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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 1 octobre 1997, n° 1936-95

REIMS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Codhor (SA)

Défendeur :

Treiz'Or (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lambremon-Latapie

Conseillers :

M. Ruffier, Mme Rouvière

Avoués :

SCP Thoma & Le Runigo, SCP Six & Guillaume

Avocats :

Mes Delvoie, Paris.

T. com. Epernay, du 17 janv. 1995

17 janvier 1995

LA COUR

Faits et procédure

La Coopérative d'achat des horlogers, orfèvres, bijoutiers SA, ci-après société Codhor, a été placée en redressement judiciaire par le Tribunal de commerce de Pontoise le 23 juillet 1991 et Maître Hubert Lafont a été désigné en qualité d'administrateur judiciaire.

La société Treiz'Or, qui exploite un magasin de bijouterie à l'enseigne " Christiane'Or " dans la galerie commerciale de l'hypermarché Leclerc de Pierry, est adhérente de la société coopérative Codhor et doit contractuellement à ce titre, en vertu d'un accord de " circuit direct ", faire transiter par la coopérative les règlements destinés à ses fournisseurs.

Selon acte introductif d'instance en date du 6 juillet 1993, la société Codhor, prise en la personne de Maître Hubert Lafont, son administrateur judiciaire, a fait attraire la société Treiz'Or devant le Tribunal de commerce d'Epernay pour obtenir sa condamnation au paiement d'une somme principale de 171 108, 72 F, avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 1991, ainsi que d'une indemnité pour frais de procédure.

Par jugement rendu le 17 janvier 1995, le Tribunal de commerce d'Epernay a condamné la société Treiz'Or à payer à la société Codhor la somme principale de 43 643,61 F, majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 1991, date de la mise en demeure, ainsi que la somme de 15 000 F en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il a en outre ordonné l'exécution provisoire de sa décision.

La société Codhor a relevé appel de cette décision le 4 juillet 1995.

Moyen des parties

Maître Hubert Lafont conclut ès qualités à la réformation du jugement entrepris et demande à la Cour de condamner la société Treiz'Or à lui payer la somme de 166 532,50 F, avec intérêt au taux légal à compter du 22 septembre 1991, et celle de 20 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il fait grief aux premiers juges d'avoir déduit des sommes dues la somme de 122 888,89 F qui aurait été versée directement aux fournisseurs par l'intimée, alors que la société Treiz'Or ne peut prétendre déduire que les factures qui ne lui ont pas été réclamées par la société Codhor.

Il soutient sur ce point être tenu de réclamer ces sommes, qui correspondent à des marchandises livrées et jamais payées, à la société Treiz'Or puisque c'est la société Codhor qui subit ce non-paiement dès lors qu'elle s'est portée ducroire et que les fournisseurs ont déclaré leurs créances au passif.

Il indique d'autre part, que les frais de publicité réclamés se rapportent à la campagne 1990, laquelle a bien été réalisée. Il affirme enfin que la société Treiz'Or ne peut prétendre se soustraire au paiement des cotisations afférentes au fonctionnement de la coopérative dès lors qu'aucune assemblée générale ou décision du Conseil d'administration n'en a suspendu l'exigibilité.

La société Treiz'Or conclut au débouté de l'appel et, formant appel incident, sollicite l'infirmation dans la mesure utile du jugement entrepris. Elle prétend la société Codhor est sans qualité pour lui réclamer le montant des sommes dont elle est redevable envers ses fournisseurs. Elle demande à la Cour de constater qu'elle a versé à la société Codhor la somme de 65 684,66 F destinée au règlement de ses fournisseurs alors que ladite somme ne leur a pas été reversée. Elle soutient que cette somme constitue couvre le montant des cotisations, frais de fonctionnement et de publicité exposés par la société Codhor pour le compte de ses adhérents.

Elle réclame la condamnation de la société Codhor à lui payer la somme de 15 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 23 mai 1997, la société Codhor observe que toute compensation est impossible entre les sommes dues par la société Treiz'Or et la somme de 265 684, 66 F non reversée aux fournisseurs, dès lors que ces derniers ont déclaré lesdites sommes au passif et que la société Treiz'Or, qui a reçu les marchandises concernées et les a revendues, ne subi aucun préjudice et n'est pas créancière de cette somme. Elle fait valoir que par ordonnance en date du 15 novembre 1984, revêtue de l'autorité de la chose jugée, le juge-commissaire a rejeté la déclaration de créance effectuée par la société Treiz'Or qui invoquait un risque éventuel de double paiement. L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mai 1997.

