Cass. com., 27 mars 2001, n° 98-19.926
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Anker (SA)
Défendeur :
Veuve Cliquot Ponsardin (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq (faisant fonctions)
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Thomas-Raquin, Benabent, SCP Piwnica, Molinié.
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Reims, 29 avril 1998), que, distributeur des produits de la société Veuve Clicquot Ponsardin (VCP) sur le territoire grec depuis près de trente ans par le biais de différents contrats, la société de droit hellénique Anker a assigné son fournisseur en responsabilité pour avoir, notamment, abusivement refusé de renouveler le contrat de distribution qu'elles avaient conclu pour la période du 28 novembre 1991 au 31 juillet 1993 ;
Attendu que la société Anker fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande, alors, selon le moyen : 1°) que les contrats doivent être conclus de bonne foi ; qu'en se bornant à énoncer que "la lettre du 18 février 1992 envisageait le renouvellement du contrat au conditionnel et ne pouvait donc laisser croire à un renouvellement automatique du contrat" sans rechercher, comme il le lui était demandé, si un manquement à cette obligation de la part de la société VCP ne résultait pas de la conjonction de l'ensemble de cette lettre, par laquelle VCP déclarait être "surpris(e) par l'importance qui semble être attachée ce contrat", car "nous pensons qu'un contrat est plutôt superflu si les autres éléments d'une relation existent" avant d'ajouter que "si nous constatons tous, d'ici janvier 1993, que nous allons dans la bonne direction, le contrat lui-même sera naturellement renouvelé et sans discussion", et du fait qu'en raison de son point de départ rétroactif, le contrat avait une durée effective bien inférieure à celle stipulée, sa conclusion et sa date d'expiration ayant été imposées par la société VCP pour intervenir avant l'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 1991 à seule fin d'échapper à toute obligation d'indemniser, en cas de rupture, un partenaire avec lequel elle était liée depuis 30 ans par un contrat d'agence commerciale, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ; 2°) qu'après avoir elle-même constaté que lors de la signature du contrat, la société VCP, qui entretenait des relations commerciales fructueuses et continues depuis plus de trente années avec la société Anker, avait assuré celle-ci que si l'évolution était favorable, le contrat serait renouvelé sans discussion, la cour d'appel ne pouvait décider qu'aucun abus dans l'exercice du droit de non-renouvellement du contrat ne pouvait être caractérisé à l'encontre de la société VCP, sans relever, ni que la consistance du portefeuille de marques de la société Anker figurait parmi les conditions du contrat, ni que la société VCP avait informé le distributeur de son intention de ne maintenir ledit contrat qu'en fonctions de l'évolution de ce portefeuille ; que la cour d'appel a violé, de nouveau, les articles 1134 et 1147 du Code civil ; 3°) qu'enfin, la société Anker faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la proposition faite par la société VCP de substituer la marque Henriot à la marque Veuve Clicquot Ponsardin traduisait l'absence de réel grief de fond pouvant être formulé à son encontre ; qu'en s'abstenant de répondre auxdites conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que le contrat de distribution exclusive à durée déterminée qui liait les parties prévoyait la possibilité d'un renouvellement à la condition expresse que celui-ci intervienne six mois avant l'expiration du terme, qu'au 31 janvier 1993, aucun renouvellement n'était intervenu sans protestation de la société Anker et qu'ainsi, la société VCP n'avait fait qu'exercer son droit au non-renouvellement contractuel, lequel, au demeurant n'était assorti d'aucune indemnité, l'arrêt retient, analysant les correspondances échangées, que la société VCP avait clairement fait connaître ses exigences, notamment celle portant sur un "plan marketing" destiné à ajuster au plus près l'offre à la demande et lui permettre ainsi une meilleure gestion de ses stocks pour satisfaire l'ensemble de sa clientèle, qu'elle a encouragé et aidé la société Anker à évoluer dans le sens souhaité sans l'inciter à croire à un renouvellement automatique du contrat et qu'elle n'a pas abandonné brutalement un partenaire, dont l'envergure commerciale s'était amenuisée par ailleurs, puisqu'elle lui a offert, ce qu'elle n'était pas tenue de faire, de commercialiser une autre marque de champagne, certes de moindre notoriété, mais non négligeable, avec une période de transition comportant des conditions intéressantes, ce que la société Anker a cependant refusé; qu'à partir de ces constatations et énonciations souveraines et répondant aux conclusions prétendument omises, la cour d'appel a pu estimer qu'aucun abus dans l'exercice de son droit au non-renouvellement du contrat n'était caractérisé à l'encontre de la société VCP; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.