Cass. com., 22 janvier 2002, n° 98-21.953
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Benhamou
Défendeur :
Coultronics France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Tric
Avocat général :
M. Feuillard
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 27 mars 1998), qu'agent technique salarié de la société Coultronics France depuis 1979, M. Benhamou a pris un congé sabbatique et a signé le 31 mars 1992 avec cette société un contrat international de mandatement soumis au statut des agents commerciaux pour une durée de onze mois ; que ce contrat a été renouvelé pour une durée de douze mois le 2 mars 1993 puis pour une nouvelle durée de douze mois le 2 mars 1994, le congé sabbatique étant suivi de deux congés pour création d'entreprise ; que le 17 novembre 1994, il a écrit à son mandant qu'il devait reprendre son travail à compter du 3 mars 1995, son congé prenant fin à cette date ; que le 9 février 1995, il a reçu une convocation pour un entretien préalable à son licenciement que par lettre du 26 février 1995, il a pris note de la rupture de son contrat de travail et a déclaré poursuivre le mandat d'agent commercial ; que par courrier du 8 mars 1995, la société lui a confirmé son licenciement pour motif économique et l'a dispensé de l'exécution du préavis ; que par lettre du 21 mars, elle lui a indiqué que le contrat d'agence commerciale avait pris fin le 3 mars 1995 en raison de la volonté expresse de ne pas le renouveler qu'il avait manifestée ; qu'il l'a assignée en paiement d'indemnités de rupture ainsi que de commissions ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que M. Benhamou reproche à l'arrêt d'avoir mentionné la présence du greffier lors des débats et du délibéré, alors, selon le moyen, que les délibérations des juges sont secrètes, en sorte que l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 448 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt que le greffier, qui fait partie de la juridiction, ait assisté au délibéré ; que le moyen manque en fait ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que M. Benhamou reproche encore à l'arrêt d'avoir décidé qu'aucune indemnité de rupture n'était due par le mandant du fait de la cessation du contrat d'agent commercial, alors, selon le moyen : 1°) que dans le courrier adressé à sa mandante le 17 novembre 1994, l'agent commercial se bornait à rappeler que le congé pour la création d'entreprise dont il bénéficiait, prendrait fin le 3 mars 1995", date à laquelle il devait en principe reprendre son travail, mais ne déclarait nullement vouloir interrompre avant terme l'exécution du contrat d'agent commercial signé le 31 mars 1992 et renouvelé successivement par deux avenants; qu'en affirmant cependant que la rupture du contrat ne pouvait être attribuée qu'à M. Benhamou dans la mesure où il l'avait lui-même fait cesser de manière certaine dès le 17 novembre 1994, la cour d'appel a dénaturé la lettre claire et précise sur laquelle elle s'est fondée, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 2°) qu'en toute hypothèse, le juge a le devoir d'interpréter un écrit obscur ou ambigu; qu'à supposer que la lettre du 17 novembre 1994 n'eût pas été claire et précise, le juge ne pouvait affirmer qu'il en résultait que M. Benhamou avait lui-même fait cesser de manière certaine le contrat d'agence commerciale dès le 17 novembre 1994, sans rechercher si, compte tenu du contexte, sa volonté n'était pas de subordonner sa décision à sa réintégration effective dans l'entreprise au terme du contrat d'agence commerciale; qu'en s'abstenant d'interpréter un écrit dont elle a cru à tort que le sens ne faisait aucun doute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu quel'arrêt retient, sans dénaturer la lettre claire et précise du 17 novembre 1994, que le choix de M. Benhamou de réintégrer l'entreprise ne contient aucune ambiguïté dès lors qu'il est mentionné que l'expiration du congé pour création d'entreprise impliquait une reprise de l'activité salariée, reprise qui lui a permis, à la suite du licenciement qui lui a été notifié régulièrement, de percevoir les indemnités auxquelles il pouvait prétendre tout en étant dispensé d'accomplir le préavis; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le pourvoi incident : - Attendu que la société Coultronics France reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée aux dépens d'appel sans aucune motivation, alors que, ne succombant sur aucun chef de ses prétentions, elle n'était pas perdante et que la cour d'appel a ainsi violé l'article 696 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la société Coultronics France, appelante incidente du chef de la condamnation à payer des commissions, succombé partiellement; que la cour d'appel avait dès lors le pouvoir discrétionnaire de répartir les dépens sans justifier sa décision par des motifs spéciaux que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que la cour d'appel a limité la condamnation de la société Coultronics France à la somme de 22 366, 90 francs au titre des commissions restant dues, en affirmant qu'elle disposait d'éléments suffisants d'appréciation pour réduire à cette somme le montant des commissions restant dues ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans indiquer quels étaient ces éléments ni en faire la moindre analyse, fût-elle succincte, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et Annule, mais seulement en ce qu'il a infirmé le jugement entrepris sur le montant des commissions restant dues et condamné la société Coultronics France à payer à M. Benhamou la somme de 22 366, 90 francs avec intérêts au taux légal à compter du jugement, l'arrêt rendu le 27 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris; remet en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.