Cass. com., 3 juin 1997, n° 95-11.450
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Mézin
Défendeur :
Germain et fils (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Grimaldi
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Masse-dessen, Georges, Thouvenin, Me Delvolvé.
LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que M. Mezin reproche à l'arrêt déféré (Chambéry, 9 novembre 1994) d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation de son mandant, la société Germain et fils (société Germain), à lui payer une indemnité en application de l'article 3 du décret du 23 décembre 1958, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois intéressant l'ordre public ; que si, par une disposition expresse, le législateur a conféré à une loi un tel caractère, ses autres dispositions ne peuvent être interprétées en ce sens qu'elles permettraient aux parties de s'y soustraire ; qu'il en résulte que l'article 1er du décret du 23 décembre 1958, qui déclare que le contrat liant l'agent à ses mandants est écrit et indique la qualité des deux parties contractantes, s'analyse en une règle de preuve et non de fond, le mandataire étant impérativement soumis au statut issu du décret du 23 décembre 1958 dès lors que les fonctions par lui exercées pour le compte de son mandant répondent à la définition légale d'agent commercial ; qu'en refusant à M. Mezin cette qualité et, partant, tout droit à l'indemnité statutaire, par cela seul que la convention conclue avec le mandant ne précisait pas sa qualité, et sans rechercher si ses fonctions contractuelles correspondaient bien à la définition d'agent commercial statutaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1 et 3 du décret du 23 décembre 1958 ; alors, d'autre part, que les juges sont tenus de statuer dans les limites du débat telles que fixées par les conclusions des parties ; qu'il était admis par les litigants que le dernier contrat, daté du 1er janvier 1980, avait pris effet à cette date bien qu'il n'eût été signé par M. Mezin que le 13 juin 1980, en sorte qu'en se référant à l'acte du 1er janvier 1980 ou à celui du 13 juin 1980, les parties visaient en réalité la même convention ; qu'il n'avait donc nullement été soutenu que seul devait être pris en considération le contrat du 13 juin 1980, à l'exclusion de celui du 1er janvier 1980 ; qu'en décidant qu'elle ne pouvait se déterminer qu'en fonction de l'acte du 13 juin 1980 et non de celui " du 31 (lire 1er) janvier 1980 comme aurait voulu le faire " M. Mezin et, partant, en refusant d'examiner ses prétentions fondées sur cette convention, la cour d'appel a méconnu les termes du litige au regard de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que le contrat signé le 13 juin 1980 comportait, ainsi que le faisait valoir M. Mezin, une stipulation aux termes de laquelle il s'était engagé à ne pas faire de prospection d'armatures et de chaînages standard pour le compte d'un autre armaturier et qui s'analysait donc en une clause de non-concurrence ; qu'en décidant que l'immatriculation du mandataire au registre des agents commerciaux et sa désignation comme travailleur indépendant n'étaient pas suffisantes pour justifier l'application du décret du 23 décembre 1958 car, s'il s'était agi d'un mandat d'agent commercial, il aurait été prévu une clause de non-concurrence en faveur du mandant, considérant par là même que la convention signée le 13 juin, la dernière ayant lié les parties, ne comportait pas une telle clause, la cour d'appel a dénaturé cet acte en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, que la convention liant les parties n'indiquait pas leurs qualités, l'arrêt retient souverainement que " M. Mezin et la société Germain étaient des professionnels avertis et n'auraient pas manqué de désigner le mandat dont s'agit sous la qualification juridique qu'ils entendaient lui donner " ; qu'en l'état de ces seuls motifs la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches ;
Mais sur le second moyen : - Vu l'article 2004 du Code civil ; - Attendu que le mandat d'intérêt commun à durée indéterminée ne peut être révoqué que par le consentement mutuel des parties ou pour une cause légitime reconnue en justice ou encore suivant les clauses et conditions spécifiées au contrat ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. Mezin en indemnisation du préjudice qu'il alléguait, l'arrêt retient que le contrat de mandat d'intérêt commun de durée indéterminée liant les parties a prévu qu'il était résiliable à tout moment, pour quelque cause que ce soit, par l'une ou l'autre des parties, avec préavis de 6 mois et qu'il n'est nullement contesté par M. Mezin que la société Germain a respecté les formes et délai stipulés au contrat, lequel n'a prévu en cas de rupture aucune indemnité en faveur du mandataire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, au vu d'une clause ayant pour seul but de fixer les conditions de forme et de délai du préavis de résiliation du mandat d'intérêt commun, sans rechercher si la société Germain justifiait d'une cause légitime de résiliation ou si M. Mezin avait contractuellement renoncé à son droit à indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la résiliation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts présentée par M. Mezin, l'arrêt rendu le 9 novembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.