Discussion

Il ressort des conclusions non contestées de l'expertise comptable réalisée par le cabinet Guérard-Viala dans le cadre de la procédure collective dont fait l'objet la société Codhor que la société Treiz'Or est redevable en sa qualité d'adhérente de la coopérative et en application du règlement intérieur d'une somme de 166 532,50 F

Les conclusions du cabinet Guérard-Viala établissent également que la société Codhor n'a pas procédé au paiement de divers fournisseurs de la société Treiz'Or, qui lui ont adressé leurs factures dans le cadre du système de " circuit direct ", ce à concurrence d'une somme de 265 684,66 F versée entre ses mains par la société Treiz'Or.

Il appert de l'analyse des relations contractuelles liant les parties que la société Codhor n'assurait le paiement des fournisseurs de son adhérente, la société Treiz'Or, qu'en sa seule qualité de mandataire de cette dernière.

Dès lors, elle ne peut justifier d'une créance qui lui soit propre qu'en ce qui concerne les factures dont elle a effectivement assuré le règlement en exécution de son mandat.

Il s'avère en outre que la procédure collective dont elle fait l'objet rend incertaine la perspective d'un règlement futur des fournisseurs concernés, exposant ainsi son mandant au risque inadmissible d'un double paiement.

Il échet d'ailleurs de relever que par lettre datée du 13 septembre 1991, Maître Lafont, agissant en qualité d'administrateur judiciaire, a informé les adhérents de la coopérative Codhor que cette dernière n'était plus en état d'assurer sa fonction de centrale d'achats dans le cadre du système de circuit direct et qu'il leur appartenait, en conséquence, de payer désormais directement à leurs fournisseurs les relevés qui n'ont fait l'objet d'aucun paiement à ce jour entre les mains de la société Codhor.

En conséquence contrairement à l'opinion erronée des premiers juges et nonobstant les stipulations du règlement intérieur, la société Codhor ne peut prétendre au règlement par son mandant de relevés de factures qu'elle a simplement reçues desdits fournisseurs sans les avoir elle-même payées, ni prétendre sur le fondement de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 que la société Treiz'Or ne peut lui opposer la compensation avec les sommes qu'elle lui a réglées et qui n'ont pas été reversées aux fournisseurs, même si ces derniers ont produit leurs créances, s'agissant en l'occurrence de dettes manifestement connexes comme procédant de l'exécution d'une convention unique régissant les rapports financiers des parties.

En revanche, la société Treiz'Or ne peut prétendre déduire en outre le montant des règlements qu'elle a effectués directement entre les mains de ses fournisseurs à concurrence d'une somme de 122 888,89 F selon les justifications produites, dès lors que la recension du décompte des factures laissées impayées par la société Codhor, tel qu'établi par le cabinet Guérard-Viala inclut les factures dont l'intimée établit le paiement, de sorte que cette dernière ne saurait déduire deux fois lesdites sommes du montant de sa dette.

Il échet en revanche d'approuver les premiers juges en ce qu'ils ont justement retenu que la société Treiz'Or ne pouvait se soustraire au paiement des cotisations de fonctionnement de la société Codhor qui sont afférentes à une période où elle était toujours adhérente de la coopérative, ni au frais de publicité dès lors qu'elle ne démontre pas que l'intimée n'aurait pas exécuté les prestations correspondantes.

Il s'ensuit qu'après compensation entre les sommes non réglées aux fournisseurs par la coopérative et la créance réclamée, la société Treiz'Or ne reste redevable d'aucune somme envers la société Codhor. Il échet donc d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la société Codhor de toutes ses prétentions.

Au vu des éléments de la cause, il échet de fixer à la somme de 10 000 F l'indemnité qui sera allouée à la société Treiz'Or en application des dispositions de l'article 70 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs : Dit recevable et fondé l'appel formé par la société Treiz'Or ; Infirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 janvier 1995 par le Tribunal de commerce d'Epernay ; et, statuant à nouveau, Déboute la société Codhor et Maître Hubert Lafont ès qualités de toutes leurs prétentions ; Condamne la société Codhor à payer la société Treiz'Or la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties de toutes leurs prétentions contraires ou plus amples ; Condamne la société Codhor aux dépens de première instance et d'appel et autorise la société civile professionnelle six & Guillaume, Avoués, à procéder au recouvrement direct des dépens de l'instance d'appel dans les conditions fixées par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.