CA Paris, 5e ch. A, 31 octobre 2001, n° 1999-21212
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
LMBE (SARL)
Défendeur :
Du Roure de Beaujeu
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard-Payen
Conseillers :
Mmes Jaubert, Percheron
Avoués :
SCP Gibou-Pignot-Grapotte-Benetreau, SCP Dauthy-Naboudet
Avocats :
Mes Mery, Grignon-Dumoulin.
Par contrat d'agent commercial conclu le 25 octobre 1996 pour une durée indéterminée et devant prendre effet dès l'inscription de l'agent au greffe des agents commerciaux, la société LMBE a confié à Monsieur Norbert Du Roure le mandat de négocier et de vendre divers produits.
Estimant que son mandant avait rompu le contrat sans qu'il n'ait commis de faute, Monsieur Du Roure a assigné ce dernier devant le Tribunal de commerce d'Evry qui par jugement du 30 juin 1999 a :
- condamné la société LMBE à payer à Monsieur Du Roure de Beaujeu les sommes de :
- 277 340 F HT au titre de l'indemnité de rupture,
- 41 809 F TTC au titre de l'indemnité de préavis,
- 32 050,90 F TTC au titre des commissions impayées,
le tout avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 1998,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les autres parties de leurs demandes,
- condamner la société LMBE à payer la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Appelante, la société LMBE demande à la cour de :
- débouter Monsieur Du Roure de ses demandes,
- condamner Monsieur Du Roure à lui payer les sommes de :
- 218 803,03 F,
- 1 F à titre de dommages et intérêts,
- 20 000,00 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Monsieur Du Roure de Beaujeu demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 15 janvier 1998, date de la résiliation du contrat,
- débouter la société LMBE de ses demandes et déclarer irrecevable, comme nouvelle, celle en réparation de l'indu,
- la condamner à lui payer la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Sur ce,
Considérant que la société LMBE fait valoir :
- que le contrat ayant pris effet le 8 janvier 1997, Monsieur Du Roure est mal fondé à réclamer des commissions sur les commandes passées en décembre 1998 par l'Institut Français du Pétrole (l'IFP) ce d'autant qu'il n'a pas apporté ce client (ni d'autres), tandis qu'elle est bien fondée à ne pas régler la somme de 32 050,96 F TTC correspondant au solde de la commission indûment facturée à ce titre par Monsieur Du Roure et à réclamer la somme de 218 803,07 F qu'elle a versée sans cause ;
Que Monsieur Du Roure a pris l'initiative de la rupture par son courrier du 15 décembre 1997 de sorte qu'elle est bien fondée à réclamer le franc symbolique à titre de dommages et intérêts, que pour sa part elle a suspendu la rupture inscrite dans son courrier du 15 janvier 1998,
- subsidiairement que Monsieur Du Roure a commis "la faute grave" justifiant la rupture sans indemnité,
- plus subsidiairement que Monsieur Du Roure n'ayant apporté aucune commande les indemnités de résiliation et de préavis doivent être égales à zéro,
- en tout état de cause qu'on ne saurait, comme le fait le tribunal, déduire du montant de la commission d'IFP équivalent à la somme de 250 854,03 F TTC que l'activité de Monsieur Du Roure avait immanquablement entraîné "sur trois années, des commissions de 416 610 F HT",
- condamner Monsieur Du Roure à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Considérant que Monsieur Du Roure oppose :
- qu'il a été chargé avant le 8 janvier 1997 de prospecter le client IFP, et étant à l'origine des commandes passées par ce dernier, est bien fondé en sa demande en paiement de commission comme étant dues par la société LMBE qui est irrecevable en sa demande en paiement de l'indu formée pour la première fois devant la cour,
- que la société LMBE qui a manqué à ses obligations et ne prouve l'existence d'aucune faute à son encontre est entièrement responsable de la rupture du contrat,
- les premiers juges ont parfaitement évalué le quantum des indemnités ;
Considérant, en premier lieu, que la demande en répétition de l'indu qui tend notamment à faire écarter les prétentions adverses est recevable ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des propres écrits de la société LMBE et de l'IFP (offres de prix et documentation adressées les 17 janvier et 31 janvier 1996 à l'IFP et courriers des 31 juillet, 28 août et 15 janvier 1998 envoyés à Monsieur Du Roure, lettre de consultation du 26 juillet 1996 envoyée par l'IFP à Monsieur Du Roure) que si cette société était entrée en relation avec l'IFP depuis le début de l'année 1996, elle a en juillet 1996 chargé Monsieur Du Roure de présenter et de vendre ses produits à cet institut ce qui a abouti, grâce aux diligences accomplies par Monsieur Du Roure (ses rapports et écrits des 30 octobre, 6 novembre et 6 décembre 1996), à la passation de commandes pour lesquelles elle s'était engagée à verser des commissions d'un montant égal à la somme de 208 005 F HT dont elle s'est acquittée à hauteur de la somme HT 181 428,75 F le solde devant être réglé "dès que possible" ;
