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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 14 novembre 2001, n° 1999-24126

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Espace Hôtel (SARL)

Défendeur :

Friendly France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

Mmes Jaubert, Percheron

Avoués :

SCP Teytaud, SCP Valdelièvre-Garnier

Avocats :

Mes Bloch-Maurel, Brabant.

T. com. Paris, du 24 sept. 1999

24 septembre 1999

La SARL Espace Hôtel est appelante du jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 24 septembre 1999 par le Tribunal de Commerce de Paris qui l'a condamnée à payer à la SA Friendly France la somme de 218.546,53 F avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1996, date de l'assignation et ce en 24 mensualités avec déchéance du terme en cas d'impayé - ainsi que la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les dépens, la déboutant de ses demandes ;

La Société Espace Hôtel prie la Cour, réformant cette décision, à titre principal de prononcer l'annulation du contrat de franchise conclu entre les parties le 4 février 1994 pour dol du franchiseur, et de condamner la société Friendly à lui rembourser les sommes de 188.867,14 F, montant des sommes payées au cours de l'exécution du contrat, 120.000 F au titre des frais directement liés au contrat et 218.546,53 F, montant des sommes versées au titre de l'exécution provisoire dont était assorti le jugement :

- à titre subsidiaire de dire que la société Friendly s'est rendue coupable d'une inexécution fautive de ses obligations de franchiseur et n'a pas exécuté le contrat de bonne foi, et qu'elle-même ne peut en conséquence être redevable d'aucune somme complémentaire par rapport au montant qu'elle a acquitté au cours du contrat, faute de contrepartie, et d'ordonner le remboursement de la somme reversée au titre de l'exécution provisoire, en toute hypothèse de condamner la société Friendly à lui payer la somme de 50.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

La société Friendly France (anciennement dénommée Manor Care Hôtels France) poursuit la confirmation du jugement entrepris et l'allocation de la somme de 50.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle soutient que la société Espace Hôtel ne caractérise ni les manouvres de sa part ni le vice du consentement qu'elle allègue s'agissant du dol, et que si le franchiseur a respecté ses obligations malgré la crise qui touchait le secteur hôtelier entre 1991 et 1996, le franchisé a dès le début des relations contractuelles accusé des retards de paiement de redevances avant de cesser tout paiement, ce qui a entraîné la résiliation du contrat le 21 novembre 1996.

Sur ce, LA COUR

Considérant que la société Espace Hôtel, qui exploite depuis mai 1991 un hôtel de 57 chambres situé à Balma dans la périphérie de Toulouse, a signé le 4 février 1994 un contrat de franchise avec la société Manor Care Hôtels France, connue sous le nom commercial de Choice qui venait de reprendre le réseau Primevère, laquelle s'est engagée à lui fournir diverses prestations et lui a accordé l'usage de la marque Comfort Inn moyennant le paiement d'un droit d'entrée de 112.500 F HT (ramenée à 42.750 F HT, par un avenant du même jour), d'une redevance mensuelle égale à 3,5 % du chiffre d'affaires et de redevances annuelles de marketing et réservation ;

Que ce contrat, conclu pour une durée initiale de 15 ans reconductible par périodes de 5 ans, a été résilié par le franchiseur le 21 novembre 1996 pour manquement du franchisé à son obligation de paiement des redevance ;

Que c'est dans ces conditions qu'après plusieurs mises en demeure infructueuses la société Friendly (nouvelle dénomination de Manor Care Hôtels France) a fait assigner la société Espace Hôtels en paiement de la somme principale de 218.546,53 F devant le Tribunal de Commerce de Paris, qui également saisi d'une demande reconventionnelle tendant à voir constater l'existence d'un dol entachant le contrat de franchise et, subsidiairement l'inexécution fautive des obligations du franchiseur, a statué par le jugement dont appel ;

Considérant que devant la Cour la société Espace Hôtel reprend les moyens et arguments qu'elle avait soutenus devant les premiers juges, en faisant valoir :

- que le franchiseur a commis un dol à son égard en ne respectant pas les promesses et avantages mensongers mis en avant dans sa plaquette intitulée "Dix bonnes raisons de devenir franchisé Choice Hôtels" qui avait déterminé son consentement, en ce qui concerne tant le développement du réseau que les actions de communication et marketing et la centrale de réservation Choice 2001,

