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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 19 juin 1997, n° 2130-95

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dan Broker (SARL)

Défendeur :

Vlevy EA Ysebaeryt NU

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Magendie

Conseillers :

MM. Frank, Boilevin

Avoués :

SCP Jullien Lecharny Rol, SCP Lissarrague, Dupuis

Avocats :

Mes Dautriat, Durieux

T. com. Pontoise, du 9 févr. 1995

9 février 1995

I - Rappel des faits et de la procédure

La SARL Dan Broker a travaillé avec la Société Vlevy EA Ysebaert, pour la diffusion sur la France, de jambon cuit.

Depuis 1987, la Société Broker est commissionnée sur chaque facture.

En dépit de ses réclamations, elle n'a reçu copies des factures acquittées servant d'assiette au calcul de ses commissions, ni le montant de celles-ci, depuis le mois de juin 1992, mais seulement après l'introduction de la présente procédure, une fois la rupture des relations commerciales consommées.

La Société Dan Broker a, le 8 mars 1994, assigné la Société Ysebaert devant le Tribunal de Commerce de Pontoise, lequel par jugement du 9 février 1995, a déclaré qu'il n'était pas territorialement compétent pour statuer, aux motifs qu'aucun contrat écrit n'avait été produit définissant la nature des relations entre les parties et que le lieu où les obligations du contrat devaient être exécutées, n'était pas déterminé, conformément à l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.

Qu'en revanche, le Tribunal a fait application de l'article 2 de la Convention qui dispose que les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant sont attraites, quelle que soit leur nationalité devant les juridictions de cet Etat.

En outre, le Tribunal, à défaut de justification, a débouté la Société Ysebaert de sa demande fondée sur l'article 700 du NCPC.

Le 22 février 1995, la Société Dan Broker a régularisé le contredit de compétence.

La Cour de céans, par arrêt du 22.02.1996 (n° 89), a infirmé le jugement entrepris par application de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles du 27.09.1967 et en application de l'article 89 du NCPC, a ordonné aux parties de conclure au fond en usant de son pouvoir d'évocation.

II -Thèses en présence

La demanderesse à l'évocation soutient que son adversaire est à l'origine de la rupture de leurs relations commerciales:

- en premier lieu, par son refus de lui communiquer les factures nécessaires à la liquidation de ses commissions dues sur les ventes réalisées avec le client Coprom, soit un préjudice de ....11 425,66 F TTC,

- en second lieu pour son refus de lui régler les commissions dues sur des ventes réalisées avec le client Prima, soit un total de.....8 005,99 F TTC,

- en troisième lieu pour son refus d'honorer une commande de 28 tonnes de marchandises à destination du client groupe " Promodes " (Prodim Lens), soit un double préjudice:

a - perte directe de commission pour un montant de.......16 800F

b - perte de crédit commercial auprès du client qui doit être chiffré à la somme de ..............................50 000 F.

En outre au-delà du préjudice résultant à court terme des contrats fermes précités, l'agent commercial Dan Broker estime que la rupture des relations commerciales découlant du comportement déloyal de Vlevy E.A. doit entraîner l'indemnisation des préjudices suivants:

- perte de deux années de commissions..........840 000 F

- défaut de préavis valorisé par 3 mois de commissions....105 000 F.

La demanderesse considère comme établi le détournement de commissions dès lors que son adversaire reconnaît lui-même dans ses écritures le principe des deux premières créances (sur Prima et Coprom).

Dan Broker SARL soutient que la faute contractuelle de la mandataire défenderesse est établie par le fait que celle-ci lui a dissimulé la réalisation de ventes passées tout au moins courant 1991 et 1992 avec des clients qu'elle avait démarchés déloyauté révélée par ces clients eux-mêmes, ce qui l'a conduite à mettre en demeure Vlevy de lui communiquer les factures émises en fraude de ses droits.

Elle fait également grief à cette dernière de n'avoir pas respecté les usages instaurés entre elle et le client Coprom une centrale d'achat avec qui les relations d'affaires s'effectuent comme avec la plupart des clients de cette taille, par téléphone et fax.

