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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 15 novembre 1993, n° 92002176

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Saga (Sté)

Défendeur :

Sovico (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin (conseiller faisant fonction)

Conseillers :

Mlle Courbin, M. Ors

Avoués :

SCP Casteja-Clermontel, SCP Touton-Pineau

Avocats :

Mes Leblond, Le Bault de la Morinière.

T. com. Bordeaux, du 3 avr. 1992

3 avril 1992

Attendu que, par un acte du 30 avril 1992, la société Saga a relevé appel d'un jugement du 3 avril 1992, par lequel le Tribunal de commerce de Bordeaux l'a condamnée à payer à la société Sovico une somme de 142 043 F, les intérêts de cette somme au taux légal à compter du 17 octobre 1990 et une somme de 10 000 F par application de l'article 700 u nouveau code de procédure civile.

Que cet appel est régulier en la forme et recevable.

Attendu que l'appelante a conclu le 28 août 1992, le 18 août 1993 et le 20 septembre 1993 à l'infirmation du jugement, au débouté de l'intimée et à la condamnation de celle-ci à lui payer 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Que l'intimée a conclu le 19 août 1992, le 2 juin 1993 et le 16 septembre 1993 à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelante à lui payer 20 000 F à titre de dommages-intérêts et 20 000 F par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Attendu qu'il est constant que l'appelante a exploité un supermarché Codec - qu'elle était sociétaire de la société anonyme coopérative Codec - qu'elle a bénéficié, par l'intermédiaire de celle-ci, de livraisons de marchandises fournies par l'intimée - qu'elle en a réglé le prix à la société Codec - et que celle-ci, ayant fait l'objet d'une procédure de redressement, ne l'a pas transmis à l'intimée.

Attendu que les premiers juges ont estimé que l'on était en présence d'une opération dite de circuit direct et ont déduit de cette constatation qu'il existait un rapport de droit interne entre l'appelante et l'intimée dans lequel Codec n'intervenait que comme mandataire de l'appelante, et que, par son paiement à Codec, l'appelante n'était pas libérée envers l'intimée.

Attendu que l'intimée fait sienne cette analyse et croit la conforter en faisant remarquer que le paiement entre les mains de Codec aurait eu lieu en contradiction avec les instructions données aux sociétaires par l'administrateur judiciaire et tendant à ce qu'il soit mis fin à la pratique du circuit direct et à ce que les sociétaires paient directement les fournisseurs.

Que cet argument ne peut être retenu, l'appelante ayant démontré que le paiement était le résultat d'un prélèvement bancaire antérieur aux dites instructions.

Que l'intimée ajoute d'autres arguments qui seront examinés plus loin, s'il y a lieu.

Attendu que l'appelante ne conteste pas les faits matériels relevés plus haut, précisant même qu'elle a commandé directement les marchandises à l'intimée et que celle-ci les lui a livrées directement.

Qu'elle admet qu'il s'agit bien d'une opération de circuit direct, mais prétend, contrairement aux premiers juges, que cela impliquait que Codec était mandataire de l'intimée.

Attendu qu'elle objecte que le tribunal s'est basé sur des lettres et des circulaires adressées par Codec aux fournisseurs, qui ne lui seraient pas opposables, puisqu'elle n'a pas été consultée à leur sujet et n'en était pas destinataire.

Attendu que la Cour remarque que l'appelante, étant adhérente à cette société coopérative, ne peut récuser les documents en question, au moins dans la mesure où ils permettent de définir les modalités de l'opération en litige, d'une façon que l'appelante ne conteste pas en ce qui concerne les modalités matérielles, mais seulement en ce qui concerne les conséquences à en tirer sur le plan juridique.

Attendu que les conventions liant les parties en la cause ont résulté de décisions unilatérales de Codec que l'appelante et l'intimée ont acceptées, n'ayant ni le moyen, ni, lors de la conclusion des contrats, aucun intérêt à les contester.

