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Décisions

Cass. com., 8 octobre 1969, n° 68-11.482

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Établissements Otto Riedel Gardinen

Défendeur :

Ancet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guillot

Rapporteur :

M. Larère

Avocat général :

M. Lambert

Avocats :

Mes Defrénois, Galland.

Grenoble, du 6 janv. 1968

6 janvier 1968

LA COUR : - Sur le moyen unique pris en ses deux branches : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 janvier 1968) que les établissements Otto-Riedel-Gardinen, ayant leur siège en Allemagne, ont confié en juin 1958 à Ancet, représentant industriel, domicilié à Dijon, la représentation et la vente en France de leurs produits synthétiques et notamment des rideaux en " diolen " ; que les modalités de cette convention firent l'objet de discussion entre les parties et qu'après un premier accord de principe intervenu à cette époque, suivi de transmissions de commandes par Ancet et de payement de commissions par Otto-Riedel, ces établissements décidèrent en juillet 1961 de confier leur représentation exclusive pour un certain nombre de départements à la maison Lehmann-Weill de Colmar dont la clientèle leur avait été apportée par Ancet ; que ce dernier, qui s'était vu reconnaître par Lehmann-Weill et Otto-Riedel un droit à commission " sur toute la marchandise vendue sur l'ensemble du territoire français ", accepta cette modification aux accords de principe originaires ; que Otto-Riedel ayant en novembre 1961 décidé de charger Lehmann-Weill de sa représentation générale pour toute la France, en laissant à cette maison le soin de régler les commissions dues à Ancet et en refusant à celui-ci tout droit à des commissions sur les livraisons effectuées à Lehmann-Weill, Otto-Riedel, devant les protestations d'Ancet, accepta de lui verser une commission de 2 % sur toutes les marchandises vendues en France en 1962, mais par lettre du 13 mars 1962 l'informa qu'elle dénonçait définitivement ses relations d'affaires avec lui et que ses commissions lui seraient versées jusqu'au 31 mars ; que les établissements Otto-Riedel ayant refusé de payer à Ancet une indemnité égale à deux années de commissions, ce dernier les fit assigner devant le tribunal de commerce en payement de dommages-intérêts ;

Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir condamné les établissements Otto-Riedel au payement de dommages-intérêts pour rupture abusive d'un contrat qualifié de mandat d'intérêt commun, au motif que ces établissements avaient rompu unilatéralement le contrat les liant à Ancet, sans cause légitime et sans qu'aucune faute ait pu être reprochée au mandataire, alors que, selon le pourvoi, d'une part, le contrat de mandat peut être gratuit ou salarié et que la seule constatation d'une rémunération ou d'un intérêt, à défaut d'autres précisions, ne peut suffire à caractériser un mandat d'intérêt commun, et que, d'autre part, le droit de révocation d'un mandat d'intérêt commun à durée indéterminée n'est pas soumis par le mandant à la preuve d'une faute contractuelle du mandataire ; que, s'agissant d'un contrat à durée indéterminée, la réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle ne s'accompagne aucunement d'une faute du mandant, caractérisée par l'intention de nuire ou la légèreté blâmable, ne peut constituer un abus de droit mais est au contraire une cause légitime de révocation, non susceptible d'entraîner l'allocation des dommages-intérêts ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt attaqué ne se borne pas à énoncer qu'Ancet percevait des commissions rémunératrices ; qu'en ajoutant que ces commissions étaient calculées au pourcentage de toutes les affaires traitées en France, même sans l'entremise d'Ancet, et en rappelant qu'Otto-Riedel, dans ses conclusions, avait admis que le mandat litigieux consistait à prévoir et organiser en France la vente des produits de son entreprise, la cour d'appel relève qu'Otto-Riedel avait reconnu l'apport par Ancet d'une clientèle et " son travail d'initiation sur le marché français " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces motifs que la réalisation de l'objet du mandat présentait, pour Ancet comme pour Otto-Riedel, l'intérêt d'un essor de l'entreprise par création et développement de la clientèle, intérêt commun justifiant, pour la révocabilité de ce mandat, une dérogation aux règles des mandats gratuits ou salariés dont l'objet n'intéresse que le mandant ; qu'ainsi, la cour d'appel a pu retenir en l'espèce la qualification de mandat d'intérêt commun et qu'en sa première branche le moyen n'est pas fondé ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a pu considérer comme intervenue sans cause légitime la rupture de ce mandat par Otto-Riedel, la prétendue réorganisation de l'entreprise invoquée par lui, qui, selon les constatations de l'arrêt, avait seulement consisté à confier à un client, qu'Ancet lui avait apporté, la représentation primitivement attribuée à ce dernier en l'excluant de tout droit aux commissions, ne pouvant constituer une cause légitime de révocation dudit mandat ; qu'en sa seconde branche le moyen n'est pas davantage fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.