CA Bordeaux, 2e ch., 2 décembre 1998, n° 96007453
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ginestet (SA)
Défendeur :
Asco Partner (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frizon de Lamotte
Conseillers :
Mlle Courbin, M. Ors
Avoués :
Me Fournier, SCP Boyreau
Avocats :
Mes Bouffard, Bats.
En septembre 1992 M. Cericola, ancien salarié de la SA Ginestet, a créé avec M. Pfaff la Société Asco Partner, devenue à compter du 1er septembre 1992 agent de la Société Ginestet pour une clientèle répartie sur une quinzaine de départements, à l'exclusion de centrales d'achats énumérées en annexe au contrat ;
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 avril 1994, la SA Ginestet a mis fin au contrat avec préavis de deux mois, délai reporté au 30 juin 1994 ;
La Société Asco Partner a pris acte de la rupture et informé la Société Ginestet de ce qu'elle entendait faire valoir ses droits à indemnité comme stipulé dans la loi de 1991, nonobstant les termes du contrat sur son mode de calcul.
Par jugement du 29 novembre 1996, le Tribunal de Commerce de Bordeaux, statuant au vu d'un rapport d'expertise judiciaire, a dit que le motif de rupture invoqué par la Société Ginestet n'était pas justifié, a condamné la Société Ginestet à payer à la Société Asco Partner 301.782 F HT à titre de solde de commissions et 1.708.734 F à titre d'indemnité de rupture, outre 25.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, a ordonné l'exécution provisoire à charge pour la Société Asco Partner de fournir caution à hauteur de 2.000.000 F.
La SA Ginestet a interjeté appel le 18 décembre 1996, conclu le 7 avril 1992 à la réformation du jugement, la Société Asco Partner étant déboutée de ses demandes sauf en ce qui concerne la somme de 16.469 F, relative aux affaires commerciales de l'automne 1994 ;
Elle demande le remboursement de la somme de 2.091.647,45 F avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 1997, et 50.000 F au titre de l'article 700 du NCPC
Elle observe n'avoir jamais prétendu qu'Asco Partner avait commis une faute grave privative de l'indemnité de rupture ;
Elle conteste devoir d'autres commissions que celles afférentes aux opérations commerciales de l'automne 1994 (Docks de France), soit 16.469 F ;
Elle soutient qu'il y a eu diminution de la clientèle confiée à Asco Partner lors de la durée très brève, 21 mois et demi, du contrat, qu'Asco Partner n'a droit à aucune indemnité de rupture en application du contrat ;
Asco Partner SARL, par conclusions du 25 mars 1998, sollicite la confirmation du jugement, 50.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Attendu, au vu d'un projet de contrat d'agent commercial, que les parties ont envisagé que M. Cericola soit l'agent commercial de la SA Ginestet ;
Que le contrat a été signé le 31 août 1992 entre Asco Partner SARL représentée par ses gérants M. Pfaff et M. Cericola, l'"agent", et la Société Ginestet laquelle a donné mandat à la Société Asco Partner de vendre l'ensemble de ses vins tranquilles et effervescents, auprès de la clientèle limitativement définie en annexe 1, située dans 12 départements, outre le 21 sauf Carrefour, et le 25, sauf arrondissement Montbéliard, et des clients énumérés ;
Que par courrier du même jour, la Société Ginestet a confirmé à M. Cericola son accord pour sa cessation d'activité en tant que salarié de Ginestet SA le 31 août 1992, suite à sa décision de s'installer comme agent commercial associé ;
Que la SARL Asco Partner a été inscrite au registre du Commerce et des Sociétés du Greffe du Tribunal de Commerce de Nancy le 13 octobre 1992 ; que les deux gérants étaient M. Pfaff et M. Cericola ; que l'exploitation a débuté le 19 septembre 1992 ;
Que par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 avril 1994, Ginestet SA a informé M. Cericola de ce, lorsqu'elle avait signé le contrat du 31 août 1992, le fait que l'agence était gérée à la fois par lui et M. Pfaff constituait un élément substantiel de la convention, sans lequel elle n'aurait jamais contracté ;
Qu'en conséquence elle résiliait le contrat avec effet dans un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre ;
Qu'il résulte des termes de cette lettre "nous sommes donc contraints de prendre acte de la notification substantielle du contrat intervenue de votre fait" ;