- à titre subsidiaire que le franchiseur a manqué à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi en ne lui transmettant aucun savoir-faire et en ne lui permettant pas de réaliser les performances promises du fait d'actions de communication insuffisantes et dépourvues d'efficacité, d'un système de réservation inadéquat, d'une gestion interne peu rigoureuse, d'une mauvaise sélection de ses fournisseurs et d' erreurs dans ses brochures ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1116 du Code Civil "le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manouvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manouvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé" ;

Considérant qu'en l'espèce le document dont se prévaut Espace Hôtel est un document commercial de Choice qui pour l'essentiel opère une présentation flatteuse de son réseau mondial dont le caractère mensonger n'est pas allégué ; qu'il ne comporte pas d'engagement quant à un prévisionnel d'exploitation ou aux sommes à consacrer aux actions de communication et marketing ; que la société Espace Hôtel, qui était un professionnel de l'hôtellerie depuis 3 ans à la date de la signature du contrat de franchise, ne démontre pas en quoi son consentement a pu être vicié par ladite présentation, alors qu'elle n'ignorait pas que ce franchiseur anglo-saxon faisait ses débuts sur le marché français ;

Que la société Espace Hôtel doit en conséquence être déboutée de sa demande d'annulation du contrat de franchise ;

Considérant qu'en réalité, la société Espace Hôtel fait grief au franchiseur d'avoir fait bénéficier son réseau français de moyens insuffisants dans sa publicité et de ne pas l'avoir doté de la centrale de réservation performante sur laquelle elle comptait pour optimiser l'exploitation de son hôtel ; qu' ainsi, si elle se plaint dans le cadre de la présente instance de l'absence de transmission de savoir-faire du franchiseur qui ne lui aurait jamais remis la "bible", il ne résulte pas des pièces versées aux débats qu' elle ait à un moment quelconque mis en demeure la société Manor Care de lui remettre ce document, ni même qu'elle le lui ait réclamé, observation étant faite que son dirigeant Etienne Renard était, en sa qualité de vice-président de l'association des franchisés, en relation étroite et constante avec le franchiseur ; que le fait que plusieurs directeurs se soient succédés à la tête de Manor Care France, que certains des fournisseurs dont elle recommandait les prestations pratiquent des tarifs plus élevés que ceux auxquels a eu recours Espace Hôtel et que deux erreurs se soient glissées dans le tarif diffusé par le franchiseur n'est pas de nature à caractériser son absence de bonne foi dans l'exécution du contrat ; qu'il ne saurait pas plus être tenu des résultats médiocres de sa centrale de réservation, s'agissant de l'implantation d'une enseigne nouvelle, pénalisée de surcroît par la reprise de l'enseigne Primevère, et ce dans un marché fortement concurrentiel et en crise, tous éléments connus d'Espace Hôtel en sa qualité de professionnel de l'hôtellerie depuis 1991 ;

Considérant, en ce qui concerne les activités de communication et marketing, que la société Espace Hôtel reproche à Manor Care un investissement totalement insuffisant et des actions dépourvues d'efficacité; que toutefois le budget global de publicité nationale pour 1996 était de l'ordre de 4 millions de francs, ce qui n'ait nullement dérisoire par rapport à celui des chaînes concurrentes (12 millions pour Ibis, 18 pour Campanile et 25 pour Mercure) compte-tenu du nombre d'unités et de chambres des chaînes concernées ; qu'enfin la société Espace Hôtel ne peut reprocher au franchiseur un absence d'efficacité immédiate alors que la marque Comfort Inn ne disposait que d'une faible notoriété sur le marché français compte-tenu de son apparition récente ;

Considérant que la société Espace Hôtel, qui ne caractérise pas l'inexécution fautive du contrat qu'elle impute à Manor Care, doit être déboutée de ses demandes et condamnée au paiement des redevances dues, dont le montant n'est pas contesté ;

Que le jugement entrepris doit recevoir confirmation en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Friendly France, à hauteur de la somme de 12.000 F, les frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel ;

Par ces motifs :

Confirme le jugement entrepris ; Condamne la SARL Espace Hôtel à payer à la SA Friendly France la somme de 12.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les dépens ; Admet l'avoué concerné au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.