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Décisions

Cass. com., 26 mai 1999, n° 96-20.299

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

De Clerfayt (consorts)

Défendeur :

Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (SARL), Agences et Diffusion (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Vigneron

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Delaporte, Briard.

T. com. Paris, 4e ch. suppl., du 2 févr.…

2 février 1995

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juillet 1996), que M de Clerfayt, propriétaire d'un fonds de commerce de librairie-papeteries-journaux et agréé par la société Nouvelles Messageries de la Presse parisienne (la société) en qualité de dépositaire central de presse, est décédé, en 1985, en laissant pour ayants-droit Mme de Clerfayt, son épouse, et Mlles Carole et Audrey de Clerfayt, ses enfants, (les consorts de Clerfayt) ; que le 28 octobre 1985, la société a conclu avec Mme de Clerfayt un nouveau contrat de dépositaire central de presse ; que par lettre du 25 avril 1994, la société a résilié ce contrat avec effet au 31 octobre 1994 en invoquant la réorganisation de son réseau de distribution et s'est engagée à lui payer une indemnité qui sera fixée conformément aux usages de la profession ; que par lettre du 8 septembre 1994, la société a offert une indemnité de 117 044 F ; que Mme de Clerfayt, contestant la régularité de la résiliation du contrat et le montant de l'indemnité proposée, a assigné la société en paiement de dommages-intérêts pour la dépréciation du fonds de commerce ; que Mme de Clerfayt agissant en qualité de tutrice de sa fille mineur Audrey et Mlle Carole de Clerfayt sont intervenues à l'instance pour s'associer à la demande de Mme de Clerfayt ; que le tribunal a rejeté cette demande et a fixé l'indemnité due par la société à la somme de 117 044 F ; que les consorts de Clerfayt ont fait appel du jugement ; que la société d'Agences et de Diffusion est intervenue en cause d'appel ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que les consorts de Clerfayt reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à ce que soit constatée la résiliation fautive du contrat par la société et à ce qu'il soit dit que Mme de Clerfayt doit, de nouveau, être livrée en qualité de dépositaire alors, selon le pourvoi, d'une part, que le contrat de dépositaire de presse constitue un mandat d'intérêt commun, ainsi que le reconnaît nécessairement la société qui a admis le principe du versement d'une indemnité au profit des dépositaires centraux rattachés et a effectivement institué une telle indemnité ; et que le mandat d'intérêt commun est par nature irrévocable ad nutum ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, notamment aux motifs inopérants que les modalités du contrat régissant les relations entre la société et les dépositaires centraux de presse auraient été mises au point à la suite de négociations avec le SNDP sous l'égide du Conseil Supérieur des Messageries de presse et que, dans le cadre du système de distribution de la presse instituée par la loi du 2 avril 1947, la société est habilitée à permettre l'ouverture ou la fermeture des dépôts et des points de vente, la cour d'appel a violé les articles 1984 et 2004 du Code civil ; alors, d'autre part, que Mme de Clerfayt faisait valoir en appel qu'au soutien de ses prétentions la société s'était bornée à produire devant les juges du fond un document intitulé plan à moyen terme 1994-1997 consolidation et concentration qui traitait de sa rationalisation et de sa modernisation passant par la diminution de son effectif salarié et par la modernisation de son centre de traitement, et auquel était annexé un protocole passé entre elle-même, le Ministre du Travail, le Ministre du Budget et le Ministre de la Communication en date du 27 décembre 1993 concernant les conditions d'octroi d'un soutien exceptionnel des pouvoirs publics pour la mise en place d'un plan social ; que ce plan de modernisation ne concernait donc en rien les dépositaires, commerçants indépendants ne faisant pas partie de la structure de la société ; qu'en revanche, celle-ci n'avait jamais produit devant les juges du fond aucun plan de restructuration de son réseau de dépositaires, alors qu'un tel plan, arrêté par les éditeurs et faisant apparaître la liste exacte des dépositaires devant être rattachés et la liste de ceux devant bénéficier de ces procédures de rattachement, seul, aurait pu constituer un motif légitime de résiliation du contrat de dépositaire de Mme de Clerfayt ; et que d'ailleurs, un nouveau diffuseur avait été rattaché à celle-ci à la fin de l'année 1993, soit immédiatement avant que lui soit annoncé son propre rattachement à la SAD de Limoges ; qu'en laissant ces conclusions sans réponse, la cour