Dan Broker estime que ses demandes sont amplement fondées et justifiées alors qu'en revanche les demandes reconventionnelles de Vlevy seraient fantaisistes et infondées malgré des attestations tardives, de complaisance et en tout état de cause injustifiées, dès lors qu'elles ne reposent sur aucune pièce comptable.

La défenderesse, tout en reconnaissant avoir confié verbalement mandat à Dan Broker de diffuser sans exclusivité sa production de jambon cuit en France depuis 1987, indique que cet accord a été exécuté d'une manière satisfaisante jusqu'au 10.08.1992, date à laquelle le conseil de son mandataire a notifié la fin du contrat.

Elle estime que cette rupture incombe à l'agence Dan Broker qui n'a jamais réclamé ses commissions auparavant et a cessé de fournir ses prestations de fait depuis juin 1992.

Elle confirme devoir à la demanderesse la somme de 11 370,21 F sur le contrat Coprom et celle de 8 535,29 F sur le contrat Prima, mais que le caractère résiduel de cette dette n'est pas constitutif d'une faute justifiant la rupture du contrat.

Vlevy soutient également qu'elle était en droit d'imposer des délais de confirmation préalable d'une commande qu'elle considère comme exceptionnelle (28 tonnes), s'agissant d'un nouveau client, commande qui n'a été confirmée que le 4 juin 1992 pour 15 tonnes à livrer le 10 juin suivant.

La défenderesse, tout en admettant la qualité d'agent commercial de la SARL Dan Broker, en écarte l'application du décret du 23.12.1958 pour invoquer les termes de la Directive Européenne n° 86-653 du 18.12.1986 ainsi que les articles 1984 et suivants du Code civil, pour réclamer à son ancien agent une indemnité de 1 250 000 F en réparation du préjudice économique que lui aurait causé la brusque rupture " ... sans respect du préavis ".

Par ailleurs, la défenderesse affirme que " ... le mandat étant d'intérêt commun, le mandant souffre nécessairement de la résiliation et doit obtenir réparation du préjudice causé.. " (conclusions du 7.06.1996, cotées 15, page 9, §5) que le fait que son mandataire soit apparu dans le catalogue du 15ème salon de l'alimentation prévu du 25 au 29.10.1992, mais imprimé en mars précédent, époque où les relations étaient satisfaisantes entre les parties, n'autorise pas à considérer qu'il a continué à bénéficier de sa qualité d'agent commercial.

Outre l'indemnité précitée, la défenderesse sollicite la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

A titre subsidiaire, la Société Vlevy critique les sommes réclamées par son adversaire, estimant qu'à supposer l'indemnisation fondée en son principe, celle-ci ne devrait pas être supérieure à la somme de 300 000 F.

L'ordonnance de clôture ayant été prononcée le 29.10.1996, l'affaire a été examinée le 26.11.1996.

III - Sur ce,

LA COUR

A) La loi applicable

A1 - Considérant qu'il est établi que les relations commerciales suivies ont existé depuis 1987 et que celles-ci ont été interrompues courant 1992 ;

Que l'article 20 de la loi n° 91-593 du 25.06.1991 - qui retranscrit la directive CEE n° 86-653 du 18.12.1986 - relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants, prévoit que celle-ci n'est applicable qu'à l'égard des contrats conclus après son entrée en vigueur et " ... à compter du 01.01.1994, à l'ensemble des contrats en cours à cette date " ;

Que cette disposition reproduit exactement celles de l'article 22 de la directive CEE précitée qui engageait les Etats membres à mettre leur législation en conformité avant le 01 .01.1990, ce que la France a fait 18 mois plus tard ;

Qu'en outre, le décret n° 92-506 du 10.06.1992 modifiant la loi du 23.12.1958 prévoit en son article 4 que ces modifications ne sont applicables " ... qu'aux contrats conclus après l'entrée en vigueur de la loi du 25.06.1991 relative aux agents commerciaux et pour l'ensemble des contrats en cours à cette date, à compter du 1er janvier 1994 " ;

