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Décisions

Cass. 3e civ., 28 mars 2001, n° 99-15.702

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Syndicat des copropriétaires Les Poissons, Ségard (ès qual.)

Défendeur :

Axa Collective (Sté), Fineximmo (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Chemin

Avocat général :

M. Guérin

Avocats :

SCP Tiffreau, SCP Bachellier, Potier de La Varde.

TGI Nanterre, du 28 nov. 1996

28 novembre 1996

LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 mars 1999), que pour réaliser la mise en conformité d'un immeuble en copropriété à usage d'habitation et de bureaux, dénommé "Tour Les Poissons" avec la réglementation de sécurité contre l'incendie applicable aux immeubles de grande hauteur, et pour assurer une production d'électricité de secours pour les installations informatiques des sociétés Union des assurances de Paris IARD et Union des assurances de Paris Vie (l'UAP), propriétaires de la totalité des lots à usage de bureaux, l'assemblée générale des copropriétaires du 17 mai 1988 a autorisé le syndic à signer au nom du syndicat un acte notarié comprenant la modification de l'état descriptif de division, portant création de lots à prendre sur les parties communes et la cession des lots créés à l'UAP, assortie d'une clause résolutoire ; qu'après création des lots n° 641 et 642 affectés d'un certain nombre de tantièmes de parties communes, le syndicat des copropriétaires, par acte du 26 octobre 1988, publié avec ses annexes le 22 décembre 1988, a, en contrepartie d'une certaine somme et de l'obligation pour l'acquéreur d'aménager en même temps que les siennes propres les installations de sécurité de l'immeuble, de les mettre à la disposition du syndicat, de les exploiter pour le compte de celui-ci, a vendu à l'UAP les nouveaux lots créés (les lots n° 641 et 642) avec bénéfice à son seul profit d'une clause résolutoire en cas de vente par l'UAP de ses locaux ; que, par une convention sous seing privé, signée le même jour et annexée à l'acte notarié, liant la durée de sa validité à la durée de la clause résolutoire et prévoyant le sort des équipements en cas de mise en œuvre de cette clause, le syndicat a délégué à l'UAP l'exploitation et la gestion des activités se rapportant à la sécurité de l'immeuble, moyennant le versement à cette société d'une participation forfaitaire de 23 % des dépenses de fonctionnement ; que l'UAP a, par acte sous seing privé du 8 décembre 1992 et par acte du 23 novembre 1993, fait apport de la totalité de ses locaux de bureaux et annexes à la société Fineximmo, à l'exclusion des lots 641 et 642 et a, le 25 novembre 1995, résilié le contrat d'exploitation ; que, par décision de l'assemblée générale des copropriétaires du 9 décembre 1996, le syndicat a renoncé définitivement au bénéfice de la clause résolutoire ; que, par acte du 28 novembre 1996, les sociétés UAP IARD et UAP Vie, aux droits desquelles vient la société Axa collective, ont assigné le syndicat et la société Fineximmo, en validation de la décision de résiliation du contrat de délégation d'exploitation et en nouvelle répartition des charges communes du service de sécurité, conforme aux prescriptions de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 ; que le syndicat a formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour résiliation abusive et a fait désigner M. Segard, en qualité d'administrateur ad hoc à la procédure ;

Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande reconventionnelle, alors, selon le moyen : 1°) qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la convention sous seing privé datée du 26 octobre 1988 était indissociable du contrat de vente signé le même jour ; qu'à cet égard, la convention sous seing privé était annexée au contrat de vente, et publiée avec celui- ci au fichier immobilier ; que par suite, il incombait à l'UAP de poursuivre ou de transmettre l'exécution de cette convention, sans qu'il importât que le syndicat ait ou non mis en œuvre la clause résolutoire insérée au contrat de vente ; que dès lors, en jugeant que la résiliation unilatérale de la convention sous seing privé n'était pas abusive, au motif inopérant que la clause résolutoire de la vente n'avait pas été exercée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que lorsque le mandat a été donné dans l'intérêt commun du mandat et du mandataire, il ne peut être révoqué que de leur consentement mutuel ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour d'appel que l'UAP avait à sa charge la gestion et la maintenance de la sécurité de la Tour Les Poissons ; que de telles charges induisaient à l'évidence l'accomplissement d'actes juridiques, de sorte que les parties étaient liées par un contrat d'intérêt commun ; qu'en jugeant néanmoins que la convention sous seing privé du 26 octobre 1988 ne constituait pas un mandat de cette nature, et en énonçant par suite que la résiliation unilatérale litigieuse n'était pas abusive, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et violé les articles 2004 et suivants du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le syndicat avait été averti dès l'origine de ce que la qualité de propriétaire des locaux de bureaux était pour l'UAP une condition déterminante de son engagement de gérer la sécurité de l'immeuble, que cette société avait perdu cette qualité pour ne conserver que celle de locataire de la société Fineximmo et que le syndicat pouvait, dès lors, s'attendre à ce que la perte de cette qualité conduise l'UAP à résilier la convention, la cour d'appel, qui a retenu, par une interprétation souveraine des termes de la convention du 26 octobre 1988 que leur ambiguïté rendait nécessaire, que celle-ci, qui n'impliquait pas pour l'UAP l'accomplissement d'actes juridiques, n'était pas un mandat d'intérêt commun mais s'analysait comme un contrat de prestation de service à durée indéterminée, résiliable par l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis suffisant et que le préavis accordé à sa prolongation imposée, avait été suffisant pour permettre au syndicat de tirer les conséquences de cette résiliation quant à la gestion des installations existantes, a pu en déduire que cette résiliation n'était pas abusive; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen : - Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt de constater que les clauses du règlement de copropriété ne permettaient pas une répartition des charges afférentes au service de sécurité, conforme aux principes de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, alors, selon le moyen : 1°) que dès lors que l'assemblée générale des copropriétaires autorise son syndic, à l'unanimité des copropriétaires, à signer au nom du syndicat un acte notarié comprenant la modification de l'état descriptif de division, portant création de lots à prendre sur les parties communes et la cession de ces lots à l'un des copropriétaires, la répartition des charges ne peut s'effectuer qu'entre membres du syndicat, et non entre le syndicat et un tiers, le cessionnaire ayant au moment de l'autorisation d'assemblée comme de la passation de l'acte, la qualité de copropriétaire ; qu'en énonçant "qu'il ne peut être soutenu que la résiliation de la convention de gestion n'aurait, en tout état de cause, aucune incidence sur la répartition du coût d'exploitation qui résulterait d'une modification du cahier des charges de la copropriété", au motif erroné que la répartition des charges "s'effectue, non pas entre les copropriétaires membres du syndicat, mais entre le syndicat et un tiers", alors même qu'il résultait de ses propres constatations que l'assemblée générale des copropriétaires avait, à cet égard, autorisé le syndic à signer un acte avec l'un des copropriétaires portant "modification de l'état descriptif de division", ce dont il résultait que la répartition des charges n'avait été effectuée qu'entre les copropriétaires, la cour d'appel a violé les articles 10 de la loi du 10 juillet 1965 et 1134 du Code civil ; 2°) que lorsque les actes d'apport de locaux de bureaux d'une société à l'égard de sa filiale précisent à cette bénéficiaire que le règlement de copropriété et l'état descriptif de division de l'immeuble ont été modifiés, par publication de conventions passées entre le syndicat des copropriétaires et l'apporteuse, afin d'imputer 77 % des charges de fonctionnement du service de sécurité de l'immeuble au propriétaire des locaux de bureaux, et quand la convention de gestion stipule que ces conventions sont opposables de plein droit à tout nouveau copropriétaire membre du syndicat, la cour d'appel ne peut décider que les dépenses de fonctionnement du service de sécurité seront réparties en fonction de leur utilité pour chacun des lots, sans dénaturer les termes clairs et précis des actes d'apport comme de la convention de gestion, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 3°) que si une autorisation octroyée au syndic par l'assemblée générale des copropriétaires ne peut suffire à modifier l'état descriptif de division et la répartition des charges de copropriété, une assemblée générale régulièrement convoquée peut valablement décider de reprendre ces actes afin de modifier la répartition des charges et la rendre opposable par publication au registre immobilier ; que l'assemblée générale des copropriétaires de la Tour Les Poissons a autorisé son syndic à modifier l'état descriptif de division et, après que l'acte notarié ait été signé, a repris ces actes modificatifs en assemblée générale et publié la modification des charges au registre immobilier, qu'en considérant que "s'il s'était agi de modifier la répartition des charges de copropriété au sens de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, il eût été décidé d'affecter aux lots à usage de bureaux une quote-part des charges correspondant pour elle à l'utilité des installations de sécurité (éventuellement équivalentes à 77 % du coût), alors que, selon toute probabilité, la répartition actuelle entre les copropriétaires, y compris celui des lots à usage de bureaux, des 23 % qui leur incombent se fait selon les modalités du règlement de copropriété", la cour d'appel a méconnu les conséquences des décisions adoptées par l'assemblée générale des copropriétaires et a, par conséquent, conjointement violé les articles 10, 11 et 13 de la loi du 10 juillet 1965 ; 4°) que la répartition des charges de copropriété entre les copropriétaires peut être inégale si l'utilisation qu'ils sont en mesure de faire de l'élément ou du service envisagé est différente en fonction de la situation, de la superficie ou de la consistance de chaque lot ; que lorsqu'une modification des charges de copropriété imputables à chaque lot a été opérée en considération de l'utilité d'une installation spéciale pour l'un des copropriétaires, l'aliénation de son lot par ce copropriétaire ne peut pas induire une remise en cause des règles de répartition des charges, celles-ci étant directement liées à l'utilité de l'installation pour les lots considérés ; que la règle de répartition 77/23 % avait été établie en considération du fait que l'implantation d'un poste de sécurité était rendue nécessaire par les activités de bureaux de l'UAP et l'installation d'un système de courant de sécurité avait pour objet le fonctionnement de la climatisation desdits bureaux ; qu'une telle répartition des charges ne pouvait donc être remise en cause ni par l'UAP ni par la société Fineximmo ; qu'en considérant néanmoins "qu'il convient de faire droit à la demande de la société Axa collective, qui a toujours la qualité de copropriétaire, tendant à une expertise pour opérer une répartition de ces charges en fonction de leur utilité pour chaque lot", la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la convention de gestion relative au coût d'exploitation des services de sécurité s'analysait en une délégation de gestion d'un service collectif consentie par le syndicat à l'UAP et en un accord personnel entre les signataires tiers et que cette convention ne pouvait pas constituer une modification du règlement de copropriété sur la répartition des charges entre copropriétaires, la cour d'appel qui a retenu, sans dénaturation, que, après la résiliation de cette convention, il ne pouvait être soutenu que 77 % des dépenses entraînées par ce service resteraient attachées à la propriété des lots 641 et 642 et qui a constaté que le règlement de copropriété d'origine, resté inchangé sur la répartition des charges, ne se trouvait plus, en ce qui concerne les charges de ce service de sécurité, applicable à la situation actuelle, du fait de l'absence de prise en considération du critère de l'utilité, a pu décider qu'il y avait lieu de mettre en œuvre une nouvelle répartition des dépenses de fonctionnement du service de sécurité en fonction de son utilité pour chacun des lots de l'immeuble ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.