d'appel, qui a statué au motif inopérant que Mme de Clerfayt aurait "bénéficié" d'un délai de préavis largement supérieur à celui qui était contractuellement prévu, a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et privé sa décision de base légale au regard de l'article 2004 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en s'abstenant de rechercher, comme cela le lui était demandé, si le transfert des dépôts aux SAD, filiales de la société bénéficiant d'un taux de commission bien supérieur à celui perçu par les autres dépositaires centraux, pouvait constituer, dans le cadre d'un plan de restructuration lié à un souci d'économie, un motif légitime de révocation du mandat d'intérêt commun liant la société aux autres dépositaires centraux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2004 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le contrat prévoit qu'il est résiliable ad nutum, que le 15 décembre 1993, la société et le syndicat national des Dépositaires de Presse (SNDP) ont établi un plan de restructuration du réseau de distribution de la presse parisienne aux termes duquel les dépôts desservant "entre 0 et 10 diffuseurs" seront rattachés à d'autres organisations de vente sur décision de la société, mandatée par les éditeurs, que la société a résilié le contrat en se référant à cet accord et que deux diffuseurs étaient rattachés au dépôt de presse litigieux, la cour d'appel a pu retenir que la résiliation du contrat avait un motif légitime; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel qui a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument omises et qui n'avait pas à effectuer d'autres recherches, a justifié sa décision, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que les consorts de Clerfayt reprochent, encore, à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en paiement de la somme de 231 650 F pour la reprise forcée du dépôt central de presse alors, selon le pourvoi, d'une part, que Mme de Clerfayt faisait valoir en appel que la prise en considération d'un chiffre de 40 % au titre des frais généraux ne résulte pas d'un usage de la profession mais d'une décision unilatérale et récente de la société et produisait devant les juges du fond une lettre datée du 8 décembre 1993 et adressée au SNDP par le directeur commercial du réseau de la société, M Marc, confortant son affirmation ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions précitées et de porter la moindre attention à l'élément de preuve produit devant elle, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en déniant à Mme de Clerfayt le droit de contester l'application de ce prétendu usage, au seul motif qu'il résulte d'une attestation de l'expert-comptable de Mme de Clerfayt que ses charges d'exploitation se sont élevées à plus de 50 % du chiffre d'affaires non contesté de 812 809 F et sans rechercher quels étaient les frais généraux de Mme de Clerfayt afférents à sa seule activité de dépositaire de presse et qui devaient seuls disparaître avec cette activité de dépositaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, en outre, que Mme de Clerfayt faisait valoir en appel que si le décret du 9 février 1988 fixe à 15 % le maximum des commissions prévues pour les marchands vendant directement au public, il réduit les commissions dues aux diffuseurs d'un point pour les quotidiens et de 2 points pour les publications lorsque ces fournitures font l'objet d'une livraison directe au domicile des diffuseurs ; que la différence de 1 et 2 points correspond à la rémunération du service de livraison ; qu'ainsi, la perte de bénéfice subie par le dépositaire rattaché n'est pas de 8 % mais de 9 % sur les quotidiens et de 10 % sur les publications ; et que le dépositaire rattacheur reprenant lui-même cette activité, elle doit faire partie de l'évaluation de l'indemnité due ; qu'en laissant ces conclusions sans réponse, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 du décret du 9 février 1988 et alors, enfin, qu'en s'abstenant de rechercher elle-même le montant du préjudice subi par Mme de Clerfayt du fait de la révocation de son contrat et en se bornant à entériner le forfait proposé par la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le plan de restructuration précité prévoit que les titulaires des dépôts de presse rattachés seront indemnisés selon les règles ou usages de la profession et qu'en exécution de ce plan, la société a offert à Mme de Clerfayt une indemnité de 117 044 F, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de ces usages et des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la cour d'appel, par une décision motivée, a fixé l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice résultant de la résiliation du contrat; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.