Qu'il résulte de ces constatations que les textes ci-dessus ne sont pas applicables au mandat commercial confié par Vlevy à Dan Broker ;

A2 - Considérant par ailleurs que le seul texte qui dans le temps de validité du contrat litigieux serait applicable, le décret du 23.12.1958 (n° 58.1345) exige pour bénéficier du statut ainsi organisé que le contrat soit écrit (article 1er) et que l'agent commercial se soit inscrit sur le registre spécial tenu au greffe du Tribunal de Commerce compétent (articles 4 et suivants), ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ;

Qu'en conséquence la SARL Dan Broker ou son adversaire ne rapportant pas la preuve que la demanderesse ait répondu à ces obligations, cette dernière ne peut prétendre bénéficier des dispositions du statut de l'agent commercial tel qu'organisé par le décret n° 58-1345 précité, avant la réforme de 1992 ;

B) Sur la qualification du contrat

B1 - Considérant que les parties et en particulier le mandant ne contestent pas qu'elles étaient liées par un contrat d'agent commercial de 1987 à 1992 ;

Que d'ailleurs SA Vlevy reconnaît devoir à Dan Broker des commissions au titre de ce contrat ;

Que mieux, le mandant revendique dans ses conclusions d'appel (21.06.1996 cotées 15, page 9 § 5) que le mandat instauré dans les conditions rappelées a été exécuté dans l'intérêt commun des parties, qualification qui n'est aucunement contestée par le mandataire Dan Broker ;

Qu'il y a lieu en conséquence et à défaut de pouvoir appliquer le statut d'ordre public favorable au mandataire, de considérer la qualification " de mandat d'intérêt commun " comme étant conforme à la commune intention des parties ;

Qu'en effet, il résulte des écritures des parties et des pièces versées au dossier que l'activité réciproque des parties et leur collaboration suivie depuis 1987, a contribué à l'obtention d'un accroissement d'un résultat qui leur a été commun, celui du chiffre d'affaires et de la marge commerciale pour Vlevy et du chiffre des commissions pour Dan Broker, outre l'accroissement de leur crédit et de leur renommée commerciale;

Que le caractère d'intérêt commun des relations commerciales instaurées en 1987 entre les parties n'a pas cessé par le seul fait que le chiffre d'affaires de Vlevy ou le montant des commissions de son mandataire a pu, au cours de l'exécution du mandat, subir des variations à la hausse ou à la baisse;

B2 - Considérant qu'en conséquence de la qualification du contrat retenue de par la volonté commune des parties, il convient de rappeler que le mandant ne peut se dispenser de verser une indemnité intégrale que lorsqu'il rapporte la preuve que le mandataire a commis une faute dans l'exercice de son mandat, soit en démontrant qu'il avait une raison légitime pour y mettre fin, soit en exécution d'une stipulation autorisant la résiliation sans indemnité ;

Considérant qu'en l'espèce le mandant ne s'empare d'aucun motif légitime qu'il n'allègue ni n'établit ;

Que le contrat reposant sur un engagement verbal, le mandant ne peut se fonder sur aucune stipulation lui permettant d'échapper à une indemnisation, sauf à invoquer le manquement à un usage, ce qu'il n'a pas fait ;

Qu'il reste à Vlevy de justifier du caractère brusque de la rupture qu'elle impute comme ayant été " ... consommée le 15 Juin (1992) de la seule décision du mandataire " (conclusions du 21.06.1996 p.9, fin du § 4) ;

C) Sur les circonstances de la rupture

C1 - Considérant que le mandataire par l'intermédiaire de son conseil (lettre du 10.08.1992) a fait grief au mandant d'avoir omis de lui adresser les factures acquittées par les clients Prima et Coprom, indispensables au calcul de ses commissions et de ne pas lui avoir payé les commissions en rapport avec lesdites factures non communiquées ;

