG, est conclu et non révisable pour la durée du contrat de commercialisation entre le CVBG et la Société d'Exploitation du Château La Tour Carnet " ;

Attendu qu'il suit des clauses sus-rappelées que le contrat consenti à l'intermédiaire ne pouvait demeurer en vigueur qu'autant que le contrat de commercialisation continuait à recevoir effet ; qu'à l'évidence le concours que Monsieur Zune devait apporter à la Société du Château La Tour Carnet, était subordonné à la poursuite du contrat de commercialisation ; qu'il peut d'autant moins être contesté que seules les conditions auxquelles Monsieur Zune était en droit de prétendre à l'exécution de la convention en litige étaient " non révisables ", qu'une " révision de prix " qui devait permettre à Monsieur Zune de bénéficier d'une augmentation de ses commissions, a été au contraire prévue ;

Attendu que dès lors qu'en suite de la résiliation intervenue d'un commun accord entre les parties au contrat de commercialisation, celui-ci a pris fin le 28 Août 1992, le contrat de commissionnement défini en termes non équivoques comme l'accessoire de l'obligation principale souscrite auprès de la Société du Château La Tour Carnet par le CVBG est parvenu à son terme contractuel à même date;

Attendu par ailleurs que faute par Monsieur Zune de justifier d'une carte d'identité professionnelle, de bordereaux d'enlèvement de régie portant l'indication du courtier qui est intervenu, le premier juge a exactement retenu que celui-ci dont en outre les fonctions d'employé salarié par le Centre d'Embouteillage Girondins n'ont fait l'objet d'aucune contestation de sa part, ne remplissait pas les conditions exigées par la législation applicable an matière de courtage des vins ;

Attendu que Monsieur Zune, qui n'est pas sans ignorer qu'il ne peut sérieusement se prévaloir du statut du courtage, invoque encore l'existence d'un mandat d'intérêt commun dont l'irrévocabilité lui permettrait de prétendre à la réparation du préjudice que lui occasionne la résiliation anticipée du contrat de commercialisation ;

Attendu cependant que la rémunération stipulée au profit de l'appelant ne suffit pas à établir l'existence d'un mandat d'intérêt commun qui aurait alors fait échec à la libre révocabilité du mandat, telle qu'édictée à l'article 2004 du Code civil;

Attendu que si la Société du Château La Tour Carnet a choisi de faire assurer pendant une certaine période l'écoulement de ses produits par le CVBG, avec lequel Monsieur Zune l'avait mis en relation, il demeure que le concours de l'appelant à l'occasion des achats qui s'en sont suivis, s'est limité à des prestations telles que l'agréage des vins ou l'encaissement des factures ; que celui-ci ne peut se prévaloir à ce seul titre d'apports qui seraient à l'origine d'un développement et d'un essor certain de l'exploitation viticole et lui conféreraient des droits propres sur celle-ci ;

Attendu que dès lors que la Société du Château La Tour Carnet et le CVBG, qui aux termes de la clause insérée à l'article 11 du contrat de commercialisation, s'étaient réservés la faculté de résilier celui-ci à tout moment, ont décidé de mettre fin à leurs relations commerciales, le contrat de commissionnement conclu dans le cadre exclusif de ladite convention est devenu sans objet;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence à confirmation de la décision entreprise en ce que Monsieur Zune a été débouté de ses demandes en dommages et intérêts ;

Mais attendu qu'à défaut d'éléments d'appréciation suffisant, il s'impose de recourir à une mesure d'expertise à l'effet de déterminer le bien fondé de la demande relative aux commissions qui resteraient encore dues sur les achats effectués par le CVBG, et dont Monsieur Zune poursuit le recouvrement ;

Par ces motifs, LA COUR : Reçoit l'appel ; Au fond, Confirme le jugement rendu le 13 décembre 1994 par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux en ce qu' il a débouté Monsieur Pierre Zune de sa demande en paiement de dommages et intérêts ; Avant dire droit sur la demande en paiement d'un solde de commissions,Désigne Monsieur Jean-Paul Faucounau, expert demeurant 15-17, rue Louis Cabié 33000 Bordeaux, et lui donne pour mission : D'entendre contradictoirement les parties en leurs explications ainsi que tous sachants ; De prendre communication de tous documents nécessaires à l'accomplissement de ses opérations ; De procéder à la vérification des règlements effectués par la Société d'Exploitation du Château La Tour Carnet au titre des commissions stipulées au profit Monsieur Zune par la convention du 12 mars 1990 ; De calculer le montant du solde restant éventuellement dû à Monsieur Zune sur les commissions susdites ; Dit que Monsieur Zune consignera la somme de 6.000,00 F à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert, à la Régie d'Avances et de Recettes de la Cour, dans les deux mois de la présente décision ; Dit qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque, sauf prorogation du délai ou relevé de caducité ; Dit que l'expert déposera son rapport au Secrétariat-Greffe de la Cour dans les quatre mois suivant le dépôt de la consignation ; Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance de Monsieur le Conseiller de la Mise an Etat ; Réserve les dépens.