Qu'aux termes de ses écritures, Ginestet SA précise qu'elle n'invoque aucune faute contre Asco Partner, privative de l'indemnité de rupture, la discussion les opposant portant sur un éventuel solde de commissions, et sur la possibilité pour Asco Partner, en application des termes du contrat, de percevoir une indemnité dont le quantum devrait être fixé ;
Sur les commissions :
Attendu que la Société Ginestet, pour refuser les commissions demandées, produit une attestation de M. Pfaff, du 3 octobre 1995 aux termes de laquelle il avait été entendu entre Partner Asco et Ginestet que celle-ci ne verserait aucune commission concernant :
* le client LIDL, ce dossier ayant été traité directement entre la Direction générale de Ginestet et le client,
* les magasins d'Auchan Strasbourg et Semecourt qui dépendaient de la Région Auchan Paris,
* les opérations nationales (Foire aux vins du premier semestre 1993, Gros Volumes du deuxième semestre 1993, Anniversaire deuxième semestre 1993, Cora en Fête premier semestre 1994) sur les autres secteurs que celui de Asco Partner, sauf cas particulier, ce qui n'avait pas été le cas ;
Attendu, au vu des pièces du dossier et notamment du rapport de l'expert judiciaire, qui a entendu contradictoirement les parties, que le client Lidl est situé dans le département 67, soit dans le secteur de l'agent défini par l'annexe 1 du contrat ;
Qu'aucune pièce ne démontre que la Direction générale de Ginestet et le client ont travaillé directement, si ce n'est une attestation de M. Flugge, responsable des achats de Lidl auprès de Ginestet entre 1990 et février, disant que les achats se faisaient exclusivement et directement entre lui et le Directeur général de Ginestet ;que toutefois, cette attestation n'est étayée par aucun document ;
Que la renonciation certaine de Partner Asco à commission, conformément au contrat, n'est pas établie ; que la commission de 142.164 F est due ;
Qu'Auchan Strasbourg et Auchan Semecourt sont également situés sur le secteur de Asco Partner les départements 57 et 67, sans restriction ; qu'il est à noter que les commissions ont été versées par Auchan Strasbourg ;
Que le 5 avril 1993, Asco Partner, sous la signature des deux gérants a écrit à Ginestet SA que "Auchan Strasbourg" était bien suivi par l'agence ; que la liste de la "Centrale d'achats Auchan liquide" démontre que Auchan Semecourt dépend de la région Nord et non de la région de Paris ; que pour le même motif tenant à l'absence de preuve d'une renonciation non équivoque aux commissions concernant ces deux clients, il est dû à Asco Partner 20.383 F et 10.856 F ; que la commission de 16.469 F pour le client Docks de France n'est plus discutée et a été payée
Que l'opération particulière "Automne 94" concernant Cora est donc postérieure à la fin du contrat, le 30 juin 1994, date non contestée ;
Que M. Cericola revendique des commissions, l'affaire ayant été conclue environ 6 mois à l'avance ;
Qu'aux termes de l'article VII du contrat, visant l'article 7 de la Loi du 25 juin 1991, l'agent a droit à commission pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, si cette opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, ou si l'ordre du client a été reçu par le mandant ou par l'agent avant la cessation du contrat ;
Qu'Asco produit des pièces des 4 mai et 15 juin démontrant que les foires aux vins "Automne 94" ont été organisées avant la fin du contrat ; que les commissions afférentes sont dues ;
Que l'annexe I vise les opérations nationales Cora ; que Asco verse aux débats une facture de commission de 91.925,76 F visant plusieurs opérations dont "Cora en Fêtes Printemps 93", que Ginestet a réglée le 21 juillet 1993 ; que Ginestet a payé également une facture de commissions pour "Cora Bordeaux 1er prix 93", donc hors secteur, de 12.020,84 F le 16 mars 1994 ;
Que dans une lettre du 17 octobre 1994, Ginestet a fait remarquer quant aux "Opérations nationales Cora" "le taux de commission était à négocier", ce qui résulte de l'annexe I ;
Qu'elle a ainsi reconnu le droit à commissionnement de ASCO pour ces opérations hors secteur de celle-ci ;