Qu'enfin, le mandataire reproche au mandant de ne pas avoir exécuté une commande de Prodim Lens à livrer le 10 Juin 1992 dans le cadre d'une opération spéciale promotionnelle ;

G2 - Considérant sur ce dernier grief que le mandataire présente une facture d'acquisition à Vlevy de 5 platines devant servir de lots publicitaires à remettre aux meilleurs clients, ce en date du 21.05.1991 ;

Que le mandataire ne rapporte aucunement la preuve que cette facture est directement en rapport avec une opération publicitaire accompagnant l'acquisition principale de 28 tonnes de jambons cuits tel que cela ressort d'une proposition commerciale du 23.03.1992, télécopie non contestée par les parties ;

Qu'il apparaît en effet peu crédible que des lots publicitaires aient été acquis près d'un an avant l'opération principale, alors que destinés aux grandes surfaces, les jambons, comme d'autres produits alimentaires, font l'objet de plusieurs campagnes dans l'année ;

Que d'ailleurs les pièces n° 40, 41 et 42 (SCP Lissarrague Avoués) démontrent que des opérations similaires ont eu lieu en 1991 ;

Qu'en tout état de cause et du fait de la nature verbale du contrat d'intérêt commun, le mandataire ne pouvait imposer au mandant de fournir une quantité aussi importante de produits alimentaires (28 tonnes réduits à 20 tonnes) en 6 jours tel que cela ressort des télécopies et courriers échangés le 2, le 4 et le 05.06.1992 ;

Qu'en effet Vlevy a pris la précaution d'informer son mandataire que la livraison projetée ne pourrait avoir lieu que si la commande était confirmée par le client (Prodim) 3 à 4 semaines à l'avance à cause des délais de fabrication et de conditionnement ;

Que l'avertissement du fournisseur-mandant en date du 30.03.1992 (pièce n° 7 SCP précitée) non contesté, a été donné dans un délai raisonnable, proche de celui de la proposition de commande ;

Que les conditions de prévision posées par le mandant ont été réitérées le 14.05.1992 (pièce 9, SCP précitée) sans réserve de la part du mandataire ;

Que s'agissant d'un contrat d'intérêt commun, les cocontractants doivent harmoniser leurs contraintes réciproques ;

Qu'en tout état de cause, la convention poursuivie devait de part et d'autre, s'exécuter de bonne foi ;

Qu'il échet de constater que la commande ferme passée le 04.06.1992 par le client final prévoyant une livraison au 10.06 suivant, ne correspondait pas aux légitimes conditions posées par le mandant qui n'a en l'occurence commis aucune faute justifiant la rupture notifiée par le mandataire. le 10.08.1992 ;

Qu'avec justesse le mandant fait observer que la célérité des transactions en la matière invoquée par l'appelant ne pouvait justifier une précipitation tardive dès lors que le mandataire, qui avait pour mission d'informer le client final des contraintes de fabrication, n'ignorait pas en qualité de professionnel du secteur au regard de la nature du jambon commandé, dûment conditionné, que la durée de conservation de celui-ci était de plusieurs mois ;

Que le premier moyen de la demanderesse, tiré d'un défaut de livraison, doit être écarté ;

C3 - Considérant sur le second moyen qu'il convient en revanche de constater d'une part que la Société Vlevy reconnaît devoir à son mandataire:

- 8 005,99 F sur le dossier Prima

- 11 425,66 F sur le dossier Coprom

soit un total de 19 431,65 F, relativement à des factures de 1992, commissions qui ont été finalement payées qu'en octobre 1996 ;

Qu'ainsi Dan Broker est recevable à solliciter les intérêts de droit sur ces sommes à compter du 01.01.1993 ;

