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Décisions

Cass. com., 13 mars 2001, n° 98-19.260

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Garage des Eyssagnières (Sté)

Défendeur :

Volvo automobiles France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Huglo

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Bouzidi, Me Luc-Thaler

Cass. com. n° 98-19.260

13 mars 2001

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 mai 1998), que l'Eurl Garage des Eyssagnières (le concessionnaire) était le concessionnaire exclusif depuis 1981 de la marque Volvo pour le département des Hautes-Alpes ; que la SA Volvo automobiles France (société Volvo) a résilié le contrat de concession exclusive le 24 octobre 1995 avec un préavis d'un an ; que le concessionnaire a assigné la société Volvo devant le tribunal de commerce de Versailles en dommages et intérêts pour résiliation abusive du contrat ; que le concessionnaire a interjeté appel du jugement du tribunal ayant rejeté sa demande ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que le concessionnaire fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé la décision du tribunal de commerce alors, selon le moyen : 1°) que l'abus de droit de résilier peut résulter de ce que le concédant n'a pas pris en compte l'importance des frais et des investissements effectués, voire imposés par lui au concessionnaire ; qu'en n'examinant pas comme il lui était demandé pour apprécier le comportement de Volvo, l'importance des investissements effectués depuis l'origine de la concession, les juges du fond ont privé leur arrêt de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ; 2°) que si le concédant qui résilie une concession de marque n'est pas tenu de motiver la lettre de résiliation, la preuve de l'abus de droit résultant des motifs réels de la résiliation peut être prouvée par tout moyen et peut résulter, en particulier, de faits postérieurs et notamment de motifs invoqués par l'auteur de la rupture pour justifier a posteriori la décision de résiliation ; qu'en refusant d'examiner si des motifs donnés postérieurement à l'envoi de la lettre notifiant à la société Garage des Eyssagnières la résiliation de la convention n'établissaient pas l'existence d'un abus de droit, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que le concessionnaire ne rapportait pas la preuve que la société Volvo lui avait fallacieusement laissé entrevoir qu'elle envisageait de poursuivre leurs relations contractuelles et qu'il est établi que les frais et investissements dont le concessionnaire faisait état relatifs à la modification de la forme juridique de son exploitation ont été pris en charge par la société Volvo et répondaient à une demande qui avait été faite par cette dernière trois ans auparavant à l'ensemble des membres de son réseau, la cour d'appel a justifié légalement sa décision selon laquelle la résiliation du contrat de concession n'était pas abusive ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que la société Volvo n'a fait état dans sa lettre de résiliation du contrat de concession d'aucun motif fallacieux et que les motifs invoqués ultérieurement résidaient dans le contexte économique qui la conduisait à réexaminer sa politique de distribution en France, la cour d'appel a justifié légalement sa décision selon laquelle le concessionnaire ne rapportait pas la preuve que la résiliation avait été en fait prononcée pour des raisons constitutives d'un abus de droit; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le second moyen : - Attendu que le concessionnaire fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le moyen, que le règlement n° 1475-95 de la commission du 28 juin 1995 remplaçant le règlement n° CEE n° 123-85, est entré en vigueur le 1er juillet 1995 ; que les dispositions de son article 13 précisent cependant que les dispositions du règlement CEE n° 123-85 restent applicables jusqu'au 30 septembre 1995 ; que l'article 7 du règlement, afin de permettre aux constructeurs d'adapter leurs contrats aux nouvelles normes, a décidé que l'interdiction énoncée à l'article 85 § 1 du Traité ne s'appliquerait pas pendant la période du 1er octobre 1995 au 30 septembre 1996 aux contrats en vigueur au 1er octobre 1995 et qui remplissaient les conditions prévues par le règlement CEE n° 123-85 ; que ceci implique que, postérieurement au 30 septembre 1996, le constructeur concédant avait l'obligation, pour bénéficier de l'exemption prévue par l'article 85 § 3 et ce, en vertu du nouveau règlement d'exemption, de faire bénéficier les concessionnaires des conditions plus favorables du nouveau règlement et, en particulier des dispositions de l'article 5, 2 du nouveau règlement fixant à 2 ans la durée du préavis, (sauf dans un certain nombre de cas prévus explicitement par l'article 5, 2 ou conformément à une procédure particulière prévue par l'article 5, 3 pour le cas notamment où le fournisseur justifie de la nécessité de réorganiser l'ensemble d'une partie substantielle de son réseau), que la cour d'appel, qui n'a pas fait référence à l'une ou l'autre des exceptions prévues par les articles 5, 2 et 5, 3 du nouveau règlement et s'est contentée d'affirmer que les prétentions de l'exposante sur l'augmentation de la durée du préavis ne pouvaient être accueillies, a violé les articles 5, 7 et 13 du règlement CEE 1475-95 de la commission du 28 juin 1995 ;

Mais attendu que l'article 7 du règlement n° 1475-95 de la Commission dispose que l'interdiction énoncée à l'article 85 § 1 du Traité ne s'applique pas pendant la période du 1er octobre 1995 au 30 septembre 1996 aux accords déjà en vigueur au 1er octobre 1995 et qui remplissaient les conditions d'exemption prévues par le règlement CEE n° 123-85; qu'après avoir constaté que le contrat de concession litigieux avait été résilié le 24 octobre 1995, la cour d'appel a énoncé à juste titre qu'à la date de la résiliation du contrat, celui-ci n'était pas contraire à l'article 85 § 1 du Traité instituant la Communauté européenne, bien qu'il n'ait prévu qu'un délai de préavis d'un an, délai qui était celui exigé par le règlement n° 123-85, peu important que le délai de préavis lui-même ait couru partiellement au-delà de la période transitoire instituée à l'article 7 précité; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.