Que M. Pfaff, en signant la lettre du 5 avril 1993, a indiqué le taux de commission convenu pour les opérations nationales Cora ; qu'il a également envoyé lui-même un fax, le 6 septembre 1993, réclamant le paiement de commissions pour les opérations traitées "FAV Nationales printemps 93" ;
Qu'Asco Partner est donc fondée à solliciter les commissions telles que chiffrées par l'expert pour Cora 73.282 F pour l'opération "Automne 94" et pour les opérations nationales 23.424 et 20.804 F ;
Attendu, ainsi, que les pièces versées par Asco Partner démontrent l'inexactitude des indications données par M. Pfaff, démenties par ses propres courriers ; qu'en outre, le contrat d'agent commercial étant un contrat civil, la preuve du mandat reste soumise aux règles générales de la preuve des conventions et doit répondre aux exigences de l'article 1341 du Code Civil ;
Que les attestations produites par Ginestet SA ne peuvent contredire les mentions du contrat signées par les parties y compris l'annexe I visée expressément par ce contrat, et qui définit les éléments de fixation des commissions, en l'absence de preuve rapportée d'un nouvel accord conclu entre les parties notamment quant à la renonciation par Asco Partner de commissions dues en application du contrat liant les parties ;
Sur l'indemnité de résiliation :
Attendu que l'article VIII du contrat d'agent prévoit qu'en cas de résiliation de ce contrat par le mandant, l'agent a droit à une indemnité en réparation du préjudice subi ;
Qu'il est dit à l'article 1er que "les indemnités prévues dans les articles suivants ne pouvant porter que le supplément de chiffre d'affaires annuel apporté par l'agent", c'est à dire que l'indemnité de rupture ne peut porter que sur le supplément de chiffre d'affaires annuel apporté par l'agent ;
Que Ginestet soutient qu'une indemnité de rupture étant destinée à réparer le préjudice que l'agent pourrait subir du fait de la perte de la clientèle qu'il aurait pu apporter, Asco Partner n'a droit à aucune indemnité, le chiffre d'affaires apporté par Ginestet au 1er septembre 1992 de 36.602.898 F, ayant été ramené à 35.035.450 F pour 1993- 1994 ;
Attendu, toutefois, que cette légère baisse n'est pas significative d'une perte de clientèle ;
Qu'en tout état de cause, l'article 12 de la Loi du 25 juin 1991 dit : "en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi";
Que l'article VIII du contrat est donc conforme à l'article 12 de la loi mais que son application est limitée par le 3e alinéa de l'article 1er, qui conditionne le droit à une indemnité à un supplément de chiffre d'affaires réalisé par l'agent et donc à l'apport de clients, dérogeant ainsi, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions d'ordre public de l'article 12 de la loi; que dès lors, en application de l'article 16 de celle-ci, le 3e alinéa de l'article 1er est réputé non écrit ;
Attendu, sur le quantum de l'indemnité, que Asco Partner avait demandé réparation à hauteur de deux années de commissions, calculées au prorata temporis, sur la base de 22 mois d'exécution du contrat, de septembre 1992 à juin 1994 ; que l'expert a suggéré de ne pas retenir cette demande ;
Que les parties ont été d'accord sur le montant des commissions versées, 1.393.749 F pour la période de septembre 1992 à juin 1994, soit 22 mois, auxquelles doivent être ajoutées celles encore dues et non contestées par Ginestet, 30.447 F, et les commissions contestées mais dues par Ginestet ; 142.164 + 20.383 + 10.856 + 73.282 +20.804 + 16.469 ; que les commissions s'élèvent pour 22 mois à 1.708.154 F ;
Attendu que Asco Partner ne discute plus le calcul opéré par l'expert sur la base de 22 mois ; que la somme de 1.708.154 F allouée par le Tribunal, sur cette base et non celle de 22 mois comme il est indiqué par suite d'une erreur purement matérielle, est justifiée ;
Attendu que le jugement est confirmé ;
Attendu que l'appelante, qui succombe, doit supporter les entiers dépens ;
Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles de procédure ;
Par ces motifs, - dit la Société Ginestet SA mal fondée en son appel, - confirme le jugement, Y ajoutant, - condamne la Société Ginestet SA à payer à Asco Partner SARL une somme complémentaire de 10.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamne la Société Ginestet SA aux entiers dépens, application étant faite des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.