C4 - Considérant d'autre part, qu'outre les créances ci-dessus établies, le mandataire rapporte la preuve que la brusque chute du montant des commissions reconnue par Vlevy elle-même dès 1991 (165 028 F) ainsi que pour la première moitié de 1992 (47 459 F) alors que le montant des commissions perçues par Dan Broker était encore de 354 381 F en 1990, ne s'explique que par la non communication des factures établies par le mandant qui a abouti au détournement d'une partie non négligeable des commissions qui lui étaient dues ce au moins depuis 1991 ;

Qu'au soutien de son moyen, le mandataire verse une lettre de Vlevy en date du 01.02.1993 qui lui communique un certain nombre de factures de 1992 non prises en compte auparavant ;

Qu'il résulte des attestations de Monsieur Ollivier (05.12.1992), Hamou (24.11.1992), Benezeth (14.10.1992), Gayraud (29.Q9.1 992), Boels (10.10.1992), régulières en la forme et non contestées pertinemment par le mandant, que celui-ci recevait habituellement les commandes des clients de Dan Broker et les livrait directement, par le fait du mécanisme des relations commerciales et de la confiance instaurés par les parties ;

Qu'il résulte également de ces attestations auxquelles s'ajoutent celle de " la couronne " (04.11.1992 télécopie) qu'aucune faute professionnelle n'a été et ne pouvait être reprochée au mandataire dans l'exécution du mandat ;

Qu'en revanche l'intimée n'a pas craint de présenter des attestations établies en 1996, non contemporaines à l'émergence du litige mais au surplus empreintes de partialité dès lorsque les scripteurs reconnaissent être employés de ou par la Société Vlevy (Vlassenroot et Sergeant) ;

Qu'en outre l'attestation Hamou Tarikdu 03.02.1993 (à supposer que cette date soit réellement celle de l'émission), responsable de Prima, n'est pas incompatible avec les énonciations précédentes puisqu'elle ne concerne que la période 1981 à 1985, soit celle antérieure à la création de la SARL Dan Broker et au commencement des relations de celle-ci en 1987 avec Vlevy;

Qu'en revanche, en indiquant que durant cette période antérieure (81 -85) au mandat accordé à Dan Broker SARL, les relations commerciales étaient directes entre le client final et le fournisseur, cette attestation tend à prouver que, contrairement aux dénégations de Vlevy, le mandant a bien octroyé, à partir de 1987, à son mandataire l'exclusivité de la distribution de ses produits et en particulier le jambon cuit ;

Qu'en effet, le mandant n'a pas soutenu avec pertinence que l'ensemble des facturations " Prima " et " Coprom " ne devaient pas être soumises au calcul de la commission consentie à Dan Broker de 1987 jusqu'à la rupture ;

Qu'il s'évince clairement des faits et des constatations suivantes de la Cour que malgré les relations commerciales que Vlevy pouvait avoir entretenues directement avec certains clients avant 1987, ces relations commerciales ont été soumises à partir de cette date au périmètre du contrat d'intérêt commun ;

Qu'ainsi Vlevy par sa lettre de transmission du 01.02.1993 communiquée tardivement avec des facturations établies sur le client Prima (n° 2029, 2085, 2121, 70327, 1262, 2343 et 2396) reconnaît, au sens de l'article 1135 du Code civil, non seulement que ces documents n'avaient pas été loyalement mis à disposition du mandataire à temps, mais qu'au surplus les commandes livrées à ce client entraient bien dans l'économie du mandat d'intérêt commun litigieux ;

Qu'il en est de même du client Coprom dont une " note de commission " (n° 141) du 16.03.1992 adressée à Dan Broker (pièce n° 9 MJ Dautriat, avocat) démontre que ce client entrait également dans le périmètre du contrat d'intérêt commun litigieux ;

Qu'en conséquence, l'attestation tardive (03.09.1996) du gérant actuel de Coprom, contredite par les constatations précitées, doit être écartée comme ayant été établie et versée pour les besoins de la cause ;