Attendu qu'il résulte des documents produits (statuts de la société Codec et fiches d'accord de circuit direct) que primitivement Codec achetait des marchandises aux fournisseurs qu'elle avait admis au référencement, les stockait et les revendait à ses sociétaires - puisque, dans le but évident de se libérer des frais de stockage, elle a instauré le circuit direct.

Qu'alors elle a décidé que les achats se feraient directement entre les sociétaires et les fournisseurs admis au référencement, Codec n'intervenant que dans le paiement du prix, comme " mandataire au paiement " (indication qui est à l'origine du litige, aucun des documents rattachables directement aux faits de la cause ne précisant de qui Codec était mandataire).

Qu'il était prévu que le fournisseur remettrait ses factures à Codec qui lui en paierait le montant, déduction faite d'une ristourne, et se ferait rembourser par son adhérent en prélevant en outre une cotisation sur celui-ci.

Qu'il était prévu aussi que <Codec était garante du paiement et payerait donc le fournisseur même si elle n'était pas payée elle-même par son adhérent.

Attendu que les fiches prévoyaient diverses autres prestations au profit des fournisseurs.

Attendu qu'il faut constater que Codec, puisqu'elle était contractuellement mandataire, semble l'avoir été de l'une et de l'autre des parties, puisqu'elle fournissait des prestations à l'une comme à l'autre et se faisait rémunérer par l'une et par l'autre.

Attendu qu'il est donc nécessaire d'examiner les objections de l'intimée, qui veut prouver que Codec n'était pas son mandataire.

Que celles-ci consistent dans le fait que la TVA était récupérée par les adhérents de Codec et non par celle-ci - dans le fait que les paiements par les adhérents étaient faits par prélèvements sur un compte " avances marchandises " - que des fiches de 1979 et 1981 prévoyaient que Codec était mandataire au paiement de ses adhérents - et qu'il ne pouvait y avoir en l'espèce délégation de créance.

Attendu que la dernière objection n'est pas pertinente, l'appelante n'ayant jamais prétendu qu'il y avait délégation de créance.

Que par ailleurs les fiches de 1979 et 1981 sont étrangères au litige, les parties ayant traité sur la base de fiches plus récentes, qui ont été régulièrement communiquées et qui ne contiennent pas l'indication du mandant.

Attendu que les autres objections démontrent que Codec était mandataire de l'appelante, mais nullement qu'elle n'était pas aussi mandataire de l'intimée.

Attendu qu'en définitive la Cour ne peut que constater que Codec est intervenue à trois titres, qui ne sont nullement incompatibles :

1°) comme mandataire de l'intimée en tant qu'elle se chargeait du recouvrement des factures de celle-ci ;

2°) comme mandataire de l'appelante en tant qu'elle se chargeait de l'extinction de la dette de cette dernière ;

3°) en cas de besoin comme caution de l'appelante.

Attendu que, Codec étant mandataire de l'intimée, la demande de celle-ci ne peut prospérer.

Attendu que la Cour ajoute qu'elle voit mal comment le paiement de l'appelante pourrait ne pas être libératoire alors qu'il est rigoureusement conforme au contrat de circuit direct adopté par les trois partieset que l'appelante n'était pas obligée contractuellement à autre chose qu'à ce genre de paiement.

Attendu que cette demande n'a rien d'abusif et que l'appelante n'est donc pas fondée en la demande de dommages-intérêts qu'elle a formée de ce chef.

Que par contre la procédure l'a contrainte à engager des frais non taxables qu'il serait inéquitable de laisser entièrement à sa charge.

Par ces motifs, LA COUR, Déclare la société Saga recevable et fondée en son appel, Infirme le jugement dont appel et, statuant de nouveau, déboute la société Sovico de sa demande et la condamne à payer à la société Saga une somme de 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Condamne la société Sovico aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Casteja Clermontel, avoués à la Cour, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Condamne la société Sovico à rembourser à la société Saga les sommes payées en vertu de l'exécution provisoire augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de leur paiement.