Que la société LMBE sera en conséquence déboutée en sa demande en restitution de l'indu et condamnée à payer à Monsieur Du Roure la somme de 26 576,25 F HT soit 32 050,96 F TTC ;
Considérant, en troisième lieu, qu'à partir du 31 juillet 1997, les parties ont échangé des courriers dans lesquels elles se reprochaient un non-respect de leurs obligations puis ont exprimé le voeu de ne plus entretenir de relations commerciales ;
Que le 15 janvier 1998, la société LMBE relevant n'avoir aucune réponse à son précédent courrier du 18 décembre 1997 dressant une liste des fautes commises par son mandataire et indiquant son accord pour se séparer de lui, a confirmé par lettre recommandée avec avis de réception sa décision de se séparer de Monsieur Du Roure et lui a interdit tout contact avec sa clientèle ;
Que la veille, le 14 janvier 1998, le conseil de Monsieur Du Roure a pris acte de la fin du contrat et notifié les droits à indemnité de son client ;
Que la société LMBE a alors suspendu par courrier du 5 février 1998 la résiliation dans l'attente, selon elle, des observations de Monsieur Du Roure tout en continuant dans un courrier du 9 mars 1998 à exprimer ses critiques et sa défiance envers lui et en le laissant sans information sur une possible reprise des contacts avec la clientèle et ce après avoir reçu un second courrier du conseil de Monsieur Du Roure envoyé le 24 février 1998 (et par erreur daté du 26 janvier 1998) qui lui notifiait à nouveau les droits à indemnité de son client et lui fournissait le 14 avril 1998 d'amples explications pour combattre les fautes alléguées à son encontre aux fins d'éviter un règlement contentieux du litige ;
Que par ce comportement la société LMBE qui, de plus, n'a pas entendu répondre au courrier du 14 avril 1998, a clairement exprimé sa volonté de se séparer de son mandataire, ce dernier ne pouvant comme il l'a fait les 17 février, 26 janvier et 24 février 1998 qu'en tirer les conséquences ;
Qu'elle est donc mal fondée en sa demande de dommages et intérêts ;
Considérant, en quatrième lieu, que la société LMBE ne démontre pas que Monsieur Du Roure ait délibérément voulu la tromper sur les intentions réelles de ses interlocuteurs et les demandes qu'il lui avait adressées ni que l'absence de commande pendant l'exécution du contrat d'agent commercial soit imputable à une quelconque faute de sa part ;
Qu'en absence de faute grave démontrée la société LMBE est redevable envers son mandataire des indemnités de préavis et de résiliation ;
Mais considérant qu'il est littéralement énoncé à l'article 4 du contrat que celui-ci prendra effet dès l'inscription de l'agent au Greffe des agents commerciaux, laquelle est en date du 8 janvier 1997 ;
Que Monsieur Du Roure a clairement entendu bénéficier des dispositions légales et réglementaires applicables aux agents commerciaux qu'à compter du 8 janvier 1997 ;
Que les seules commissions qu'il a reçues sont afférentes à des commandes passées par l'IFP avant la prise d'effet du contrat et ce dans le cadre de la mission ponctuelle qui lui avait été confiée ;
Qu'il ne peut donc prétendre à aucune indemnité ;
Considérant, en cinquième lieu, que les conditions d'application de l'article 1154 du Code civil sont réunies ;
Que la capitalisation des intérêts sollicitée le 2 mars 2000 sera ordonnée ;
Qu'il est équitable d'allouer à Monsieur Du Roure la somme de 5.000 F au titre de ses frais irrépétibles de première instance ;
Qu'il n'est pas inéquitable de laisser la société LMBE supporter ses frais non compris dans les dépens ;
Par ces motifs : LA COUR ; Réforme le jugement déféré ; Statuant à nouveau ; Déclare recevable mais mal fondée la demande en répétition de l'indu ; Condamne la société LMBE à payer à Monsieur Du Roure de Beaujeu la somme de 32.050,96 F TTC au titre des commissions impayées ; Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil ; Déboute Monsieur Du Roure de Beaujeu du surplus de ses demandes ; Condamne la société LMBE à payer à Monsieur Du Roure de Beaujeu la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; La déboute de ses demandes ; La condamne aux dépens de première instance ; Condamne Monsieur Du Roure de Beaujeu aux dépens d'appel ; Admet l'avoué concerné au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.