Que la note de commission n° 141 comme la lettre du 01.02.1993 (pièce cotée 1, MJ Dautriat, avocat) - établies par le mandant -démontrent que non seulement les clients Prima et Coprom entraient dans le périmètre du mandat verbal consenti par Vlevy; mais qu'au surplus le commissionnement sur ces facturations constituaient une des contreparties octroyées au mandataire au titre du résultat spécifique qu'il était autorisé à retirer du contrat d'intérêt commun, même si les relations commerciales entre Vlevy et lesdits clients ont pu être antérieures au début de l'exécution du mandat litigieux en 1987 ;

C5 - Considérant que les " notes de commissions " émises par Vlevy au bénéfice de Dan Broker en conséquence des facturations du client " Prodim Lens " (n° 167 à 170 de juin à août 1992) démontrent que le mandant avait consenti de notifier habituellement sous cette forme, le montant des commissions dues à son cocontractant ;

Que cette pratique instaurée entre les parties s'infère des nombreux paiements acquittés par Vlevy en 1990 et 1991, par chèques Scalbert-Dupont, notamment en exécution de commandes passées directement par Prima et par Coprom (pièces 77 à 81, 84 à 86, 89 à 91, 93 à 97 et 101, SCP Jullien, avoués) ;

Qu'en revanche Vlevy n'a pas été en état de communiquer les notes de commissions relatives aux factures de 1992, communiquées tardivement en 1994 :

n° 22, 178, 318, 907, 549, 638, 646, 738, 837, 922, 972, 1027, 1077, 1132, 1185, 1238, 1293, 1393, 1428, 1511, 1609, 1698, 1799, 1956, 1998, 21, 108, 176, 359, 428, 458 633, 797, 871, 1025 (parmi les pièces cotées 14 à 64, MJ Dautriat, avocat) non contestées par le mandant;

Considérant que la demanderesse a pu estimer sans faute de sa part que le mandant, par son comportement dolosif ayant consisté en des refus délibérés et successifs d'exécuter ses engagements, avait anéanti la confiance nécessaire qu'il lui avait accordée, ce d'autant plus que les parties étaient liées par un contrat d'intérêt commun;

Qu'il résulte également de l'attestation de Ollivier Guy, sous-agent de Dan Broker au cours des années litigieuses (pièce n° 102 SCP Jullien avoués) que la déloyauté de Vlevy a pris d'autres formes que celles ayant consisté à omettre de transmettre les factures servant au calcul des commissions et à omettre de régler ces dernières, dès lors que ledit témoin sans être contredit avec pertinence, affirme que Vlevy a tenté de capter directement la clientèle de Dan Broker ;

Qu'il résulte ainsi de l'ensemble des constatations ci-dessus que les manquements graves et répétés aux obligations de collaboration franche, effective et intégrale acceptées par l'intimée ainsi qu'à l'exécution de bonne foi résultant de toute convention même verbale, alors que les usages instaurés entre les parties sont établis par des faits constants s'étalant sur plusieurs années, manquements d'ailleurs partiellement reconnus par le mandant lui-même à raison desquels par application des articles 1147 et 1135 du Code civil, celui-ci doit être condamné à payer au mandataire une indemnité réparant la perte des commissions pour l'obtention desquelles ce dernier avait intérêt à continuer le contrat;

D) Sur la demande reconventionnelle

Considérant que le mandant sur le fondement de l'article 2007 du Code civil sollicite une indemnisation pour la rupture du contrat d'intérêt commun qu'il impute à Dan Broker pour avoir, selon lui, renoncé à exercer son mandat ;

Considérant qu'il résulte déjà de l'examen par la Cour des attestations Ollivier, Tank Hamou, Benezeth, Gayraud, Boels et La Couronne (pièces 69 à 75 MJ Dautriat avocat et 102 SCP Jullien avoués) dont il résulte qu'aucune faute ne peut être imputée à Dan Broker dans l'exercice de son mandat ;

Qu'en réalité le mandataire feint d'ignorer que ce sont les griefs formulés à son encontre qui sont à l'origine de la rupture du contrat d'intérêt commun et subsidiairement au renoncement de Dan Broker à poursuivre celui-ci comme d'ailleurs la fin de l'alinéa 2 de l'article 2007 du Code civil l'y autorise sans faute ;

Qu'en effet, la déloyauté caractérisée de Vlevy devenait pour le mandataire la cause d'un préjudice considérable s'il avait continué à exécuter le mandat alors que le mandant omettait sciemment, depuis de nombreux mois, de lui transmettre les factures fondant les commissions qu'il évitait ainsi de régler à son agent ;

Qu'en conséquence, Dan Broker n'a commis aucune faute en confirmant au mandant défaillant, par lettre de son conseil en date du 10.08.1992 (pièce n°65 MJ Dautriat, avocat) que du fait des griefs et des manquements persistants qu'il synthétise dans ce courrier, il est prêt à renoncer à son mandat sous réserve d'être réglé des indemnités qui lui sont dues ;

Qu'au surplus, la demande d'indemnisation du mandant n'est pas sérieuse dès lors qu'elle s'appuie sur des pertes de chiffre d'affaires et une perte de marge (15 %) qui ne sont étayées par aucune pièce pertinente versée au dossier et alors que le montant total demandé révèle que ladite indemnité n'a pour but que de justifier une compensation qui, pour les besoins de la cause, annulerait le total des demandes présentées par le mandataire ;

Qu'en effet, Vlevy sans se contredire, ne peut soutenir qu'elle n'avait pas accordé à Dan Broker l'exclusivité de la distribution du jambon cuit sur la France et lui imputer la totalité de la baisse de son chiffre d'affaires ;

Qu'enfin, l'attestation d'un réviseur d'entreprise belge (en date du 06.06.1996) outre qu'elle ne présente aucune garantie judiciaire au regard des principes directeurs du procès en France, ne distingue aucunement dans la baisse du chiffre d'affaires de ce qui relève du jambon cuit des autres produits fabriqués par Vlevy, ni de ce qui relève de la contraction générale de la demande du fait de la conjoncture économique ;

Qu'ainsi la prétention du mandant qui n'est fondée ni en fait ni en droit, doit être rejetée ;

Considérant qu'en tout état de cause, le mandant qui a lui-même reconnu dans ses écritures (21.06.1996 p.9 § 5) être lié par un mandat d'intérêt commun, dès lors qu'il ne peut invoquer une clause écrite exonératoire ou une raison reconnue légitime et qu'en outre il ne rapporte pas que la rupture dudit contrat peut être imputée à faute au mandataire, ce mandant doit indemniser intégralement celui-ci ;

Que le mandant qui s'est dispensé délibérément d'exécuter ses obligations durant au moins deux années ne peut, au prétexte d'avoir même tardivement communiqué une partie des factures réclamées, payer une partie desdites commissions en cours de procédure (octobre 1996) et ainsi reconnu avoir commis ses infractions au contrat, soutenir qu'il s'agit là de manquements " mineurs " insusceptibles de justifier la résiliation du mandat ;

Que bien au contraire, la Cour qui s'est déjà prononcée sur le caractère déloyal des manquements répétés du mandant considère qu'en l'espèce ce comportement dolosif est d'une gravité suffisante pour être à l'origine déterminante de la rupture du mandat d'intérêt commun (cf. Cl sur les circonstances de la rupture - C3 à 05), hormis le grief écarté par la Cour tiré du dossier " Prodim Lens " (cf. 02 du présent arrêt) ;

Qu'en conséquence le mandant doit être débouté de sa demande reconventionnelle ;

E) Sur le préjudice de Dan Broker

Considérant que le mandataire réclame, en réparation de la rupture du contrat, la somme de 840 000 F représentant la perte de deux années de commissions et celle de 105 000 F pour défaut de préavis, soit au total 945 000 F;

Qu'en réplique, à titre subsidiaire, le mandant demande qu'il soit fait application de l'article 17.2 b de la directive CEE du 18.12.1986 et que la Cour limite l'indemnisation à la somme totale de 300 000 F qui constitue, selon Vlevy, la moyenne annuelle des commissions perçues par Dan Broker sur les cinq dernières années les plus significatives ;

Considérant que la Cour s'est déjà prononcée sur la loi applicable en écartant en l'espèce le bénéfice de la directive CEE précitée ;

Que s'agissant de la fixation du montant de la réparation relative à la résiliation d'un mandat d'intérêt commun ayant lié un mandataire à son agent non statutaire et auquel aucune faute n'est imputable dans l'accomplissement dudit contrat, le juge du fond demeure souverain quant à l'évaluation de cette réparation ;

Qu'en l'espèce il est équitable en application de l'article 1135 du Code civil de tenir compte de l'ensemble des années précédant la rupture du mandat consenti par Vlevy en 1987, pour évaluer l'indemnité de résiliation due par le mandant et dont le montant annuel des commissions indiqué par ce dernier n'est pas remis en cause par le mandataire, au titre des années 1987 à 1989 ;

Qu'en revanche le chiffre des commissions dues à Dan Broker pour 1990 et 1991, totalement justifiées par les pièces versées au dossier (pièces 77 à 101 SCP Jullien avoués) lesquelles n'ont pas été combattues par la preuve contraire par le mandant, confirment d'une part le détournement partiel de commissions dues au mandataire et d'autre part, permettent à la Cour d'y puiser les éléments pertinents relatifs à ces 2 années de référence ;

Qu'en conséquence de l'ensemble des éléments suffisants que la Cour trouve au dossier, il échet de fixer l'indemnité globale et forfaitaire de rupture due au mandataire, à la somme totale de 800 000 F comprenant tant la perte à court terme des bénéfices du mandat que l'indemnité de préavis compte-tenu de l'ancienneté de celui-ci, ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 08.03.1994 ;

Considérant qu'en-deçà des conséquences pécuniaires de la rupture du mandat, il y a lieu de constater que le mandataire qui a reconnu devoir des commissions échues pour 19 431,65 F (11 425,66 F + 8 005,99 F TTC) au titre du premier semestre 1992, lesquelles auraient été payées tardivement (cf. C3 du présent arrêt), doit être condamné à en régler les intérêts de droit de l'assignation (08.03.1994) jusqu'au parfait paiement (octobre 1996) ;

Qu'en tout état de cause le règlement des condamnations s'effectuera en deniers ou quittances ;

Considérant sur les demandes accessoires que le mandant qui succombe au principal sera débouté de toutes ses autres demandes et devra régler les dépens de l'instance au fond ;

Qu'en revanche il serait inéquitable de laisser à la charge du mandataire les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour faire reconnaître ses intérêts en cause d'appel ;

Qu'il y a lieu en conséquence de condamner Vlevy à verser à son adversaire la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ;

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Vu l'arrêt de la Cour de Versailles (n° 89 du 22.02.1996) ordonnant l'évocation de l'affaire au fond après contredit ; Vu les conclusions des parties ertiellement fondée ; Dit que la rupture du mandat d'intérêt commun est imputable au mandant, la SA Vlevy EA Ysebaert ; Condamne la SA Vlevy EA Ysebaert à régler à Dan Broker SARL la somme globale et forfaitaire de 800 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 08.03.1994 ; Condamne également la SA Vlevy EA Ysebaert à régler à Dan Broker SARL les intérêts au taux légal sur les commissions reconnues comme échues et dont seulement le principal a été payé (19 431,65 F) à compter du 08.03.1994 jusqu'à la date de leur paiement en 1996 ; Dit que les condamnations mises à la charge de la SA Vlevy EA Ysebaert seront liquidées en deniers ou quittances; Condamne la SA Vlevy EA Ysebaert à verser à la SARL Dan Broker la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ; Déboute les parties de toutes leurs autres prétentions plus amples ou contraires comme étant irrecevables, mal fondées ou sans objet ; Condamne la SA Vlevy EA Ysebaert aux entiers dépens de l'instance au fond, lesquels seront recouvrés par la SCP Jullien Lecharny Rol, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.